Enseignant, je me suis mis à la retraite dès la fin de cette année scolaire alors qu'il me manquait encore de nombreux trimestres. Ce métier, je l'ai adoré longtemps mais je le quitte aujourd'hui avec un sentiment de délivrance. Pourtant, aucune des pistes avancées dans la tribune de Rodrigo Arenas n'aurait pu m'empêcher de fuir ce métier. C'est dommage, parce que même si la seule gauche qu'il nous reste ne comprend pas le problème, c'est mal parti !
Bien loi de la rémunération " minable ", de la formation inexistante, etc... Non, ce n'est pas ça qui petit à petit a détruit mon métier, et c'est bien plus grave.
Mon travail, jadis, consistait à former des citoyens avertis et responsables, capables de comprendre le monde et son évolution par la connaissance de son histoire littéraire, scientifique, géographique, artistique, ceci pour mes élèves de lycée. (J'avais aussi des étudiants en licence).
Allez, je fais la liste des minuscules humiliations qui ont ruiné mon engouement :
- Voir arriver des élèves incapables d'écrire une ligne sans faute d'orthographe
- Assister à la disparition du vocabulaire (durant ces dernières années j'ai soigneusement évité d'utiliser le mot "ludique" dans mes sujets, par exemple)
- Constater que les élèves étant dans l'incapacité de comprendre un texte comme d'en rédiger un, on crée un épreuve - le grand oral - dont ils choisissent eux-mêmes le sujet
- Être convoqué pour corriger cette épreuve le dimanche pour le lundi (officiel !)
- Être convoqué pour corriger une épreuve du bac de 18 candidats et se retrouver obligé d'en corriger 36 pour le même prix, 2€50 la copie, soit une économie de 45 € pour le rectorat
- Voir des étudiants sortir leur calculette, pardon, leur téléphone pour diviser un nombre par deux
Certes, ce sont de toutes petites humiliations, même si j'abrège leur liste. Mais la vraie chose insupportable n' a rien à voir et ne trouve aucune trace de réponse dans la tribune citée. Le vrai problème, la vraie raison de mon dégoût de ce métier, c'est le sentiment de mentir à mes élèves, de leur faire croire qu'obtenir le bac signifie quelque chose.
Mon vrai ressentiment, c'est d'avoir l'impression d'avoir participé à la fabrique de crétins. Vous n'y croyez pas ? Jetez un coup d'œil aux réactions des élèves de première au texte de Sylvie Germain...
Pourtant, je n'enseigne pas le français, j'ai juste besoin d'élèves !