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Billet de blog 7 septembre 2013

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BHL au Grand Journal du 27 Août 2013 : un regard critique

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Bernard-Henri Levy a été reçu dans l'émission «Le Grand Journal» de Canal+, le 27 Août 2013.

Le sujet de l'entretien était la possible intervention militaire française en Syrie.

Cette émission a été remarquée pour une grossière erreur de géographie durant une vidéo d'introduction au sujet (la Syrie positionnée à la place de l'Irak) : http://www.meltybuzz.fr/le-grand-journal-confond-la-syrie-avec-l-irak-a206210.html

Néanmoins, elle recèle d'autres éléments intéressants. J'ai pour ma part été choqué par un argument fallacieux utilisé par BHL durant l'émission. Afin de le replacer dans son contexte, et d'en faire une critique rigoureuse, j'ai fait une retranscription écrite de cet entretien. À ma grande surprise, il y a d'autres passages choquants dans cet entretien.

Le compte-rendu (et mes remarques en gras entre crochets) est disponible ci-après.

La vidéo de l'entretien est visible ici :

http://player.canalplus.fr/#/923038

Compte-rendu :

Antoine de Caunes :

Bonsoir Bernard-Henry Levy. Comment dois-je vous appeler d'ailleurs ? Bernard-Henri ? BHL ? Monsieur le Ministre ?

Bernard-Henri Levy :

Bernard-Henri, c'est bien. On se connaît depuis …

AdC :

...depuis quelques années déjà.

BHL :

...assez longtemps, voilà.

AdC :

Vous étiez bien ministre des affaires étrangères sous Nicolas Sarkozy, c'est ça ?

BHL :

Dans un temps très très ancien...

Jean-Michel Aphatie :

Pas si ancien que ça.

Jeannette Bougrab :

Moi, je confirme, je confirme, je confirme

BHL :

Je vous en prie, non, c'est des choses tellement sérieuse, je n'ai pas envie de plaisanter avec ça.

JB :

Mais justement, vous avez été un curseur. [?]

AdC :

Plus sérieusement, plus sérieusement, justement, après l'emploi à grande échelle d'armes chimiques la semaine dernière à Damas, la question d'une intervention militaire se pose de plus en plus. Faut-il vraiment y aller, quel sont les risques ? Éléments de réponse, avec Mathias Ilian.

Lancement de la vidéo d'introduction :

Image : un char d'assaut roule dans une rue, une explosion, et un cri «Allah akbar» qui retentit.

Voix off :

Ce se passe comme ça tout les jours en Syrie, et ça fait deux ans et demi que ça dure. Les États-Unis et l'Europe s'apprête à intervenir. Pourquoi y aller ? Pourquoi c'est risqué ? Le conflit en Syrie, c'est 100000 morts, 2 millions de réfugiés dont un million d'enfant.

(à cet instant, paraît une carte de l'Irak portant comme mention «Syrie»)

Et depuis une semaine, Bachar El-Assad est soupçonné d'avoir franchit la ligne rouge tracée par Barack Obama.

Barack Obama s'exprimant en américain, traduction :

«La ligne rouge pour nous, ce serait la découverte d'un kit complet d'armes chimiques en circulation voir même utilisées»

L'arme chimique : c'est le tabou absolu des lois de la guerre. Mercredi dernier, une attaque, probablement au sarin, fait 1300 morts dans la banlieue de Damas. Depuis, ces images d'horreur sont diffusées en boucle sur les chaînes info du monde entier.

Le massacre de trop pour les américains.

John Kerry s'exprimant en américain, traduction :

«La tuerie de femmes, d'enfants et de passant innocents par des armes chimiques est moralement indécente.»

Le problème, c'est que l'intervention s'annonce compliquée, parce qu'à l'ONU il devrait y avoir veto de la Russie et de la Chine qui continuent à soutenir le régime syrien.

[Ici, la voix off glisse : elle a dit un instant plus tôt que Bachar El-Assad est «soupçonné» d'avoir utilisé des armes chimiques. Maintenant, l'intervention est décrite comme nécessaire (puisque le veto à l'ONU rend l'affaire «compliquée», ce qui est un «problème».)]

Voix off :

Si les américains et les européens agissent, ce sera sans l'aval du Conseil de Sécurité. Parce que comme en Irak et en Afghanistan, ben c'est pas si sûr que la situation soit vraiment meilleure après l'intervention occidentale. Et puis un tout petit détail : l'opinion US qui ne veut plus entendre parler d'une nouvelle guerre : 75 % des américains s'opposent à une intervention en Syrie.

Manifestante sur fond de drapeau syrien s'exprimant en américain, traduction :

«Les syriens meurent, et c'est une honte !»

Bref, y'a pas vraiment de bonne solution, alors question : Est ce qu'il faut vraiment y aller ?

[À noter, pendant la vidéo d'introduction, BHL est pris de plusieurs tics nerveux].

AdC :

Faut-il vraiment y aller ? Avant l'emploi des armes chimiques la guerre civile avait déjà fait plus de 100000 morts, sans que personne ne se décide à bouger, ça veut dire que tant que l'on en reste à des armements conventionnels ça va, mais dès qu'on touche au chimique, ça ne va plus.

BHL :

Pas pour moi. Moi, je pense que la ligne rouge à été franchie depuis très très longtemps. En effet, un régime qui massacre 100000 de ses concitoyens, c'est de toute façon depuis très longtemps inacceptable.

[Une guerre civile, ce sont des factions qui s'entre-tuent à l'intérieur d'un même pays. Il est donc impossible d'imputer la responsabilité de tout les morts à une seule faction. C'est pourtant ce que fait ici BHL en attribuant la responsabilité des 100000 morts uniquement au régime syrien. Cela lui permet de le noircir davantage]

JMA :

Pour rester sur l'utilisation de l'arme chimique, qui nous assure aujourd'hui, qui vous assure, que c'est le régime de Bachar El-Assad qui l'a utilisée ?

BHL :

Écoutez, je crois que franchement sur ce point, toutes les chancelleries, tout les observateurs indépendants, tout les services de renseignement du monde s'accordent à dire qu'il n'y a plus de doute.

[BHL se trompe et nous trompe, car la Russie, par la voix de Vladimir Poutine affirmait la veille de cet entretien (le 26/08/2013) que «ils n'ont pas de preuves ni de l'utilisation d'armes chimiques ni de qui en serait responsable» (en parlant des occidentaux), sources : http://www.lalibre.be/actu/international/poutine-a-cameron-pas-de-preuve-d-attaque-chimique-par-damas-521b925f35706c46e2391881) et http://www.liberation.fr/monde/2013/08/26/armes-chimiques-en-syrie-des-accusations-insensees-selon-assad_927052

La position russe est restée inchangée dans les jours suivants : http://www.lapresse.ca/international/dossiers/crise-dans-le-monde-arabe/syrie/201308/31/01-4684996-armes-chimiques-une-absurdite-totale-dit-poutine.php

BHL affirme qu'il y a un consensus mondial quand à la responsabilité du régime syrien dans l'affaire de l'attaque chimique, or ce consensus n'existe pas.

Malheureusement, personne ne relèvera cette erreur de BHL sur le plateau (prouvant en cela qu'il n'y a aucun journaliste dans cette émission qui se nomme pourtant le grand journal).]

JMA :

La manipulation est exclue ?

BHL :

Je pense que la manipulation est exclue.

JMA :

Vous le pensez.

BHL :

Je...

JMA :

C'est faible, c'est faible, pour... pour pas jouer sur les mots, mais, pensez des choses quand il s'agit d'envisager une action guerrière contre un état, ça n'est pas assez.

BHL :

Personne n'envisage une action guerrière contre un état. On envisage une action de justice pour un peuple. C'est très différent. Ce dont a parlé François Hollande cet après-midi, avec des mots que j'ai trouve particulièrement bien choisis, c'est que le moment était venu d'arrêter le massacre des enfants. Que le moment était venu d'arrêter cette espèce de folie criminelle qui s'est emparé de Bachar el-Assad.

AdC :

On peut peut être en profiter pour écouter justement la déclaration de François Hollande, il y a quelques... il y a une heure, au salon des ambassadeurs.

Extrait de l'allocution de François Hollande :

François Hollande :

Le massacre chimique de Damas ne peut rester sans réponse. Et la France est prête à punir ceux qui ont pris la décision infâme de gazer des innocents.

AdC :

Mais en cas d'intervention française en Syrie, est ce que vous pensez qu'il y aurait des conséquences possibles sur notre territoire ? Je sais que la question est un peu auto-centrée.

BHL :

Je crois qu'elle est assez auto-centré, franchement, quand on voit les images qu'on vient de voir, et qui ont fait le tour du monde...

[sous entendu de BHL : si vous vous inquiétez des conséquences sur la France, c'est que vous êtes un égoïste]

AdC :

Mais ça rejoint ce que disait Jean-Michel, c'est à dire qu'il y a une évaluation à faire très stricte, quand même, des risques.

BHL :

Oui, mais, vous savez, quand je vois les foules américaines, en effet, les 75 % de pacifistes qui disent «tout sauf la guerre», quand j'entends «paix, paix, paix», j'entends «mort, mort, mort», voilà, ça ce sont, ce sont des amis, non mais, c'est vrai, les gens...

[Ici, BHL caricature la position des 75 % d'américains opposés à cette guerre en Syrie, il en parle comme de «pacifistes» or le pacifisme, ce n'est pas ça. Le pacifisme, c'est la «doctrine de ceux qui écartent tout recours à la guerre, même en cas de menace ou d'agression.» (source : http://www.cnrtl.fr/definition/academie9/pacifisme). En particulier, un pacifiste renoncera à sa liberté plutôt que de se défendre par la force. Ce n'est pas du tout le cas de ces américains. On peut parier sans risque de perdre que le résultat aurait été très différent en cas de guerre d’agression de la Syrie sur le territoire des États-Unis.]

JMA :

Il n'y a plus rien d'autre aujourd'hui de possible que l'action militaire ?

BHL :

Mais tout a été tenté ! Quand tout, quand le dialogue a été tenté sous toute ses formes, quand on a tenté de faire appel à ce qui reste de raison chez Bachar el-Assad, et que ça ne marche pas, qu'est ce qui reste à faire, en effet ?

JMA :

Bombarder.

BHL :

Bombarder...

JMA :

Assumons, c'est ça !

BHL :

...bombarder, empêcher, oui, bombarder les rampes de lancement de missile porteur de gaz sarin, bombarder les centres de commandement depuis lesquels on ordonne ces bombardement...

 Capture vidéo à cet instant de l'entretien.

De toutes les personnes présentes sur le plateau, BHL est le seul à être aussi expressif.

 JMA :

Et l'efficacité sera toute relative, parce que détruire la capacité d'action du régime de Bachar el-Assad ça ne se fait pas en un jour. Pas en deux jours.

BHL :

On verra.

JMA :

Ça ne se fait pas en trois frappes chirurgicales.

BHL :

On verra, mais moi je préfère...

JMA :

On ne sait pas où on s'engage, c'est ça qui est terrible dans cette histoire. En Irak, c'était une erreur d'y aller sans doute mais, en Irak, on savait ce qu'on voulait. Là, au fond, on a mis des hommes sur le terrain, là, on va peut être bombarder quelques sites, avec une efficacité qu'on est incapable d'évaluer.

BHL :

Mais là, je crois qu'on sait, depuis la précédente conférence des ambassadeurs, François Hollande, il y a un an jour pour jour, on sait ce qu'on veut. La France à reconnu comme représentant légitime du peuple syrien, le Conseil National Syrien. Donc, on sait ce qu'on veut: on veut remplacer Bachar el-Assad, par l'émanation, cette émanation, imparfaite sûrement, du peuple syrien, qui est le Conseil National Syrien.

AdC :

Bernard-Henri, on est, on est...

JMA :

Et ce qu'on peut parler une seconde de l'opposition justement, c'est à dire de ceux qui aujourd'hui, en Syrie, les syriens, mènent la guerre contre Bachar el-Assad.

Ils sont dominés, cette opposition est dominée, par des courants islamistes radicaux...

BHL :

Non.

JMA :

...et ce sont des courants islamistes radicaux opposés à l'Occident, qui pourraient éventuellement tirer bénéfice de l'action de l'Occident.

BHL :

Vous savez, Bachar el-Assad, dont on nous dit qu'il est un rempart contre l'islamisme radical, c'est bien ça qu'il dit et c'est ça que disent ses alliés, que je sache, ses amis, c'est l'Iran, comme islamisme radical, ça se pose là ; c'est le Hezbolla, islamiste radical aussi ou je n'y comprends rien, et le Hamas. C'est pas l'allié du Hamas, du Hezbolla et de l'Iran qui va pouvoir convaincre la communauté internationale qu'il fait rempart à l'islamisme radical.

JMA :

Mais l'opposition est dominée par l'islamisme radical, on peut on convenir ?

BHL :

Non.

De l'autre côté, du côté de l'opposition, il y a des démocrates et des islamistes radicaux. Et je crois qu'il y a, je dirais pas une loi, mais presque : quand l'Occident intervient, quand l'Occident monte en première ligne, les pro-occidentaux et les démocrates prennent la main, au sein de l'opposition, en l'occurrence syrienne. Tant que l'Occident ne fait rien, quand l'Occident donne le sentiment aux peuples arabes de se laver les mains de leur calvaire, évidemment que les islamistes tirent les marrons du feu.

 Capture vidéo à cet instant de l'entretien.

AdC : Bernard-Henri, Bernard-Henri ...

BHL : Donc la seule manière de les affaiblir, c'est d'intervenir.

AdC : Quand... quand nous sommes intervenu en Irak, c'était avec la certitude qu'il y avait des armes de destruction massive.

BHL : Oui.

JMA : Et on s'est trompé.

AdC : On a la même certitude aujourd'hui ?

JMA : Et on s'est trompé à l'époque.

BHL : Non, parce que on n'en avait pas la certitude. À l'époque de l'Irak, on se souvient, l'image de Colin Powell, brandissant la petite fiole, il n'y avait pas cette certitude, elle n'était pas partagée, et, la France, notamment, savait que c'était un gigantesque mensonge.

Et puis la deuxième différence, c'est qu'en Irak, il n'y avait pas ce mouvement de la population civile, qui depuis deux ans et demi bientôt en Syrie, paye le prix fort, le prix du sang, pour se débarrasser d'un dictateur. C'est la grande différence entre l'Irak et la Syrie. Les irakiens, au fond, à l'époque, n'avait rien demandé à l'Occident. Aujourd'hui, les syriens nous abjurent, abjurent l'Occident et les pays de la Ligue Arabe de leur venir en aide. Donc, c'est un schéma opposé à celui de l'Irak.

[On notera que la question de la certitude concernant l'intervention en Syrie est absente de la réponse de BHL : BHL n'a pas répondu à la question d'AdC. ]

AdC :

Jeannette.

JB :

Alors, il y a un an, pratiquement, vous aviez dénoncé dans une interview au «Parisien – Aujourd'hui» ... euh... vous aviez dénoncé l'inaction de la France en Syrie. Et vous aviez eu cette phrase très forte : «je suis déçu par Hollande ». En écoutant le discours du président de la République devant la conférence des ambassadeurs, êtes-vous moins déçu ?

BHL :

Oui. Non seulement je suis moins déçu, mais j'ai trouvé ce discours extrêmement fort.

JMA :

Ça veut dire qu'il faut participer concrètement à l'action militaire ? On peut soutenir les américains s'ils en mènent une, on peut y participer, c'est pas le même chose.

BHL :

Je crois que ce qu'a annoncé le président Hollande aujourd'hui, c'est une participation de la France à cette action militaire. Il a évoqué l'exemple du Mali, où la France ne s'est pas contenté de participer, où elle a eu le leadership, ce n'est pas pour rien qu'il a évoqué ce précédent. Donc bien sûr, il n'est pas question de se faire les... les... les...

JB :

Juste une dernière question, on avait quand même le sentiment, que avec Nicolas Sarkozy, vous étiez davantage entendu, là, il a fallu attendre plus d'un an, 100000 morts, comme vous l'avez dit, alors est-ce que quelque part, c'est pas un paradoxe, alors que vous avez voté pour cet homme de gauche ?

BHL :

C'est pas le problème, vous savez, aujourd'hui...

JB :

C'est un problème, c'est 100000 morts ! C'est 100000 mort, un an, un an.

BHL :

Bien sûr, le problème aujourd'hui, c'est de savoir... non mais, c'est pas la position de tel ou tel par rapport à tel président.

La question c'est : qui est pour les gaz, et qui est contre les gaz.

Qui pense que utiliser les gaz de combats, c'est un acte comme un autre, …

 Capture vidéo à cet instant de l'entretien.

JMA :

Personne !

BHL :

Et qui pense...

Ah si ! Mais si ! Attendez, M. Philippot du Front National, M. Mélenchon du Front de Gauche, tout ceux qui nous exhortent à la prudence, et qui depuis ce matin, ratiocinent, atermoient, se perdent en conjecture...

AdC :

Justement...

BHL :

...tout ceux là, je dis que cette ligne de démarcation qui est l'usage des gaz de combat n'a pas l'air de les affecter.

[Ici il faut s'arrêter un moment pour bien mettre en lumière le raisonnement biaisé de BHL : au choix binaire intervention militaire ou pas intervention militaire, il superpose un autre choix binaire qui est : pour ou contre les armes chimiques. Et il fait une équivalence : «intervention = contre les armes chimiques» contre «non intervention = pour les armes chimiques». Cette équivalence est complètement abusive : que je sache, il n'y a pas de déclaration de M. Philippot disant qu'il est pour l'utilisation des gaz de combat. Idem pour M. Mélenchon.

De plus, parmi ceux qui souhaite intervenir, il y a les États-Unis qui ont utilisé des armes chimiques durant la guerre du Vietnam (http://www.franceinter.fr/emission-rendez-vous-avec-x-l-agent-orange-au-vietnam-0) et qui ont soutenu Saddam Hussein quand il gazait les soldats iraniens (http://www.lefigaro.fr/international/2013/08/27/01003-20130827ARTFIG00219-guerre-iran-irak-la-cia-renseignait-saddam-hussein-malgre-les-armes-chimiques.php). L'équivalence entre les deux choix binaires est donc belle est bien fausse.

Bien sûr, personne sur le plateau ne soulèvera d'objection à ces propos de BHL.]

AdC :

Justement, Bernard-Henri, si la question d'une intervention en Syrie se pose, il y a forcément des gens qui s'y opposent, formellement même, qui ? Et bien, c'est Karim Rissouli qui nous le dit.

Entrée sur le plateau de Karim Rissouli, sous les applaudissements.

AdC :

Alors, Karim, qui sont ces anti-guerre dans la classe politique ?

Karim Rissouli :

Ces anti-guerre, qui donc s'oppose à vous dans ce débat, Bernard-Henri Levy, on les retrouve, vous l'avez dit, des deux côtés, des deux extrêmes de l'échiquier politique, Jean-Luc Mélenchon, on va y revenir, mais d'abord Marine Le Pen. Alors Marine Le Pen, sa position, elle n'a pas variée, depuis le début du conflit : pour elle, vous l'avez dit, Bachar el-Assad serait un rempart utile, nécessaire, contre l'islamisme. Et depuis deux ans et demi, je l'ai toujours entendu, en privé ou en public, soutenir plutôt Bachar el-Assad, elle a multiplié les signaux, et d'ailleurs, on a retrouvé une vidéo, étonnant [sic], je ne sais pas si vous l'avez déjà vu, Bernard-Henri Levy, c'était il y a quelques mois, en janvier, ce jour là, Marine Le Pen fait quelque chose qu'aucun autre politique français ne va faire, regardez, elle reçoit dans son bureau, au siège du FN, une chaîne de télé pro-Bachar el-Assad. Message envoyé au peuple syrien ce jour-là : intervenir en Syrie serait une erreur impardonnable. Alors pourquoi ? Pourquoi Marine Le Pen refuse de condamner Bachar el-Assad, y compris depuis l'attaque chimique de la semaine dernière ?

[KR valide implicitement la responsabilité du régime syrien dans l'attaque chimique, et ce, sans aucune explication.]

Karim Rissouli :

Il y a peut être un petit élément de réponse, quand on s'intéresse de près à l'entourage de Marine Le Pen, l'un de ses plus proche conseiller, un conseiller de l'ombre, Jean-Michel ne l'a jamais reçu en interview, il n'est pas connu du grand public, il s'appelle Frédérique Châtillon, je ne sais pas si vous le connaissez, c'est l'un des fervents défenseurs de Bachar el-Assad, il a même, au début de conflit, fait la com' du régime syrien, voilà pour Marine Le Pen.

De l'autre côté, Jean-Luc Mélenchon. Alors lui, c'est pas l'islamisme qu'il prétends... contre lequel il prétend lutter, c'est plutôt l'impérialisme américain. Il est sorti du bois ce matin, on l'écoute, et vous nous direz ce que vous en pensez.

[Jean-Luc Mélenchon est-il un loup ? Le choix de la métaphore n'est pas neutre].

Jean-Luc Mélenchon, s'exprimant dans un extrait vidéo :

Nous savons que les nord-américains ont l'habitude d'utiliser n'importe quel arguments pour justifier une intervention militaire. Alors, cette foi-ci, c'est le gaz, en Irak, c'était je ne sais trop quoi, à chaque fois, il y a toujours des armes de destruction massive.

KR :

Alors, est-ce que vous-vous sentez une âme d'impérialiste, Bernard-Henri Levy ?

BHL :

Moi, je préférais le Jean-Luc Mélenchon d'il y a deux ans et demi, qui était de côté du peuple Lybien, et qui était favorable à l'intervention militaire pour sauver Benghazi. Je préférais ce Mélenchon là, j'aime moi celui-ci, avec ses réflexes stéréotypés...

Américain, qu'est ce que ça veut dire ? Les États-Unis, on le sait aujourd'hui, vont dans cet opération à reculons. Et je pense même que s'il n'y avait pas eu le dialogue avec la France, probablement que les américains seraient beaucoup moins engagés qu'ils ne vont l'être.

AdC :

Jean-Michel, vous avez une dernière question pour Bernard-Henri Levy, un peu particulière, les yeux dans les yeux. Vos yeux dans ses yeux.

JMA :

Les yeux dans les yeux, Bernard-Henri Levy, de manière synthétique, mais sérieuse, pourquoi soutenez-vous le coup d'état militaire en Égypte ?

BHL :

Le coup d'état militaire en Égypte ?

JMA :

Pourquoi vous le soutenez ?

BHL :

J'ai, j'ai dé... j'ai dénoncé avec vigueur, dans un article d'il y a quinze jours, ...

JMA :

Pas le coup d'état.

BHL :

…les massacres...

JMA :

...mais pas le coup d'état...

BHL :

Pas le coup d'état, non, parce que...

JMA :

Donc, vous le soutenez.

[JMA pose un faux dilemme à BHL (http://fr.wikipedia.org/wiki/Faux_dilemme) : il n'y aurait que deux attitudes possibles : soutenir le coup d'état, ou le condamner. En fait, il existe d'autres alternatives, comme ne pas se prononcer, par exemple. ]

BHL :

Euh.. je pense en effet qu'il y a aujourd'hui, que le peuple égyptien a deux ennemis, l'islamisme radical d'un côté, et les généraux de Moubarak recyclés aujourd'hui, voilà. Et je me refuse de choisir, entre les islamistes radicaux et les généraux de Moubarak, et je crois qu'il y a une troisième force en Égypte, des libéraux, des démocrates, qu'il faut soutenir, et que la seule façon de les soutenir, c'est de dire cela : de dire, ni les fantômes de Moubarak, ni les frères musulmans.

[On remarque que BHL sait déceler un faux dilemme, et ne pas s'y laisser enfermer : il affirme soutenir une position qui n'est aucune de celles du faux dilemme de départ.]

JMA :

Donc, certain coup d'état sont légitime.

AdC :

Vous avez votre réponse.

JMA :

J'ai ma réponse.

BHL :

Vous savez, les militaires portugais en 74, c'était pas la même chose, mais enfin, en effet, c’était un coup d'état qui visait à renforcer la... à recréer la démocratie. Donc, l'histoire n'est pas simple.

JMA.

Jamais.

AdC :

Merci Bernard-Henri.

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Chacun tirera les conclusions qu'il souhaite de ce regard critique.

Gilles Marceau

6 Septembre 2013

Mise à jour le 9 Septembre 2013 (ajout des images).

Mise à jour le 29 Mai 2014 (correction d'une coquille).

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