Très chère Angela Merkel,
Dans un récent courrier, tu te permets de critiquer vivement la façon dont nous, les français, tout comme nos amis italiens, faisons peu d'efforts pour aller dans ton sens, celui d'une réduction drastique de tout ce qui nous fait plaisir. Comme je n'ai, comme toi, absolument aucune formation en économie, je me permets en retour de te donner quelques conseils.
Ton pays est le plus grand fournisseur mondial de machines, notamment de voitures sombres, le plus souvent noires même.
Des corbillards.
Certes, ta population est viellissante et vous ne faites plus d'enfants, mais tout de même, n'est-il pas encore un peu tôt pour nous équiper tous de la sorte?
Bon, pour vos retraites, je n'ai pas de solution, il semble qu'il soit déjà trop tard. Mais je suis confiant, nul doute que ton peuple acceptera de travailler une bonne dizaine d'années suppémentaire, car qu'aurait-on à faire d'une retraite? Profiter? Mais profiter de quoi, au juste? D'un pays en ruine, du spectacle des milliers de pauvres qui ornent les rues, des déambulateurs qui petit à petit remplacent les bicyclettes?
Observe la joie qu'éprouvent les touristes à nous rendre visite, à Paris comme à Rome : chacun de nos deux pays attire plus de visiteurs que les immenses Etats-Unis !
Que la dette de ton pays soit immense ou nulle, franchement, je m'en fous. En revanche, l'état déplorable de tes routes, de tes ponts, ces salaires honteux que tu verses comme une aumône à tes ouvriers, cette précarité érigée en vertu me font, très chère amie, vraiment mal aux tripes. Note que je n'ai rien contre le masochisme ; si d'aucuns s'en satisfont, grand bien leur fasse. Mais, s'il te plait, pas de prosélytisme. Vous vous dirigez vers la catastrophe avec la joie que seuls peuvent ressentir ceux à qui la perspective d'une douleur nouvelle donne des frissons de plaisir. Je ne porte pas de jugement, mais, de grâce, faites-en de même et laissez-nous continuer à nous faire plaisir en demeurant les meilleurs cuisiniers du monde, les créateurs des plus belles modes et des plus beaux bijoux.
J'imagine que vous portez des souliers, Madame Merkel. Imaginez quelle serait la tristesse du monde si tout-à-coup nous devions tous renoncer à nous chausser chez les merveilleux fabricants français ou italiens pour ne plus porter que des... Birkenstock?
La couleur et la fantaisie sont bien plus essentiels au bonheur que les équilibres budgétaires des états. Enfin, le bonheur des gens, car j'imagine aisément que les machines s'en foutent.
Nous sommes des êtres vivants, pas des comptables; c'est cela qui compte!
Prennez grand soin de vos machines viellissantes, je n'ai malheureusement pas plus de temps à vous consacrer : les fêtes aprochent et je me dois de bien réussir mes foies gras. Pendant que c'est encore possible.