Suite au documentaire «vol spécial», à voir absolument.
C’est une mort qui ne provoque ni révolte, ni indignation, ni culpabilité, quelques étonnements parfois, des attendrissements, mais rien de bien méchant. Depuis quelques années, elle fait la une de nos journaux ou quelques entrefilets selon son importance. Parfois quelques organismes humanitaires élèvent la voix pour la qualifier d’inacceptable, d’inhumaine, mais rien ne se passe.
Cette mort n’a aucun responsable puisque nous y participons tous, moi, vous, et toutes les petites mains qui à un niveau ou un autre font leur travail consciencieusement.
La mort administrative a repris du service et l’indifférence qui l‘accompagne est le signe d’une société malade. Les historiens et ceux qui on encore de la mémoire la connaissent bien. Quand elle montre le bout de son nez, l’enfer n’est plus très loin, car telle un feu qui couve elle fait le nid à l’innommable.
Comment en est ton arrivé là ? Comment pouvons nous voir sans voir ? Comment pouvons nous tolérer ce qui nous paraissait il y a seulement quelques dizaines d’années comme une abomination ?
Les gens meurent dans nos mers et pour la première fois des bateaux ne leur portent plus secours. On repêche des cadavres consciencieusement, on les filme, on les prend en photo au milieu de la mer. On les encercle avec un filet ; si il y a des survivants on les renvoie dans l’enfer auquel ils ont cru échapper. Des camps de rétention sont ouverts en France et partout en Europe pour chasser l’émigré, l'homme à la couleur qui dérange, celui qui n’a pas de papiers. Les conditions de vie dans ces camps sont pointées du doigt par les organismes humanitaires. J’ai envie de crier : « Ce ne sont pas des criminels ! Ce ne sont pas des bêtes ! »
Je pense à cet homme de 71 ans reconduit dans son pays alors qu’il a vécu 45 ans en France. Je pense aux familles séparées, à ces enfants, ces bébés, emprisonnés pendant parfois plusieurs mois. Des gens meurent, deviennent fous dans ces lieux propres tellement inhumains. La question ne cesse de revenir à mon esprit : « quel est leur crime ? »
Quand on regarde le documentaire « vol spécial », on découvre les conditions de rapatriement. Ces hommes sont enchainés comme des criminels, sont maintenus sur leurs sièges par 9 points d’ancrage. On leur met une couche pour le trajet car ils ne peuvent pas bouger pendant 20 heures parfois. Certains meurent, d’autres s’effondrent à l’arrivée.
Nous étions une terre d’asile et aujourd’hui les réfugiés politiques sont renvoyés chez eux, là où ils sont surs d être torturés ! Surtout quand le pays où ils ont demandé le droit d’asile divulgue leur dossier à leurs bourreaux.
Si on vient en aide à un sans papiers on est passible de prison. A nouveau les Gens du voyage, les gens de couleur, sont pourchassés.
Mon amie qui vit en France depuis 5 générations a mis au monde une petite fille à la couleur de peau foncée, une trace de son passé d’une lignée mauricienne. Je n’ai pu m’empêcher de penser : « cela sera dur pour elle puisque la couleur fait l’identité ! ».Seuls les blancs sont français, bientôt on ajoutera les yeux bleus. Cela me rappelle quelque chose…
Dans l’entreprise la pause café n’est plus un lieu de détente, tout le monde a peur et fait attention à son voisin, "Ils sont tous des collabos qui veulent ta peau" me disait un patient. Les temps changent …
Les assurances refusent de couvrir les mères qui refusent l’avortement thérapeutique d’un enfant handicapé ! Cela aussi éveille en moi une vieille blessure : l’Eugénisme réapparait .Des gens s’immolent sur leur lieu de travail, d’autres se suicident plus simplement, cela est traité comme un fait divers, rien de plus.
Il fut un temps, je demandais à ma grand mère : « mamy comment est ce possible que tu n’aies pas vu l’horreur que cachait cette collaboration ? cette guerre ? » Aujourd’hui je sais, je vis la même situation.
Un dimanche après midi on met un bulletin dans l’urne car tous nos malheurs sont dus à des immigrés resquilleurs qui viennent manger le pain des français. Puis l’administration fait son travail, elle les traque, les enferme, la suite vous la connaissez.
Nous volons les richesses des pays pauvres, nous polluons leurs territoires, nous maintenons des dictateurs en place! Ils crèvent de faim ! Nos sociétés de consommation, de gaspillage, fabriquent les conditions du voyage au bout de l’enfer. Mettre la responsabilité sur les hommes plutôt que de remettre en cause le système est une lâcheté sans nom, mais tellement plus facile à vendre ! Ce monde m’effraie et notre silence encore en plus.