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Billet de blog 25 avril 2020

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Comment désinformer : Une réponse à André Choulika

Confinement est un terme polysémique; Voici une de ses définitions que propose le dictionnaire Larousse : Ensemble des conditions dans lesquelles se trouve un explosif détonant quand il est logé dans une enveloppe résistante.

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André Choulika publie dans le Nouvel-Obs le 16 avril une tribune dont la thèse est simple, il n'y a rien à faire contre le coronavirus , il va déferler sur les populations et y survivra qui pourra, acceptons le courageusement, nous dit l'auteur, PDG d'une société de biotechnologie (Cellectis) et lui même docteur es sciences en virologie moléculaire.

Je voudrais répondre à cette thèse d'abord sur le fond ,mais aussi dire un mot sur le procédé. Les grands médias ont pris l'habitude de publier des tribunes qui n'engagent pas leur journal. Celui-ci en est un exemple, c'est un article qui ne cite aucune source, qui n'est pas documenté, les informations viennent d' amis, sans doute scientifique comme lui .L'avantage de ce genre de tribune est d’écarter toutes les informations qui ne coïncideraient pas avec la thèse, il n'y a aucun débat contradictoire et de toute façon le propos n'engage que celui qui le tient exactement comme sur les réseaux sociaux. A mon sens d'une telle manipulation de l'information ressort  la notion même de fake-news

Ce que l'article ne dit pas et que nous savons bien maintenant est que le virus provoque pour certain patient une réaction inflammatoire du système immunitaire innée. Inflammation qui provoque des lésions irréversible des cellules du poumons et peut provoquer la mort pour des personnes à risque dont: les vieux ,les diabétiques, les obèses et hélas peut-être aussi d'autres situations individuelles.

Le problème auquel nous sommes confronté n'est pas le virus en soi mais cette réaction du système immunitaire. Nous devons comprendre et lutter contre cette réaction avant que la pandémie ne touche tout le monde. Le confinement, première et seule vraie mesure prise en France à ce jour ne vise donc pas à endiguer l'épidémie mais à la lisser dans le temps afin de soigner toutes les personnes qui en ont besoin. Il ne s'agit pas de lutter contre le virus comme feint de nous le faire croire André Choulaki mais de guérir le plus possible de personnes de l'inflammation de notre système immunitaire et nous y arrivons parfaitement. Le taux de létalité est une variable de l’accessibilité aux services hospitaliers des personnes touchées. Autrement dit, le nombre de décès dépend énormément des moyens de nos hôpitaux et hélas aujourd'hui beaucoup de personnes âgées meurent avant même d'avoir accès à l’hôpital, Je conseille donc à André Choulaki d'observer cette situation avec courage : Nous avons abandonné le service public de la santé.

Ce qui est digne des médecins de Molière, ce n'est pas les masques, le gel et les gants qui permettent aux plus nombreux de se protéger de la maladie, au moins le temps de pouvoir soigner les plus fragiles ; ce qui est dramatique c'est l'absence de respirateurs en quantité suffisante dans les hôpitaux pour sauver les malades.

J'en viens maintenant à cette habitude de publier des tribunes de personnalités n'appartenant pas à la rédaction d'une revue dîtes sérieuse et qui permet de faire passer des messages subliminaux sans aucune contrepartie rédactionnelle, ni possibilité de réponse à ce qui s'apparente à une caricature de la réalité. Une tribune qui préfère le bon sens à la science, plus démagogique que populiste, car non, le peuple ne s'y retrouvera pas dans les thèses de Monsieur Choulaki qui parle plus comme PDG que comme docteur en sciences.

Certes on meurt aujourd’hui ,plus de bien d'autres affections que du Covid 19 mais ce n'est pas une raison pour accepter comme une fatalité qui n'en est pas une, de mourir du Coronavirus pour le motif qu'on est vieux ou en mauvaise santé et qu'il n'y pas assez de lit en France pour soigner tout le monde. Nous ne voulons pas choisir, nous souhaitons que la société se donne les moyens de nous soigner tous et cela passe aujourd'hui par le confinement tant nos moyens médicaux ne sont pas à la hauteur d'une pandémie dont nous savions bien qu'elle se produirait un jour ou l'autre.

Ce confinement coûte cher en effet. Il reste à savoir qui en paiera les frais ? Actuellement l'essentiel de nos besoins sont préservés grâce au bon fonctionnement de l'économie utile. Mais la production de marchandises sans limite qui caractérise notre monde fait vivre beaucoup de travailleurs et enrichit le grand capital. Cette société consumériste est en partie à l'arrêt ; qui paiera ? : les travailleurs qui ne l'ont pas choisie mais qui en dépendent? Vaut-il mieux faire redémarrer le plus rapidement possible les grandes entreprises avec tous les risques que cela comporte afin de défendre nos parts de marché dans l'économie globalisée ou d'abord améliorer la qualité de notre service public hospitalier ? Voilà des questions que nos grandes démocraties devront se poser.

C'est cette problématique que l'article d'André Choulaki tente de biaiser, insinuant sans aucune analyse sérieuse que le travail quel qu'il soit, est plus utile que nos préoccupations sanitaires ; pourquoi ? Parce que nous ne pouvons rien faire contre cette maladie (cette dernière assertion est une fake-news).

Le triste sire, auteur de cette tribune conclue en disant que la santé n'est rien... si elle n'est pas accompagné du sens de la vie et du bonheur. Monsieur Choulaki, dans cette période, le bonheur des uns fait le malheur des autres. Je conclurais pour ma part par cette phrase du « Hussard sur le toi » de Giono  page 306 aux éditions Gallimard:

Avant l'établissement des quarantaines la presque totalité des survivants était allée camper dans les bois où ils avaient fait une sorte de village indien. Ils y étaient encore. Ils n'avaient confiance que dans l'hiver qui , dans ce pays gèle tout. Si mouches il y avait, comme on prétendait, elles n'y résisteraient pas. Ils ne restait dans le bourg qu'une centaine d'hommes et de femmes, bien décidés, qui faisaient du commerce avec la quarantaine, se faisaient concurrence et ne s'ennuyaient pas, comme vous verrez ce soir ; vous les entendrez gueuler.

Eh bien gueulez Monsieur Choulaki

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