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Billet de blog 20 avril 2016

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DESIERTO : Chasse aux migrants

Film à suspense, servi par une bande-son efficace signée Woodkid, Desierto nous invite à réfléchir sur le sort des migrants clandestins animalisés par la survie.

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Illustration 1

D’un coté, on a un groupe de mexicains, migrants clandestins qui traversent la frontière des Etats-Unis à pied, à la suite d’une panne de camion ; de l’autre, une espèce de redneck dégénéré au volant d’un pick-up flanqué du drapeau confédéré, un chasseur qui méprise l’Etat fédéral et ne reconnaît qu’une frontière, celle dessinée par la portée de son fusil, auxiliaire indispensable pour défendre son territoire de toute invasion. Le décor : les étendues arides traversées par la frontière américano-mexicaine.

Avec son scénario à la fois simple et radical, Desierto fait facilement penser à Duel, premier film et seul génial, de Spielberg.  Un exercice de style, construit sur un suspens agoraphobique, l’angoisse des grands espaces. Car l’un des principes du film repose sur cette idée simple : non seulement le désert est hostile parce qu’il y fait chaud (49°C annonce la radio), mais il offre de belles perspectives de cibles pour un chasseur sachant chasser. Le film reprend la question qui animait Hitchcock lorsqu’il filme Cary Grant poursuivi par un avion au milieu d’un champ, dans la scène la plus célèbre de La Mort aux trousses : comment tuer un homme en plein jour, dans un lieu désert ?  La réponse apportée par Jonas Cuaron, le fils d’Alfonso Cuaron, réalisateur de Gravity et producteur de Desierto  ne se fait pas attendre dès les premières minutes : avec un puissant fusil à lunette, longue portée comme presque n’importe qui peut aujourd’hui facilement acheter aux Etats-Unis.

Sans arme, condamnés à fuir en courant, les migrants n’ont d’autre choix que d’essayer de se cacher dans les reliefs du désert ou derrière des champs de cactus. Mais c’est là qu’intervient le dernier personnage du film dont nous n’avons pas encore parlé, peut-être le plus flippant : un chien, le berger allemand Tracker. Dressé pour chasser, pour tuer, son flair supplée quand son maître manque de visibilité. Rapide, endurant, éternellement haletant sur les traces de ses proies, il devient progressivement de plus en plus angoissant.

Par-delà l’exercice un peu formel mais plutôt réussi (plus le film avance, et plus j’étais pris, stressé) Desertio met aussi dans le viseur nos propres représentations des migrants. Si nous ne les voyons pas comme des animaux, nous ne les voyons plus tout à fait comme des hommes. Dans Desertio, ils n’ont pas de nom, pour certains à peine un visage, aperçu dans les tout premiers plans du film. Ils marchent en mode survie au sein d’un groupe où la solidarité est précaire, conduits par des passeurs aussi violents que cupides. Desertio rappelle à sa manière qu’un migrant vit dans un entre-deux, entre une vie passée, et une vie à venir. Dans cet entre-deux, l’espoir qui anime son voyage se transforme bien souvent en terreur car sa situation le met totalement à la merci d’un double péril : la violence des éléments (ici, la chaleur) et pire encore, la violence des hommes.

GG.

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