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Billet de blog 25 mars 2016

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Cinéma : Médecin de campagne : On ne peut pas plaire à tout le monde.

Médecin de Campagne reflète une certaine tendance du cinéma contemporain. Un cinéma sans histoires invraisemblables ni enjeux politiques. Un cinéma avec des gens ordinaires, des "vrais gens", suffisamment pittoresques même pour qu'on puisse dire qu'on les dise également authentiques. Des histoires simples pour qu'on se sente bien ?

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Sortie de son contexte mathématique ou géométrique, la triangulation désigne par extension, une opération, un stratagème pour rapprocher des positions opposées, a priori inconciliables. En politique, le terme est employé par exemple pour qualifier « l’habileté », le sens de la manœuvre de l’actuel  Président de la République française, expert de « la synthèse », à tel point que celle-ci a des airs de trahison. Mais pour François Hollande et ses stratèges de la compatibilité électorale, il  s’agit d’abord de ratisser large pour obtenir le plus grand nombre de voix possibles. A l’inverse de la dialectique, la triangulation ne cherche pas à dépasser les oppositions par un troisième terme, une nouvelle idée ; c’est une pure opération de communication qui, jouant sur l’informe de la doxa, s’attache à réunir, sans les bousculer, des opinions opposées.  

A sa manière Médecin de Campagne, le film de Thomas Lilti joue un même genre de partition. Le titre est déjà un programme qui nous convie à

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Marianne Denicourt

la description pleine de clichés d’un médecin de campagne, Jean-Pierre (François Cluzet), qui travaille 15 heures par jour, un peu médecin, un peu ami, un peu  assistant social et beaucoup psy. Conscient de son rôle et dévoué à son sacerdoce, Jean-Pierre minimise sa maladie, la tumeur au cerveau qui grossit et veut continuer à bosser. Le film expose l’humanité, le dévouement du médecin de campagne, qui croit aux relations avant de croire à la science. Et il a sans doute raison. Mais il sera finalement sauvé par la science et la ville, ces deux repoussoirs : d’une part, soigné par la chimio et les rayons, d’autre part bousculé mentalement et de manière heureuse par une femme médecin débarqué de l’hôpital (Marianne Denicourt).  Médecin de Campagne est un film qui cherche à plaire gentiment à tout le monde ; ici même la mort est gentille. Construit comme un épisode de médecin de nuit, on s’immisce dans des petits bouts d’histoires de la vie ordinaire. Par leur profession Jean-Pierre, bientôt flanqué de Nathalie créent du lien sans distinction avec tous : les adolescentes amoureuses, les vieux paysans isolés dans leurs fermes, les travailleurs du CAT, la clique des gitans, l’autiste passionné par la Guerre de 14. Bref, le film raconte l’histoire de gens vrais, simples, de gens biens. On sature presque. Il n’y a qu’un seul vrai connard, plutôt réussi d’ailleurs, joué par Julien Lucas.

Pourrait-on dire que Médecin de Campagne est pour autant un « feel-good movie » pour reprendre l’une des catégories les plus agaçantes qu’on

Illustration 3
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ait inventées ? Il en a sans doute un peu la prétention. Mais malgré le charme de Marianne Dennicourt, la grosse valeur ajoutée du film, l’ensemble suinte finalement l’ennui. Cluzet joue en automatique : le rôle n’est pas assez intéressant pour rendre invisible tous ses « trucs » d’acteur. Le cinéma est un peu triste quand il ressemble à Médecin de Campagne, un peu niais, mélangeant clichés et bons sentiments. « Trianguler », vouloir plaire à tout le monde, c’est le fantasme du publicitaire, du politique éventuellement ; ce ne doit pas être celui du cinéaste qui au lieu de chercher à nous vider la tête devrait plutôt s’occuper de nous la farcir avec des images nous invitant au moins à réfléchir ou à rêver.  

GG.  

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