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Billet de blog 1 avril 2020

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Désemplir, un peu, les prisons

Plutôt que d’allonger la durée des détentions provisoires, il vaudrait mieux chercher à désemplir, un peu, les maisons d’arrêt.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

L’article 16 de l’ordonnance portant adaptation de règles de procédure pénale, du 25 mars 2020, allonge de deux à six mois les délais de la détention provisoire des personnes mises en examen au cours de l’instruction et de celles renvoyées devant les juridictions de jugement durant la période d’audiencement.

L’article 17 de ce texte allonge également ces délais pour les prévenus dans les procédures de comparution immédiate, avant qu’intervienne la décision sur le fond, en première instance ou en cause d’appel.

Ces dispositions auront pour effet d’augmenter de manière significative la durée des détentions provisoires prononcées pendant l’état d’urgence sanitaire mais également la durée des détentions décidées précédemment et actuellement en cours.

Si la durée de la détention provisoire s’impute sur le montant de la peine d’emprisonnement prononcée, cette durée se confond avec la peine finalement exécutée à chaque fois que la peine prononcée est inférieure ou égale à l’emprisonnement déjà subi au titre de la détention provisoire.

Il y avait, au 1er janvier 2020, plus de 21 000 personnes en détention provisoire dans les établissements pénitentiaires. Si la moitié de ces effectifs est affectée par les nouvelles dispositions, plus de 10 000 détenus resteront incarcérés deux à trois mois de plus en moyenne durant toute la période de la crise sanitaire. Il y aura donc mécaniquement, les libérations étant moins fréquentes, plus de détenus provisoires au même moment dans les prisons françaises.

Certes, l’ordonnance du 25 mars prévoit également la libération anticipée de détenus condamnés, avant la fin de l’exécution de leurs peines, et l’on peut raisonnablement espérer qu’avec le confinement, la délinquance baissera sur l’ensemble du territoire et, avec elle, le nombre des incarcérations.

Mais prendre, dans la même ordonnance, des dispositions ayant pour effet, pour les unes, d’augmenter la population carcérale et, pour les autres, de la réduire, ne fait pas une politique pénale.

Le plus grave est que l’augmentation du nombre des détenus provisoires aggravera encore le taux d’occupation des maisons d’arrêt, qui sont déjà structurellement en sureffectifs. Une telle situation risque d’avoir des conséquences sur la santé voire sur la vie des détenus, en raison de l’impossibilité pour ces derniers de respecter les gestes barrière lorsqu’ils doivent partager à plusieurs une même cellule.

Les personnes concernées pourraient faire valoir qu’elles ont été exposées à des traitements inhumains ou dégradants, au sens de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme. Plutôt que d’allonger la durée des détentions provisoires, il vaudrait mieux chercher à désemplir, un peu, les maisons d’arrêt.

Tant que la crise durera, le placement comme le maintien en détention provisoire de personnes poursuivies en matière délictuelle ne doivent être requis et prononcés qu’à titre exceptionnel et pour une durée aussi courte que possible. Et la remise en liberté des actuels détenus provisoires prioritairement recherchée.

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