Impossible de voir une femme nue dans le cinéma iranien ; même l’étreinte homme-femme est censurée. Comme est interdite la critique du régime et l’évocation des mouvements contestataires. C’est pourquoi,la réalisatrice iranienne Sepideh Farsi a tourné son dernier film RedRose à Athènes, dans un bel appartement, un huis-clos amoureux censé se passer à Téhéran pendant les grandes manifestations de juin 2009 suite à la réélection usurpée et contestée du Président Ahmaninejad.
Pour nous replonger dans l’ambiance de la ville, le film ouvre sur des vidéos amateurs tournées sur téléphone portable par des manifestants de l’époque. La qualité médiocre et les images tremblées ajoutent au chaos et à la violence de la répression ultra-violente de la police et des bassidjis (milice). Dans le film, c’est PersianStar#Revolution aka Sara une étudiante de 20 ans qui tweete les images volées des manifs autant pour communiquer l’information que son enthousiasme au monde entier. C’est d’ailleurs, en échappant de justesse à une arrestation musclée que la jeune femme fait irruption dans la vie d’Ali, un homme d’âge mur, rongé par ses illusions perdues. Une histoire d’amour s’installe entre l’agoraphobe reclus dans son appartement, et la jeune révolutionnaire 2.0.
Les grandes manifestations sont toujours promesses de rencontres ; et c’est pourquoi, même si elles n’aboutissent sur rien, elles ne sont pas du temps perdu. Pour Ali, c’est presque une résurrection. Comme lui, on tombe progressivement sous le charme de Sara (Mina Kavani qui ressemble étrangement à Mélanie Laurent, en moins bêcheuse). La jeune femme n’a pas seulement la fraîcheur naïve de ses 20 ans ; elle sait aussi prendre les choses en main. «Certainement parce qu’elles sont soumises à une pression très forte, les jeunes femmes iraniennes sont plus débridées que les hommes, encore plus avides de liberté » analyse la réalisatrice. Redrose avance lentement, sans éclat, mais suggère que les toutes les iraniennes sont des femen en puissance. De la femme voilée aux seins nus à la fenêtre, la politique passe en Iran, de manière plus visible qu’ailleurs, par le corps. S’il y a quelques scènes de sexe, on ne s’écarte pas des conventions du genre intimiste européen. C’est parfois un tout petit peu long, mais c’est un film intelligent, politiquement subtil qui évoque la « vague verte » de 2009, mouvement pacifiste né dans le sillage des manifestations qui voulait « faire tomber les lignes rouges du régime ». A la recherche du «gloubi-boulga délicieux » de l’émancipation démocratique.
GG.