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Billet de blog 19 octobre 2014

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Critique Annabelle : POUPEE FAIS-MOI PEUR !

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Sorti en salle le 9 octobre, Annabelle de John R. Leonetti a été déprogrammé dès la deuxième semaine de plusieurs cinémas, à Strasbourg, Marseille et Montpellier. Non pas faute de succès mais plutôt victime de son succès auprès des jeunes : profitant du stress du film, des bandes d’ados s’excitent déclenchant bagarres et insultes avec d’autres spectateurs ou vigiles. Heureusement qu’il y a d’autres solutions qu’interdire pour empêcher la jeunesse de basculer dans le « hoody horror movie »*! Et on peut donc encore aller voir Annabelle dans de nombreuses salles.

Comme Paranormal Activity 4 ou Sinister qui avaient connu des incidents et des sanctions semblables, Annabelle ne révolutionne pas le film d’horreur, ni sur le plan de la mise en scène qui est plutôt convenue, ni sur le plan de l’histoire. Néanmoins, le film a certaines qualités qui peuvent contribuer à l’excitation de certains spectateurs.

La première, c’est son très bon casting, à commencer par l’interprète principale, Annabelle Wallis qui joue de rôle de Mia, jeune mariée, jeune femme enceinte puis jeune maman, qui collectionne depuis toujours les poupées. La très belle Mia, par sa seule présence angoissée, donne une aura  qui manque souvent à ce genre de films (dont le casting est souvent bâclé). Pour lui donner la réplique l’excellent Ward Horton qui joue John le mari, jeune médecin qui conjugue parfaitement égoïsme et gentillesse pour devenir un personnage tout à fait niais. Que ce soit lui, John qui offre à sa femme Mia la poupée Annabelle qui deviendra la poupée criminelle, vicieuse et perverse, ouvre d’emblée à une lecture du film : c’est l’objet qui incarne le malaise de ce couple qui ne se retrouve que dans l’adversité. Sinon, pendant que John potasse ses cours, va à ses conférences ou fait ses gardes, Mia, en femme au foyer,  s’emmerde. L’horreur de la possession comme échappatoire à l’ennui morbide du couple ? Le film n’insiste pas mais l’hypothèse taraude le spectateur jusqu’à la fin.

Rien que pour cette raison, Annabelle est nettement plus convaincant que le film auquel il est explicitement affilié : Conjuring Dossiers Warren  sorti l’année dernière et réalisé par James Wan, dont il reprend le prologue. Dans celui-ci, on nous présentait la poupée Annabelle, appelée à rejoindre une vitrine de la fameuse collection d’objets maudits des époux Ed et Lorraine Warren, ce couple de démonologues, chasseurs de fantômes, qui a existé paraît-il, et passé sa vie à traquer les fantômes de l’au-delà. Annabelle pousse comme une excroissance à partir du prologue de Dossiers Warren, en replongeant aux origines de la possession.

Là où les Dossiers Warren faisaient une sorte d’apologie de la famille américaine face au diable qui divise, Annabelle met en scène les failles et les angoisses des couples et des familles, à l’intérieur desquelles prennent forme des scénarios diaboliques. Ainsi les Higgins, les voisins de John et Mia sont-ils d’emblée les victimes de leur propre fille qui, à la sortie de l’adolescence, les a quittés pour rejoindre une secte hippie sataniste, une autre famille, La Famille de Charles Manson. Payent-ils les souffrances engendrées par une éducation trop stricte, ou bien sont-ils des martyrs malheureux de la face noire de la révolution hippie ? Le film laisse ces questions en suspens.

Même visuellement, Annabelle s’attaque au noyau dur de la famille, à son commencement, lorsqu’elle est la plus fragile : ce sont la mère, le fœtus puis le bébé qui sont directement menacés. Ce qui ne manque pas de produire frissons et malaise supplémentaire. Faute d’une mise en scène inventive, Annabelle est loin d’être un chef d’œuvre mais reste un divertissement efficace sur le thème de la poupée maléfique.

Rappelons deux références importantes sur ce thème qui ont, bien qu’insuffisamment,  nourri Annabelle. Tout d’abord, l’excellent Chucky, la figure inventée par Don Mancini en 1989, qui apparaît la première fois dans Jeux d’Enfants de Tom Holland. A voir bien sûr, pour assister à la « naissance » de Chucky, la poupée pour «good boys», où se réfugie l’âme de Charles Lee Ray, un serial-killer psychopathe ; à voir aussi le « Chucky 4 », La Fiancée de Chucky de Ronny Yu qui, entre horreur et comédie, parvient à nous toucher en racontant l’histoire d’amour entre deux poupées diaboliques…    

L’autre grand film de poupée, c’est bien sûr May de Lucky McKee (2002) : lorsque May, la jeune fille au strabisme encombrant, rencontre le bel Adam, le fan d’Argento apprenti-réalisateur, elle a le coup de foudre. Mais sa poupée Soosy qui était jusqu’alors seule dans le cœur de May, devient terriblement jalouse. Dans la lignée de Carrie, May est un film cruel et dérangeant, interdit au moins de 16 ans, qui contient quelques scènes d’anthologie, dont le génial court-métrage d’Adam, et une scène eisenstienne dans une école pour enfants aveugles. Ames sensibles s’abstenir !!!

GG.

* hoody horror movie : film d'horreur à capuches, pour désigbner des ados livrés à eux-mêmes, dont le meilleur exemple est Eden Lake de James Watkins (2008)

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