Dans la salle d'attente (je les fréquente de plus en plus), le tas de revues habituel; j'en pêche une. Tiens! L'Humanité-Dimanche.Voyons voir le sommaire. C'est en dernière page : à quoi sert le savoir? C'est la contribution d'un philosophe dont j'ignorais le nom à un bouquin qui a paru en Décembre, aux PUF, pour leur 90è anniversaire. La question a été posée à 72 intellectuels ...Allons, une page, c'est vite lu.
JFKervégan (c'est son nom ; oh! les initiales!) répond : "le savoir, ça sert à s'émanciper de la tyrannie du "c'est comme ça"." Réaction spontanée de ma part : pas bête...mais...ça ne suffit pas. Lisons. Après avoir reposé le magazine, ma machine à pensoter démarre. Je sors mon bloc (poche gauche ) et mon Bic :
1/ le savoir, ça n'existe pas. Il y a des savoirs enchevêtrés, partout. Dans ma tête, mes pieds, mes mains, et tout le reste. Chez tous ceux que je rencontre, et tous les autres. Des traces de savoirs, dans les "oeuvres" (un livre, mais aussi un couteau, une chanson...). Je n'ai jamais pu "monter" tout ça comme un meccano : le résultat ne ressemble à rien, et il reste des pièces. Je crois bien "savoir" que je ne suis pas le seul à avoir échoué.
2/ Un livre, un couteau, une chanson, ce sont des objets, pas les savoirs dont ils portent les traces décelables. Alors,je voudrais voir un savoir, quelle gueule ça a ? Une évidence me saute aux yeux (méfions-nous!) : les savoirs sont indissociables des "faire" et des "croire", et des mémoires, et des "mobiles" qui font explorer les mémoires. Les soi-disant "savoirs" sous forme de mots, de phrases, de schémas, d'équations, ne sont, eux aussi, que des traces.
3/Les savoirs ne naissent que par l"'apprendre", qui, lui aussi, est multiple : rencontrer, faire, mémoriser, mettre en connexions perceptives, catégorielles, d'humeur et d'évaluations ; reconnaître, imaginer, inventer, créer ; critiquer, juger, analyser, combiner ; comprendre (ou se le figurer).
1,2,3, vont-ils me guider vers une réponse à la question? A un refus de cette question? A une autre question, jugée plus pertinente? A autre chose? Lançons-nous.
-ça ne sert à rien, de savoir. Ce qui vaut, c'est apprendre (bof! provocateur...)
-ça sert à ajouter une perspective du monde à celles qu'on trimballait déjà ; et à s'échiner à tâtonner pour recomposer un paysage d'ensemble, ou laisser à part dans un tiroir spécial.( là, je plagie JFK)
-ça sert à remanier les "faire", à éclairer autrement les "croire qu'on sait" et les "savoir qu'on croit" ( trop général et abstrus)
- ça sert à relayer l' innovation biologique, lente et hasardeuse, par une évolution culturelle plus rapide et inventive (prétentieux!)
-ça sert à conformer les gens ...et à casser les conformismes établis, imprévisiblement (pas mal...)
- c'est un héritage des vivants néguentropiques, et des sapiens : on impose "son" ordre au désordre des possibles (ben dis donc!)
- c'est, c'est, c'est...à n'en plus finir. En voilà une question fatigante.