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Un jeudi après-midi, la chaleur écrasante nous enveloppe comme une cloche de plomb. La Puerta del Sol, haut lieu du tourisme à Madrid, accueille comme tout les jours des milliers de badauds et de Curieux.
Quelques personnes, ça et là, bardées de drapeaux, de banderoles et autres pancartes, commencent à se fondre dans la foule. Un frémissement de slogans, commence à être lu et entendu : " À la mémoire des républicains Espagnols assassinés - Réparation, justice et vérité. " Finalement, quelques 200 descendants de victimes se sont donnés rendez-vous. , une dame s’approche en tendant un tract : “Toutes les semaines depuis 9 ans je viens ici. Si tu veux revenir nous voir, on est là tous les jeudis, au même endroit, de 19h à 20h, et de 20h à 21h l’été parce qu’il fait trop chaud sinon." On y lit : " Plateforme contre l’impunité du franquisme”.
La dame dressée fièrement, en tenant d'une main ferme sa banderole, reste sévère, face à la "Casa del Correos" (La maison de la Poste), symbole de pouvoir et, qui plus est, une prison franquiste (la DGS) durant ces années noires de la guerre civile.
Pancartes réalisées à partir de collages d’articles et de photos, de banderoles et drapeaux aux couleurs de la République à la main, le cortège défile en faisant plusieurs fois le tour de la place, avec pour fond sonore L’Internationale en répétant :“Ni oubli, ni pardon” . La plupart des participants ont atteint les soixante-dix ans, au moins. Tous ont connu la dictature, ont grandi sous le régime, et sont enfants ou petits-enfants de victimes du franquisme. Un homme tient une pancarte avec la photos de son grand-père.

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Il nous explique : “Là c’est mon grand-père, j’avais 9 ans quand ils l’ont assassiné d’une balle dans la tête.”Ce combat qu’ils mènent, c’est le combat d’une vie pour s’assurer que ceux qui ont perdu la leur obtiennent enfin justice. Car le sentiment qui les unit tous, c’est celui de l’injustice.

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"Cette blessure indélébile. Au plus profond de mon être.
Ils nous ont assassiné.
Une morsure mortelle, dans notre chair.
Ils ont paralysé notre âme."
“Nous sommes victimes du silence de nos parents et responsables de l’ignorance de nos enfants” conclu un homme. Le poids du silence qui a été pendant des décennies celui de la société espagnole est devenu pour eux trop lourd à porter. Ils ont beaucoup de choses à dire, racontent leur histoire et leur combat à qui veut bien les écouter. Pourtant ils se sentent invisibles, inaudibles.

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Ces rassemblements du jeudi à la Puerta del Sol n’ont depuis longtemps plus aucune résonance dans les médias. Sur la place, beaucoup de passage mais aucun journaliste, personne pour relayer ces témoignages et la crainte de la part des manifestants que la mémoire de leurs proches tombe dans l’oubli.
La mémoire ne fait-elle pas partie du patrimoine universel, pour que nous restions éveillés et ne plus reproduire les erreurs de la haine et de la faiblesse humaine..?

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