Thomas Sankara arrive au pouvoir en aout 1983 en Haute-Volta après avoir mené un coup d’Etat contre le président Ouédraogo dont il avait été brièvement premier ministre l’année précédente. Quatre ans plus tard, il est assassiné par son plus fidèle ami, Blaise Campaoré qui le remplacera pendant près de 27 ans à la tête du pays. Dans l’intervalle, ce militaire érudit et charmeur, tiers-mondiste et panafricain aura changé le nom de son pays (la Haute-Volta devenant le Burkina Faso (la terre des Hommes Intègres) le 4 août 1984), dénoncé la corruption, le néocolonialisme (notamment lié à la « françafrique ») et tenté de changer la mentalité de l’homme africain.
Montage d’images d’archives, presque sans commentaire, le film de Christophe Cupelin est un hommage au Capitaine Thomas Sankara, le portrait hagiographique d’un révolutionnaire qui par son franc-parler a su séduire tout un peuple autant qu’agacer les grands chefs d’Etat du monde de la fin de la Guerre Froide. A cet égard, simplement revoir les quelques extraits des rencontres entre Mitterrand et Sankara est en soi un grand moment. Incontestablement, le Président français qui s’y connaissait en matière de séduction est sous le charme de Sankara, ce qui ne l’empêche pas de mettre en garde, avec des accents prophétiques, le jeune chef d’Etat. La France a-t-elle joué un rôle dans la mort de Sankara ? A-t-elle épaulé Campaoré dans sa conquête du pouvoir ? Christophe Cupelin se garde bien de prendre position sur ce qui reste encore aujourd’hui des spéculations. Incontestablement, Sankara dérangeait beaucoup de gens. Mais qui l’a tué ? Un commando de burkinabe, avec à sa tête Gilbert Diendéré, le même qui a renversé Campaore l’année dernière en 2014. Sur ordre de qui ? Blaise Campaore lui-même influencé par sa femme qui, telle Lady Macbeth en avait marre de Sankara, de sa morale et des privations qu’il imposait aux chefs du pays. Elle aurait dit un jour à Sankara : « Si on est monté tout en haut, ce n’est pas pour boire de l’eau mais du champagne et manger du caviar ».
Evidemment, ces derniers détails ne sont pas dans Capitaine Thomas Sankara, on les apprend en discutant avec Christophe Cupelin qui connait toute cette histoire par coeur, une histoire qui a en partie décidé de sa vie depuis qu’un jour de 1985 il a débarqué à 19 ans Burkina Faso. A l’époque il s’était rêvé quelques temps comme un Eisenstein de la révolution Burkinabé ; Puis Sankara était mort avant qu’il ait fini son cursus. En 2007, il rêvait d’écrire une fiction sur celui auquel il voue, selon son propre mot, « une passion ». Peut-être qu’un jour d’ailleurs, quand il aura les moyens, il l’écrira. C’est tout le mal qu’on lui souhaite. En attendant, Le Capitaine Thomas Sankara est une bonne introduction à une histoire qu’on ne connaît plus.
Guillaume Goujet