Dimanche 8 mai 2016,
A l’attention de M. Georges Mothron, maire d’Argenteuil,
Cher monsieur,
Bien que mes deux lettres précédentes[1] soient restées sans réponse, j’ai failli débuter cette troisième missive en vous appelant par votre prénom tant j’ai l’impression aujourd’hui de vous connaître un peu…
Même mes propres amis sont étonnés de notre correspondance – ou plutôt de ma tentative de dialogue - et ne masquent pas leur pessimisme après avoir eu connaissance de votre dernier comportement, hier, entre la médiathèque Elsa Triolet - louis Aragon et le cinéma municipal Jean Gabin…
Pensiez vous sérieusement que le fait de couper l’électricité de la médiathèque d’Argenteuil suffirait à faire taire celles et ceux qui s’étaient réunis pour s’opposer à votre décision de déprogrammer deux films dans votre cinéma municipal?
Si on me l’avait raconté, je vous assure que je ne l’aurais pas cru… Mais j’ai bien été obligé de constater que la femme qui s’exprimait au micro avait perdu subitement la voix de la plus étrange des façons…
Après avoir fait le choix de ne pas écouter certains de vos concitoyens, voilà que vous faites celui de ne pas les entendre et, plus embêtant, tentez aujourd’hui de les faire taire ! Quel sera votre prochain geste, monsieur le maire ?
Hier des danseuses et le chanteur Kaddour Hadadi (du groupe HK ET LES SALTIMBANKS) avaient rejoint sur le parvis de votre Hôtel de Ville celles et ceux qui manifestaient leur mécontentement face à celui qui « sort un flingue » quand il entend le mot « culture ». Grâce à un vieil ampli sur roulettes, quelques pas de danse et un chanteur ont pu se faire écho à vos ordres venus d’une autre ère : la chanson s’intitulait « ON LACHE RIEN » et comme vous n’avez pas du l’entendre, je vous rapporte ici quelques paroles:
« (…) Tant qu’y a d’la lutte, Y a dl'espoir
Tant qu’y a dl'a vie, Y a du combat
Tant qu’on se bat c’est qu’on est debout
Tant qu’on est debout on lâchera pas
La rage de vaincre coule dans nos veines
Maintenant tu sais pourquoi on s’bat
Notre idéal bien plus qu’un rêve
Un autre monde, on a pas l’choix (…)
Dans l’assistance, il y avait également un homme - à la tête du syndicat des distributeurs indépendants de cinéma – qui nous apprend à quand remonte le dernier acte de censure en France dans une salle de cinéma…. 1969…Le film s’appellait LES BERETS VERTS… Un film où le réalisateur, John Wayne, faisait l’apologie de l’intervention américaine au Vietnam.
Avant de repartir chacun de notre côté, nous étions plusieurs à nous donner rendez-vous prochainement devant votre Hôtel de Ville afin d’y projeter des images et des sons… Une projection en plein air monsieur le maire sur les lettres en relief du fronton de votre Hôtel de Ville n’aurait-elle pas fière allure ?
Et comme l’été pointe son nez, que les nuits se rallongent et qu’il serait injuste de ne projeter qu’un seul des deux films que vous censurez ne faudrait-il pas plutôt imaginer une prochaine NUIT DEBOUT A ARGENTEUIL CONTRE LA CENSURE…
Histoire aussi de ne pas oublier les photographes, les danseurs et les comédiens que vous avez déprogrammés récemment alors que leurs expositions et spectacles étaient pourtant prévus depuis longtemps.
C’est avec une grande joie que je me proposerai alors de régler bénévolement le projecteur afin de vérifier la profondeur d’un noir, la colorimétrie d’une ampoule, la fixité d’un cadre, le piqué d’un objectif ou l’intensité d’une lampe lors de la projection du film LA SOCIOLOGUE ET L’OURSON et que je me tiendrai disponible pour débattre à l’issue du film 3000 NUITS…
Alors à bientôt monsieur le maire et pas la peine de prévenir EDF et les CRS, on se débrouillera pour venir non pas avec des gaz lacrymogènes mais plutôt avec un groupe électrogène !
Je vous prie, monsieur le maire, d’agréer mes remerciements sincères sur l’attention que vous m’avez portée et sur la publicité que vous faites à ces deux films fragiles.
Gilles Porte (Directeur de la photographie de 3000 NUITS et spectateur de LA SOCIOLOGUE ET L’OURSON
Nb : Bien que je ne sois pas certain que vous la méritiez, je vous joins une image fixe… Une image prise hier que J’ai intitulée « L’HOMME ET L’OURSON »… Certains membres de l’assemblée, pensant que vous aviez un problème d’ordre psychanalytique avec le plantigrade, avaient eu l’idée d’emmener quelques oursons (en guimauve) dans le but de vous réconcilier avec cette espèce animale…
[1]https://blogs.mediapart.fr/gilles-porte/blog/060516/monsieur-le-maire-repondez-de-vos-actes
http://www.afcinema.com/Lettre-ouverte-a-M-Georges-Mothron-maire-d-Argenteuil.html
