Quelques réflexions stratégiques...
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Tout d'abord, l'écologie politique s'inscrit dans l'histoire des mouvements progressistes en continuité et en rupture :
les révolutions démocratiques bourgeoises (et en premier lieu 1789 en France) portent la volonté de démocratie politique (incomplète mais réelle par rapport aux monarchies de l'époque précédente) Une première remarque importante, avant de triompher sur le plan politique, c'est sur les plans économique (avec le développement des manufactures, des villes,...) et idéologique (avec en France les encyclopédistes ouvrant le siècle des lumières) que gagne cette nouvelle organisation de la société (cette nouvelle formation sociale dominée par le mode de production capitaliste en concepts marxistes)
le mouvement ouvrier se développe avec les grandes concentrations ouvrières et le rôle grandissant du capitalisme au 19ème et 20ème siècle autour de la revendication de l'égalité sociale Le mot d'ordre est celui de la république sociale qui indique bien la continuité avec la révolution de 1789 et en même temps la rupture avec la bourgeoisie.
L'écologie politique s'inscrit à la fois dans la continuité, avec la nécessité de l'égalité politique et sociale, et en rupture avec l'idée que la croissance économique apportera à l'humanité le « bonheur ». La prise de conscience de la solidarité de l'ensemble des espèces vivantes et végétales, de la finitude de la planète conduit à remettre en cause une croissance sans limites qui provoque des dégâts irréversibles (le réchauffement climatique, la 6ème extinction des espèces,...) Pour que l'humanité accepte de mettre en œuvre les changements profonds dans les modes de vie, de consommation, de production, il est nécessaire que la démocratie permette de les discuter et accepter, que la justice sociale soit là pour que les efforts soient partagés.
Ce premier constat explique que l'écologie politique reprend les combats de la gauche politique et du mouvement ouvrier en les renouvelant.
Aspects stratégiques
l'écologie politique ne se croit pas omnipotente ; elle sait que les changements nécessaires doivent venir de la société et que les pouvoirs politiques écolos ont pour tâche d'aider ces mouvements de transformation en bloquant les projets de récession sociale, démocratique, en aidant les projets environnementaux tant dans l'agriculture, dans l'alimentation, dans le logement, dans les transports, dans la production,... en favorisant des formes de démocratie directe du type conventions citoyennes ou autres.
le rôle des mouvements sociaux n'est pas important seulement pour soutenir le pouvoir politique contre les résistances des forces réactionnaires mais aussi pour impulser les changements dans la société. La tribune d'Aurélie Trouvé dans Libération (qui par ailleurs serait une excellente ministre de l'agriculture vu l'ancienneté de sas rapports avec la Confédération paysanne et sa connaissance de l'agriculture!) ne mettait pas l'accent sur ce deuxième aspect. C'est une critique que je fais à beaucoup de militants politiques dont ceux de LFI : une vision souvent très centralisée de la politique et du changement politique
l'écologie politique est donc fondamentalement réformiste, puisque le changement est progressif et vient de la société et que le changement ne peut venir du pouvoir central si dans la société de nouveaux mode de production, de consommation, d'organisation sociale ne se sont développés.
l'organisation politique doit être très démocratique et décentralisée , même si cela peut parfois être « bordelique ». Elle ne peut dépendre d'un leader mais doit être en immersion dans la société et par ses débats aider à la construction de points de vue collectifs.
en ce qui concerne les rapports internationaux, l'écologie politique ne peut qu'être altermondialiste, solidaire de tous les peuples et opposée à tous les impérialismes qui exploitent d'autres peuples. Cela implique aussi de ne pas réagir à partir de visions unilatérales, qui peuvent conduire comme en Ukraine récemment à des erreurs aux conséquences dramatiques.
Conséquences sur les rapports entre forces politiques
l'écologie politique doit rassembler au delà des clivages entre gauche et droite les habitantes et habitants en faisant prendre conscience de l'urgence écologique. Souvent la violence du clivage politique, l'histoire des rapports politiques a bloqué la capacité de la gauche a mobilisé la grande majorité de la population.
L'écologie politique n'a de partenaires de long terme que du côté des partis et mouvements conscients de l'urgence démocratique et sociale, donc à gauche. Le rôle de l'écologie politique est de s'appuyer sur les prises de conscience écologiques dans les partis de gauche pour construire des rassemblements réformistes, sociaux, démocratiques et s'engageant sur les questions environnementales. Cela doit se combiner avec la capacité à dialoguer avec toutes les forces démocratiques y compris de droite.
Aujourd'hui EELV s'est engagé à juste titre dans la nouvelle union populaire écologiste et sociale ; il s'agit d'être respectueux des engagements et en même temps de maintenir les points de vue développés ci-dessus. L'écologie politique ne se réduit pas à EELV, qui pour l'heure en est en France le principal vecteur. Son histoire n'est pas terminée !
La prise de conscience des enjeux écologiques est la plus apte à demain à rassembler une majorité. L'avenir nécessaire et utile est à l'écologie politique.
Gilles Lemaire, le 7 mai 2022