Le 16 mars 2003, un bulldozer israélien a écrasé la militante pacifiste américaine Rachel Corrie, âgée de 23 ans, alors qu’elle essayait d’empêcher l’armée israélienne de détruire des maisons dans la bande de Gaza.
Dans une série de courriels adressés à sa famille, elle explique pourquoi elle risque sa vie. Après les avoir traduites en français, je partage certaines de ces lettres ici, suivies des questions de Bill Bigelow pour alimenter des discussions dans les classes du secondaire
La version anglaise est disponible ici « Je pense que leur parole exprime la dignité ».
Le 7 février 2003
Bonjour à tous les amis, à la famille et aux autres.
Je suis en Palestine depuis deux semaines et une heure maintenant, et j’ai encore trop peu de mots pour décrire ce que je vois. Il m’est très difficile de penser à ce qui se passe ici lorsque je m’assois pour répondre aux États-Unis. Je ne sais pas si beaucoup d’enfants ici ont déjà existé sans trous d’obus dans leurs murs et sans les miradors d’une armée d’occupation qui les surveille constamment à faible distance.
Je pense, sans en être complètement sûre, que même les plus petits de ces enfants comprennent que la vie n’est pas comme ça partout. Un garçon de 8 ans a été abattu par un char israélien deux jours avant mon arrivée, et beaucoup d’enfants m’ont murmuré son nom, Ali, ou pointé du doigt les affiches qui le représentent sur les murs.
Les enfants adorent aussi me faire pratiquer mon arabe limité en me demandant « Kaif Sharon ? » « Kaif Bush ? » et ils rient quand je dis « Bush Majnoon », « Sharon Majnoon » dans mon arabe limité. (Comment va Sharon ? Comment va Bush ? Bush est fou. Sharon est fou.) Bien sûr, ce n’est pas tout à fait ce que je crois, et certains adultes qui maitrisent l’anglais me corrigent : « Bush mish Majnoon » . . . Bush est un homme d’affaires. Aujourd’hui, j’ai essayé d’apprendre à dire « Bush est un outil », mais je ne pense pas que cela ait été traduit correctement. Mais de toute façon, il y a des enfants de 8 ans ici qui sont beaucoup plus conscients du fonctionnement de la structure mondiale du pouvoir que je ne l’étais il y a quelques années.
Néanmoins, aucune lecture, participation à des conférences, visionnage de documentaires et bouche-à-oreille ne m’auraient préparée à la réalité de la situation ici. Vous ne pouvez pas l’imaginer sans la voir — et même alors, vous êtes toujours bien conscient que votre expérience n’est pas du tout la réalité : quelles difficultés l’armée israélienne rencontrerait-elle si elle tirait sur un citoyen américain non armé ? et sachant que j’ai de l’argent pour acheter de l’eau quand l’armée détruit des puits, et sachant, bien sûr, que j’ai la possibilité de partir. Personne dans ma famille n’a été abattu par un lance-roquettes depuis un mirador au bout d’une grande rue de ma ville natale. J’ai un 'chez moi'. Je suis autorisée à aller voir l’océan. Lorsque je pars pour l’école ou le travail, je peux être relativement certaine qu’il n’y aura pas un soldat lourdement armé qui attendra à mi-chemin entre Mud Bay et le centre-ville d’Olympia à un poste de contrôle avec le pouvoir de décider si je pourrai vaquer à mes affaires et si je pourrai rentrer chez moi quand j’aurai fini.
Après avoir réfléchi à toutes ces éventualités, je me trouve à Rafah : une ville d’environ 140 000 habitants, dont à peu près 60 % sont des réfugiés, et dont beaucoup d’entre eux sont des réfugiés pour la deuxième ou troisième fois.
Aujourd’hui, tandis que je marchais sur les décombres de maisons qui existaient autrefois, des soldats égyptiens m’ont appelée de l’autre côté de la frontière : « Partez ! Partez ! parce qu’un char arrivait. Et puis, ils m’ont fait signe de la main en disant : « Comment vous appelez-vous ? » Cette curiosité amicale est troublante. Cela m’a rappelé à quel point, dans une certaine mesure, nous sommes tous des enfants curieux d’autres enfants. Des enfants égyptiens alertent les femmes étranges qui errent sur les pistes empruntées par les chars. Des enfants palestiniens ont été abattus par les chars alors qu’ils regardaient derrière les murs pour voir ce qui s’y passait. Des jeunes internationaux se tiennent devant des chars avec des bannières. Des enfants israéliens dans les tanks, comme anonymes, crient parfois et saluent aussi de temps en temps ; beaucoup d’entre eux sont forcés d’être ici, beaucoup sont agressifs, ils tirent sur les maisons pendant que nous nous éloignons.
J’ai eu du mal à obtenir des nouvelles du monde extérieur ici, mais j’entends qu’une escalade de la guerre en Irak est inévitable. La « réoccupation de Gaza » suscite beaucoup d’inquiétude. Gaza est ré-occupée tous les jours à divers degrés, mais je pense que la crainte est que les chars d’assaut entrent dans toutes les rues et restent ici au lieu de se contenter de pénétrer dans certaines rues puis de se retirer après quelques heures ou quelques jours pour observer et tirer depuis les abords des communautés. Si les gens ne pensent pas déjà aux conséquences de cette guerre pour la population de toute la région, alors j’espère que vous allez vous en inquiéter.
Mon amour pour tout le monde. Mon amour pour ma mère. Mon amour pour les câlins. Mon amour pour FG, Barnhair, Sesamees et l’école Lincoln. Mon amour pour Olympia.
Rachel
Cette lettre du 7 février a été lue à haute voix en 2005 par la mère de Rachel, Cindy Corrie. Il y a aussi un enregistrement de la lettre lue par Alice Walker.
Le 20 février 2003
Maman,
Maintenant, l’armée israélienne a creusé la route de Gaza et les deux principaux postes de contrôle sont fermés. Cela signifie que les Palestiniens qui veulent aller s’inscrire pour leur prochain trimestre à l’université ne le peuvent pas. Les gens ne peuvent pas retourner à leur travail, ceux qui sont pris au piège de l’autre côté ne peuvent pas rentrer chez eux ; et les internationaux, qui ont une réunion demain en Cisjordanie, n’y arriveront pas. Nous pourrions probablement réussir si nous mettions à profit notre privilège international de personnes blanches, mais cela ne serait pas sans risque d’arrestation et de déportation, même si aucun d’entre nous ne fait quoi que ce soit d’illégal.
La bande de Gaza est divisée en trois maintenant. On parle de « réoccupation de Gaza », mais je doute sérieusement que cela se produise, car je pense qu’il s’agirait d’une décision géopolitiquement stupide pour Israël en ce moment. Je pense que la chose la plus probable est une augmentation des petites incursions sous le radar des protestations internationales, et peut-être le risque du transfert de population souvent mentionné.
Je reste à Rafah pour l’instant, sans intention de me rendre au nord. Je me sens encore relativement en sécurité et je pense que le risque le plus probable en cas d’incursion à grande échelle est l’arrestation. Une tentative de réoccuper Gaza générerait un tollé beaucoup plus massif que l’assassinat du processus de paix par Sharon, avec la stratégie d’accaparement des terres. Cette stratégie fonctionne très bien maintenant pour créer des colonies partout, éliminant lentement mais sûrement toute possibilité significative pour l’autodétermination palestinienne. Sachez que beaucoup de Palestiniens fort sympathiques s’occupent de moi. J’ai choppé un petit virus grippal, mais on m’offre quelques très bonnes boissons au citron pour me guérir. La femme qui garde la clé du lieu où nous dormons me demande encore des nouvelles de vous. Elle ne parle pas ou peu l’anglais, mais elle pose des questions sur ma mère assez souvent et veut s’assurer que je vous appelle.
Je t’aime maman, papa, Sarah, Chris et tout le monde.
Rachel
Le 27 février 2003
(À sa mère)
Je t’aime. Tu me manques vraiment. Je fais de mauvais cauchemars avec des chars et des bulldozers devant notre maison, et toi et moi à l’intérieur. Parfois, l’adrénaline agit comme un anesthésiant pendant des semaines et puis le soir ou la nuit, elle me frappe à nouveau, me rappelant un peu la réalité de la situation. J’ai vraiment peur pour les gens ici. Hier, j’ai vu un père qui guidait ses deux jeunes enfants ; il tenait ses mains bien devant, face aux chars, face à une tour de guet pour snipers, face aux bulldozers et aux jeeps, il pensait que sa maison allait exploser. Jenny et moi sommes restés dans la maison avec plusieurs femmes et deux petits bébés. Notre erreur de traduction lui a fait croire que c’était sa maison qui allait être détruite. En fait, l’armée israélienne était en train de neutraliser, à proximité, un engin explosif qui semblait avoir été posé par la résistance palestinienne.
Il s’agit de la zone où, dimanche, environ 150 hommes ont été rassemblés et détenus à l’extérieur de la colonie avec des coups de feu sur leur tête et autour d’eux, tandis que les chars et les bulldozers ont détruit 25 serres - le gagne-pain de 300 personnes. L’explosif se trouvait juste devant les serres, à droite du point d’entrée des tanks qui auraient pu revenir. J’étais terrifiée à l’idée que cet homme pensait qu’il était moins risqué de sortir face aux chars avec ses enfants que de rester dans sa maison. Je craignais vraiment qu’ils soient tous fusillés et j’ai essayé de me tenir entre eux et le char. Cela se produit tous les jours, mais ce père, très triste, sortant avec ses deux jeunes enfants, a attiré mon attention à ce moment-là, probablement parce que j’ai senti que c’étaient nos problèmes de traduction qui l’avaient fait quitter sa maison.
J’ai beaucoup réfléchi à ce que vous avez dit au téléphone sur la violence palestinienne. Soixante mille habitants de Rafah travaillaient en Israël il y a deux ans. Aujourd’hui, seuls 600 peuvent aller travailler en Israël. Parmi ces 600 personnes, beaucoup ont déménagé, car les trois points de contrôle entre ici et Ashkelon (la ville la plus proche d’Israël) sont fermés, au point que ce qui était autrefois un trajet de 40 minutes, devient maintenant un voyage de 12 heures, carrément impossible.
De plus, les pôles de croissance économique prévus pour 1999 à Rafah sont tous complètement détruits : - l’aéroport international de Gaza avec ses pistes démolies, est fermé totalement, - la frontière avec l’Égypte qui devait favoriser le commerce est bloquée par une tour géante israélienne, abritant des snipers, et plantée au milieu du passage, - l’accès à l’océan a été complètement coupé au cours des deux dernières années par un point de contrôle et la colonie Gush Katif.
Le nombre de maisons détruites à Rafah depuis le début de cette intifada est en hausse d’environ 600, elles appartiennent généralement à des personnes sans aucun lien avec la résistance mais qui vivent le long de la frontière. Je crois qu’il est maintenant officiel que Rafah est l’endroit le plus pauvre au monde. Pourtant, il y avait une classe moyenne ici, récemment. Nous recevons également des rapports selon lesquels les envois de fleurs depuis Gaza vers l’Europe ont été retardés de deux semaines au passage d’Erez pour des inspections de sécurité. Vous pouvez imaginer la valeur des fleurs coupées vieilles de deux semaines sur le marché européen, ce marché s’est donc asséché. Et puis les bulldozers viennent détruire les fermes et désherber les jardins de légumes. Que reste-t-il pour les habitants ? Dites-moi si vous avez des idées. Je n’en ai plus.
Sachant que si l’un d’entre nous avait sa vie et son bien-être complètement étranglés, ses enfants dans un endroit de plus en plus réduit, où des soldats, des chars, des bulldozers peuvent revenir à tout moment détruire des serres cultivées depuis si longtemps, sachant aussi que certains d’entre nous sont frappés, tenus en captivité, comme 149 autres personnes pendant plusieurs heures, sachant tout cela, ne pensez-vous pas que nous pourrions nous défendre pour protéger le peu qui nous reste ?
Je pense à cela surtout quand je vois des vergers, des serres et des arbres fruitiers détruits, des années de soins et de cultures anéanties.
Je pense à vous, combien de temps faut-il pour faire grandir les choses, quelle somme d’amour cela représente-t-il ?
Je pense vraiment que dans une situation semblable, la plupart des gens se défendraient du mieux qu’ils le pourraient. Je pense que l’oncle Craig le ferait. Je pense que grand-mère le ferait probablement. Je pense que moi aussi.
Vous m’avez interrogée sur la résistance non violente.
Quand l’explosif a explosé hier, il a brisé toutes les fenêtres de la maison familiale. On me servait du thé et je jouais avec les deux petits bébés. J’ai des jours difficiles en ce moment. J’ai mal au ventre du fait que je m’attache, de plus en plus, à ces personnes si gentilles, qui font face à l’adversité. Vu des États-Unis, je sais que tout cela semble exagéré.
Honnêtement, la gentillesse extrême des gens d’ici, l’évidence accablante de la destruction volontaire de leurs vies, me font ressentir comme si tout était irréel. Je ne peux vraiment pas croire que quelque chose de tel puisse arriver dans le monde sans que presque personne ne proteste devant ce drame. Cela me fait mal, encore une fois, comme cela m’a fait mal dans le passé, de voir à quel point nous pouvons permettre au monde d’être horrible.
Après vous avoir parlé, j’ai eu le sentiment que peut-être vous ne me croyiez pas complètement. En fait si c’est le cas, je pense que c’est une bonne chose d’avoir une pensée critique indépendante. Et je me rends compte aussi qu’envers vous, je suis beaucoup moins prudente que d’habitude, j’essaye de trouver le pourquoi de chaque affirmation.
Je le fais, sachant que vous faites vos propres recherches, pour approfondir le sens de ce travail. Toutes les situations que j’ai essayé d’énumérer ci-dessus et beaucoup d’autres choses encore constituent une élimination graduelle, souvent cachée, mais néanmoins massive, de la capacité d’un groupe de personnes à survivre. C’est ce que je vois ici. Les assassinats, les attaques de roquettes, le fait de tirer sur des enfants, sont des atrocités, mais en me concentrant sur eux, je crains de perdre leur contexte.
La grande majorité des gens ici, même s’ils avaient les moyens économiques de s’échapper, même s’ils voulaient vraiment abandonner leurs terres pour simplement partir, ne le peuvent pas. Ils ne peuvent même pas entrer en Israël pour demander un visa, et leur pays de destination ne les laisse pas entrer (notre pays comme les pays arabes).
Quand tous les moyens de survie sont anéantis dans ce qui ressemble à une prison dont les gens ne peuvent sortir (Gaza), je pense que cela se qualifie comme un génocide. Même s’ils pouvaient sortir, je pense que cela constituerait quand même un génocide. Vous pourriez peut-être consulter la définition du génocide selon le droit international. Je ne m’en souviens pas pour l’instant. Je vais m’améliorer pour documenter cela. Je n’aime pas utiliser ces mots accablants. Je pense que vous le savez. J’apprécie vraiment les mots. J’essaie vraiment d’illustrer et de laisser les gens tirer leurs propres conclusions.
De toute façon, je divague. Je veux juste écrire à ma mère et lui dire que je suis témoin de ce génocide chronique, insidieux, que j’ai vraiment peur, que je remets même en question ma foi fondamentale dans la bonté de la nature humaine. Il faut que cela cesse. Je pense qu’il est bon pour nous tous de tout laisser tomber et de consacrer nos vies à faire que ces choses cessent. Je ne pense pas que ce soit un truc extrémiste. Je veux toujours danser avec Pat Benatar, avoir des petits amis et faire des bandes dessinées pour mes collègues. Mais je veux aussi que cela cesse. Je ressens de l’incrédulité et de l’horreur. Déception. Je suis déçue que ce soit la réalité de base de notre monde et que nous y participions. Ce n’est pas du tout ce que j’ai demandé quand je suis venue au monde, et ce n’est pas du tout ce que les gens ici présents ont demandé quand ils sont venus au monde. Ce n’est pas le monde dans lequel papa et toi vouliez que je vive quand vous avez décidé de m’avoir.
En regardant Capital Lake, je pensais « C’est le monde entier, et je vais y arriver. » Mais comment entrer dans ce monde, comment pourrais-je vivre une vie confortable, sans aucun effort, comment pourrais-je exister en ignorant complètement ma participation au génocide ? Je ressens de grandes explosions provenant de l’extérieur.
Quand je reviendrai de Palestine, j’aurai probablement des cauchemars et je me sentirai constamment coupable de n’être plus ici, mais je pourrai compenser cela en travaillant plus. Venir ici est l’une des meilleures choses que j’ai pu faire. Donc, si je parais folle, c’est parce que je suis au cœur d’un génocide dont mon gouvernement, principal responsable, me rend moi aussi responsable indirectement. L’armée israélienne devrait également rompre avec sa tendance raciste à vouloir injurier les personnes sauf celles de couleur blanche.
Papa et toi, je vous aime. Désolée pour ces discours. A côté de moi, des hommes étranges m’ont donné des petits pois, j’ai besoin de manger et de les remercier.
Rachel
Le 28 février 2003
(À sa mère)
Merci, maman, pour ta réponse à mon courriel. Ça m’aide vraiment d’obtenir des nouvelles de toi et d’autres personnes qui se soucient de moi.
Après vous avoir écrit, j’ai passé une dizaine d’heures avec une famille sur la ligne de front à Salut Salam. Ils m’ont offert le dîner, j’ai pu regarder la télévision par câble. Les deux pièces devant leur maison sont inutilisables parce que des coups de feu ont été tirés à travers les murs, et toute la famille, trois enfants et deux parents, dort dans la chambre des parents. Je dors sur le sol à côté de la plus jeune fille, Iman, et nous partageons les couvertures. J’ai aidé le fils à faire ses devoirs d’anglais, et nous avons tous regardé « Pet Semetery », un film d’horreur. Je pense qu’ils ont trouvé ça assez drôle alors que moi j’avais du mal à le regarder. Vendredi, c’est férié et quand je me suis réveillée, ils regardaient « Ours Gummy » en arabe. J’ai pris avec eux le petit déjeuner, en appréciant d’être au milieu de cette grande mosaïque de couvertures, avec cette famille qui regardait ce qui me semblait être les dessins animés du samedi matin.
Puis je suis allée à pied jusqu’à B’razil, là où vivent Nidal, Mansur, Grand-mère, Rafat et toute cette famille qui m’a adoptée si généreusement. L’autre jour, Grand-mère m’a donné une conférence en arabe sur le fait que fumer rendait les poumons bien noirs. Je lui ai dit que ma mère apprécierait. J’ai rencontré leur belle-sœur, qui vient du camp de Nusserat, et j’ai joué avec son petit bébé.
L’anglais de Nidal s’améliore chaque jour. C’est lui qui m’appelle « Ma sœur ». Il a commencé à apprendre à Grand-mère comment dire « Bonjour, comment allez-vous ? » En anglais. On entend toujours les chars et les bulldozers passer, mais tous ces gens sont vraiment joyeux les uns avec les autres, et avec moi. Lorsque je suis avec des amis palestiniens, j’ai tendance à être un peu moins horrifiée que lorsque j’essaie d’agir en tant qu’observatrice des droits de l’homme, documentaliste ou résistante pendant des actions sur le terrain. Ils montrent un bon exemple de leur capacité à s’adapter dans le long terme. Je sais que la situation les atteint, ou peut-être les atteindra à tous les niveaux, mais je suis néanmoins étonnée de leur force pour défendre à ce point leur humanité, avec rires, générosité, temps familial, face à l’horreur incroyable qui traverse leur vie et face à l'omniprésence de la mort. Je me sentais beaucoup mieux après cette matinée.
J’ai passé beaucoup de temps à écrire sur la déception de découvrir, un peu abruptement, le degré de cruauté dont nous sommes encore capables. Je devrais au moins mentionner que je découvre aussi une force incroyable, une capacité impressionnante pour ces humains de rester humains dans des circonstances extrêmes, ce que je n’ai jamais vu auparavant.
Je pense que le mot qui convient le mieux est « dignité ». J’aimerais que vous puissiez rencontrer ces gens. Peut-être, avec un peu de chance, un jour.
Rachel
Questions de réflexion et de discussion
- Les lettres de Rachel Corrie ont été envoyées il y a presque exactement 20 ans. Les jeunes enfants qu’elle a rencontrés sont aujourd’hui dans la vingtaine, s’ils sont encore en vie. Quels sont les principaux souvenirs que vous pensez que ces jeunes pourraient avoir, d’après ce qui est inclus dans les lettres de Corrie ?
- Quelles questions vous sont posées dans les lettres de Rachel Corrie ? Au sujet des gens à Gaza, au sujet de Corrie ?
- Pensez aux descriptions dans les lettres de Rachel Corrie. Quelles sont les conditions qui rendent la vie si difficile pour les Palestiniens ?
- Dans une lettre, Rachel Corrie dit : « J’ai vraiment peur pour les gens ici. » Pourquoi a-t-elle peur pour les gens ?
- Nulle part dans les lettres de Rachel Corrie, elle n’utilise le mot « courage ». Pourtant, à un moment donné dans ses lettres, elle décrit que « j’ai essayé de me tenir entre eux, les Palestiniens et le char ». Quelles sont les expériences vécues dans la vie de Corrie qui pourraient mener à ce genre de réponse courageuse ?
- Passez en revue les lettres de Rachel Corrie et soulignez des phrases que vous trouvez émouvantes, surprenantes, poignantes et poétiques. Écrire un poème à partir du langage qu’elle utilise dans ses lettres.
- La mère de Rachel Corrie dit que la résistance violente des Palestiniens aggrave les choses. Rachel demande à sa mère : « Qu’est-ce qui reste à ces gens pour se défendre ? Dites-moi si vous pouvez penser à quelque chose. Je ne peux pas [...] » Que pensez-vous de la déclaration de Rachel ? Que pourrait dire sa mère ?
- Rachel Corrie écrit : « Je ne peux vraiment pas croire que quelque chose comme ça puisse arriver dans le monde sans qu’il y ait un plus grand tollé à ce sujet. Cela me fait vraiment mal, encore une fois, comme cela m’a fait mal dans le passé, de voir à quel point nous pouvons permettre au monde d’être horrible. » Pourquoi est-ce que « nous » pouvons permettre au monde d’être si horrible ?
- Rachel Corrie écrit : « Alors je pense que quand tous les moyens de survie sont coupés dans une prison (Gaza) dont les gens ne peuvent sortir, cela se qualifie comme un génocide. » Que pensez-vous de cette déclaration de Corrie ? Qu’est-ce que cela signifie que les gens de Gaza devraient faire ? Qu’est-ce qui pousse Corrie à vouloir faire ?
- Selon vous, qu’est-ce qui a poussé Rachel Corrie à se rendre à Gaza pour vivre avec les gens dans des situations aussi difficiles ? Essayez d’imaginer une expérience que Corrie a pu avoir dans sa ville natale de Olympia, à Washington, qui l’aurait conduite à prendre la décision de se rendre à Gaza pour y rencontrer les gens.
- En vous basant sur ce que vous avez lu dans les lettres de Rachel Corrie, quelles sont vos pensées au sujet des Palestiniens de Gaza avec qui elle a passé du temps ?
- Rachel Corrie dit que les habitants de Gaza ont de la dignité. « Dignité ». Qu’entend-elle par là ? Qu’est-ce qui l’amène à dire cela ? Que signifie le mot dignité pour vous ?