La liste des évadés fiscaux d'HSBC en Suisse aurait été falsifiée
Or le juge d'instruction parisien René Cros est saisi depuis le mois de janvier d'une information judiciaire visant ces fichiers, pour "faux et usage de faux en écritures publiques" commis par une personne dépositaire de l'autorité publique, et "tentative d'escroquerie au jugement". L'avocat MeVincent Ollivier, dont l'un des clients est suspecté par le fisc d'avoir détenu illégalement des avoirs en Suisse, a déposé une plainte avec constitution de partie civile en octobre 2011 : il dénonce la "falsification d'un ou de plusieurs procès-verbaux de transmission des données informatiques".
LES AUTORITÉS FRANÇAISES ACCUSÉES
De fait, dans cette procédure, dont Le Monde a eu connaissance, deux procès-verbaux, établis par la gendarmerie française à quatre mois d'intervalle, portent le même numéro et font mention de l'année 2009, alors que le dernier a été rédigé en janvier 2010. Plus gênant, la justice suisse, qui n'a jamais accepté la manière dont la justice et le fisc français se sont approprié les données HSBC en 2008, accuse les autorités françaises d'avoir modifié les listings initiaux.
Que dénoncent-ils, dans un rapport daté du 25 août 2010 ? L'expertise informatique "démontre qu'un des deux fichiers a été modifié".
Qui a pu avoir intérêt à modifier ces données sensibles ? A-t-on voulu dissimuler des noms ? La gendarmerie française n'a pas voulu s'exprimer sur le sujet. A Bercy, on reconnaît le contentieux franco-suisse, mais on exclut toute modification des données informatiques.
LE RÔLE MOTEUR DE BERCY
Un deuxième aspect du dossier inquiète les autorités françaises. Dans un arrêt récent, le 7 mai, la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, saisie d'une éventuelle irrégularité globale du dossier HSBC, affirme qu'"il ne résulte d'aucune pièce de la procédure que les services fiscaux français auraient participé directement ou indirectement à la production des documents dérobés, qu'ils les auraient commandés à M. Falciani...". Une mention importante, puisqu'elle rejette par avance toute requête des évadés fiscaux françaises contre l'administration fiscale.
Or, selon l'enquête du Monde, il semble bien que Bercy, du temps d'Eric Woerth, ait joué un rôle moteur dans l'affaire. D'ailleurs, devant la commission sénatoriale d'enquête sur l'évasion des capitaux, l'ex-procureur de Nice Eric de Montgolfier a eu une phrase lourde de sens: "J'ai en fait "blanchi" l'origine des données informatisées que je détenais judiciairement", a-t-il indiqué lors de son audition, le 22 mai, pour justifier la transmission au fisc de ces documents d'origine frauduleuse.
C'est lui qui avait recueilli les confidences de M. Falciani, en janvier 2009, lorsqu'il s'était réfugié dans le sud de la France. Les données informatiques avaient ensuite été saisies le 20 janvier 2009, lors d'une perquisition chez l'employé de HSBC. Pour être enfin transmises sept mois plus tard, le 9 juillet 2009, au fisc français.
Or, à Bercy, on admet avoir eu connaissance des fichiers volés dès avril 2008. A cette époque, M. Falciani est entré en contact, le 2 avril, avec un policier français, Philippe G., commandant de police à la direction centrale de la police judiciaire.
Celui-ci prévient ses homologues de Bercy. Il est tombé sur une véritable mine d'or : développeur en informatique, Hervé Falciani s'est procuré le fichier clients de HSBC, qu'il tente de monnayer au Liban. Selon Bercy, deux ou trois contacts ont lieu avec l'informaticien français.
C'est Jean-Patrick M., un agent de la direction nationale des enquêtes fiscales (DNEF), qui est chargé de "traiter" la source, qui se fait appeler "Ruben".
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