Il est assez cocasse, le discours d'Emmanuel Macron ce soir. En matière économique et sociale, il nous propose, en somme, de mettre en oeuvre le programme proposé par ... Jean-Luc Melenchon en 2017 : planification écologique et solidaire, réinvestissement massifs de secteurs stratégiques, il va même jusqu'à nous parler d'économie de la mer. On aurait presque envie de rire devant la farce et l'imposture que constitue ce discours qui se veut historique.
Si ce n'est, qu'en 3 ans, au nom d'impératifs financiers dont il découvre bien tardivement le caractère insensé, il a cassé les solidarités, et d'abord l'hôpital public; détruit les moyens d'une transition écologique, en cassant la SNCF; et qu'il aura si peu soutenu son ministre de l'écologie (Nicolas Hulot), que celui-ci est parti avec fracas quand, par ailleurs, son gouvernement, et en particulier son ministre de l'intérieur, faisait réprimer, matraquer et gazer les demandes populaires de solidarité (les gilets jaunes) et de transition écologique massive (la jeunesse qui manifestait pour le climat).
Les paroles sont belles, mais les actes ont si peu révélé un sens de l'anticipation du moment historique et politique dans lequel nous nous trouvons, ses actes passés ont si peu démontré un sens stratégique de la conjoncture historique, qu'il est difficile de croire, aujourd'hui, qu'Emmanuel Macron soit le mieux placé pour les mettre en oeuvre. D'autant, qu'à écouter de près son discours, Emmanuel Macron semble si peu en rupture avec ses actes passés, qu'il réinscrit cette stratégie écologique et solidaire dans un schéma productiviste, là où il faudrait réinterroger la notion même de productivité, et celle de temps de travail. C'est-à-dire soulever à nouveau la question de l'exploitation, pour ne pas dire la question de la destruction de la nature et des hommes.
Puis, à nouveau, Emmanuel Macron marque un temps de retard. Alors que toute la planète se soulève pour refuser le racisme et les violences policières dans des termes qu'Emmanuel Macron récuse (et c'est après tout son droit, même s'il semble à nouveau ne pas saisir les mouvements profonds de l'histoire) il les récuse dans des termes qui ne font nul droit et place à ces interrogations. Comme toujours, lorsqu'Emmanuel Macron se heurte à une question qu'il n'avait pas anticipée, il réprime et refoule des demandes et des interrogations démocratiques en les renvoyant à une haine constitutive, pour mieux les diaboliser et les faire taire. Ainsi, la jeunesse qui partout se mobilise serait haineuse et séparatiste. Mais n'est-ce pas, à vrai dire, ce qu'il avait déjà fait avec les gilets jaunes, et ce qu'on pourrait appeler le "coup de la haine", une tactique de disqualification et de marginalisation destinée à masquer ses manques politiques et stratégiques criants ?
Bref, ce président de la république, si grandiloquent et pompeux, et à l'esprit si étroit est tout, sauf à la hauteur des enjeux, ruptures et bifurcations de l'histoire telle qu'elle se fait sous nos yeux. Il n'a toujours pas saisi que, non, l'histoire n'avait pas pris fin en 1990 avec le règne et le triomphe apparents de la démocratie de marché.