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Billet de blog 13 février 2024

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Pourquoi une fleur boutonne, s’épanouit et se fane ?

J’ai longtemps hésité à écrire ces lignes. Je ne suis ni historien, ni philosophe, ni religieux et je n’ai d’autre métier que moi-même.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Un sentiment important de porter à l’écrit des connaissances et des idées, accumulées au cours du temps, peut-être mal comprises ou déformées, sans doute déjà mille fois bien mieux écrites par d’autres, accompagne un constat personnel profond d’impuissance et d’incompréhension face au monde. Ces lignes me sont d’abord adressées. Je les partage et je sais aussi que tout cela ne servira pas à grand-chose…

Depuis un demi-millénaire, les religions courent après leur floraison. Investies dans tous les moments clefs de la vie des femmes et des hommes, la naissance, la reproduction et la mort, les outils oniriques et spirituels, pistils d’une ancestrale pensée, flétrissent. La pensée scientifique est venue heurter une compréhension du monde avec la mise en place d’autres outils, conceptuellement plus adaptés et justes. La fleur religieuse s’est défendu dès le départ d’avoir trompé son monde, émettant des phéromones répulsives, développant des stratégies d’évitement et d’empoisonnement, ou encore des ruses mimétiques. Un éventail de réponses aux changements du monde a été testé, de l’obscurantisme à la répression, du sectarisme à la séparation. Personnalisées, anthropologiques, les religions agissent entre le temporel, le séculier, le spirituel et le politique, la germination et la vitalité.

Des mutations religieuses se sont produites, avec des chimères, des mutants, dont certains sont ou furent seulement des mouvements létaux. Des mélanges conceptuels, syncrétiques pour certains, transactionnels pour d’autres, ont recomposé, avec la vitesse qui sied à une fleur en danger, le paysage théosophique global. Associée aux domestications des gynécées et aux vents des recompositions cognitives, les pensées religieuses ont adopté un mécanisme de défense paradoxal ontologiquement : se servir de l’ensemencement spirituel dont elles sont génitrices pour survivre. Or un ensemencement signifie dans l’émergence lente des idées, la transformation, si ce n’est la disparition de l’idée première.

Il y aurait ainsi une contradiction génétique dans la permanence des religions. Nous ne pouvons leur en vouloir, tant elles portent fermement la notion de finalité intentionnelle de la vie. Mais cela revient à ne plus comprendre pourquoi une fleur boutonne, s’épanouit et se fane, alors même que les fleuves religieux, qu’ils soient ethniques ou sociétaux, se sont dotés des concepts spirituels pour le décrire, voire l’analyser. Sans entrer dans la nécessité mystique ou spirituelle de l’être humain, qui nous amènerait trop loin, mais qu’il est nécessaire de mentionner pour qualifier l’œkoumène, une lente et inéluctable dissociation de l’esprit humain est en cours. Je ne juge, ni ne comprend exactement ce que cela signifie. Je ressens, je perçois, toutefois, que cela à un rapport à l’oralité et à la transcription littérale des croyances et des idées.

Les religions ont aussi cela en commun, celui de se situer à l’interstice de l’oralité et de l’écrit, constat non absolu si l’on se réfère à la correspondance animiste qui se poserait résolument seulement du côté de l’oralité. Quoi qu’il en soit, c’est cet interstice qui est en train de se dissocier, existentiellement au sens originel du terme. Or, si l’être humain souffre de dissociation, ce que les différents conflits dans le monde pourraient tristement soutenir, notre survie sur cette planète est peut-être engagée. J’ajoute que la pensée unique, qu’elle soit religieuse, économique ou autre, est une réponse instinctive à cette dissociation. Elle peut agir quelque temps contre ses effets, s’ils sont avérés, mais elle est dans l’impossibilité de réinvestir l’interstice, ou pour le dire plus crûment, empêcher la fleur de faner.

Peut-être, devons-nous accepter simplement cette dissociation, vivre avec, boutonner, s’épanouir et faner.

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