gilles_lemaire (avatar)

gilles_lemaire

écologiste altermondialiste

Abonné·e de Mediapart

10 Billets

0 Édition

Billet de blog 3 mai 2022

gilles_lemaire (avatar)

gilles_lemaire

écologiste altermondialiste

Abonné·e de Mediapart

EELV - Quelques réflexions stratégiques

Après l'élection présidentielle et l'échec d'EELV, les élections législatives, mais ensuite ?

gilles_lemaire (avatar)

gilles_lemaire

écologiste altermondialiste

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

L'élection présidentielle française a été déterminée avant tout par le rejet largement majoritaire d'Emmanuel Macron. L'illustration la plus marquante en est le vote en Guadeloupe et Martinique : au premier tour les électeurs de ces départements mettent largement en tête Jean-Luc Mélenchon, au deuxième tour ils votent très largement Marine Le Pen.

Cela a touché également la métropole avec un phénomène correctif, le réflexe anti-extrême droite atténué par rapport aux élections précédentes (2002 et 2017) mais encore présent chez nombre d'électeurs de gauche et écologistes. Au premier tour, le vote pour Mélenchon dans les quartiers et banlieues populaires des grandes villes marque lui le rejet d'un président plein de morgue bourgeoise.

Le rejet anti-Macron s'est également manifesté par une forte aspiration tant dans l'électorat écologiste que dans l'électorat de gauche (s'ils peuvent être isolés!) celui de voter pour un candidat affirmant un poids réel et même susceptible de se qualifier pour le deuxième tour. La candidature de Mélenchon a su s’inscrire dans ce rejet de Macron et dans cette affirmation d'un vote « utile ». Le nombre de personnalités écologistes à s'être ralliées à la candidature de Mélenchon en est un signe : Cyril Dion, Marie-Monique Robin,...

L'analyse fine de pourquoi Mélenchon a réussi là où la candidature de Yannick Jadot a échoué reste à approfondir. Quelques pistes possibles, mais ce n'est qu'une ébauche insuffisante : l'élection présidentielle au suffrage universel, clé de voûte des institutions de la Vème république, favorise des personnalités jouant un jeu personnel sans nuances , ce qui était le cas des 3 candidats arrivés en tête du premier tour. Jadot a été handicapé par les dissidences publiques impardonnables de Sandrine Rousseau, Alain Coulombel,.., Il a fait une bonne campagne sur le fond mais sans qu'elle attire l'attention sauf à deux reprises : l'attaque contre Total et la diatribe contre Macron au Parlement européen.

Et maintenant pour les écologistes

L'analyse critique de la stratégie présidentielle doit être approfondie, notamment sur la perméabilité des électorats écologiste et de gauche et sur la demande d'unité liée. Cette demande s'est manifestée avec la primaire populaire sinistrement dévoyée, puis avec l'envolée de la candidature Mélenchon ; EELV et Yannick auraient ils du, pu manœuvrer autrement ?

Cette analyse est nécessaire pour éclairer l'avenir. La création de la nouvelle union populaire écologique et sociale était immédiatement utile et inévitable pour répondre à la demande d'unité et au besoin d'oppositions politiques fortes au Parlement Mais la lucidité reste nécessaire.

L'urgence écologique est toujours là ; elle nécessite de forts mouvements citoyens et une construction politique à toujours réinventer.

Le PG, LFI, l'Union populaire, la succession de ces sigles n'est pas fortuite ; la construction politique de Mélenchon varie en fonction de l'actualité politique européenne, du renouvellement de la gauche à la Die Linke, à la gauche est dépassée du néo-populisme de Chantal Mouffe, pour aujourd'hui une nouvelle union de la gauche. La construction d'un mouvement politique capable de s'inscrire tant au niveau local et européen que dans la campagne présidentielle est secondaire pour lui par rapport à l'affirmation d'un leader, du leader qu'il incarne.

La force de EELV est de s'inscrire dans un mouvement mondial, LFI est très faible de ce point de vue : les gauches sud américaines sont fragiles, parfois dérivent de manière dangereuse, en Espagne Podemos, en Allemagne Die Linke sont en crise, pire en Russie le Front de gauche soutient Poutine et l'agression russe en Ukraine, ce qui a contraint LFI à rompre les contacts avec lui. LFI est internationalement isolé ; même si le mouvement écologiste mondial est traversé de courants multiples parfois contradictoires, il existe et continuera à exister dans les années à venir. EELV a été capable de réels succès aux élections européenne, municipales et régionales.

Sur le fond les désaccords, non avec LFI, (quelle est l'unité de ce mouvement : l'exemple des attitudes contradictoires entre un Mélenchon refusant de fournir des armes à l'Ukraine et des parlementaires européens LFI votant à Bruxelles une motion le réclamant interroge) qu'avec Mélenchon sont importants sur :

  • une vision souvent très centralisée de la politique et du changement politique

  • une vision de la politique internationale simpliste, campiste : la seule boussole est le rejet de l'impérialisme américain, les autres impérialistes parfois plus meurtriers localement sont niés (la Russie en Syrie, en Géorgie, en Ukraine,...) les régimes dictatoriaux et répressifs sont absous tel le Venezuela,...

  • une vision de la construction politique en France avant tout autour d'un leader

  • enfin souvent une tendance démagogique sur des promesses. Je doute que l'objectif de retour à la retraite à 60 ans soit le bon ; l'objectif d'âges de départ différenciés selon la pénibilité des carrières professionnelles me semblerait bien plus égalitaire et réalisable.

Mélenchon ne sera pas premier ministre, bien que sa campagne sur ce thème est « maligne » pour garder mobilisé l'électorat de gauche et écologiste lors des élections législatives. Il est souhaitable que EELV ait un groupe à l'Assemblée nationale pour mieux se faire entendre; pour cela et pour assurer des voix ni de droite, ni d'extrême-droite au Parlement l'union aux législatives est un atout. Nous reprendrons rapidement une réelle autonomie et notre capacité à nous faire entendre, à dialoguer avec les personnes et électorats mobilisés par LFI déterminera l'avenir de l'écologie politique en France dans les prochaines années. La prise de conscience des enjeux écologiques est la plus apte à demain à rassembler une majorité. L'avenir nécessaire et utile est à l'écologie politique.

Gilles Lemaire, le 3 mai 2022

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.