Le réalisateur bosniaque Danis Tanovic le confesse : dans la même situation que son héros, il aurait sans doute pété les plombs et eut des envies de meurtre. C’est d’ailleurs parce qu’il a été impressionné à la lecture de l’histoire vraie de Nazif et de sa femme Senada, qu’il a eu envie d’en faire un film ; impressionné par le courage et la force tranquille de ce ferrailleur rom, pauvre, pris dans une course contre la montre, contre l’injustice et la mort.
Avec La Femme du ferrailleur, Denis Tanovic s’amuse à brouiller les frontières de la fiction et du documentaire, de l’imaginaire et du réel. Pour rester complètement fidèle à son histoire, il a demandé aux vrais protagonistes de jouer leur propre rôle. Tourné en neuf jours, avec une Canon numérique et des acteurs totalement amateurs, sans maquillage et intégralement en lumière naturelle, La femme du ferrailleur est un film qui aurait été impensable sans les nouvelles technologies numériques. En même temps que le film réactualise le vieil adage hollywoodien, à savoir que le cinéma, c’est d’abord et avant tout « a good story, a good story, a good story ». Une caméra, une bonne histoire et … « un instinct qu’on a ou qu’on n’a pas » selon les mots de Tanovic, et grâce auquel on sait où mettre la caméra, caractériser un personnage au travers d’une parole, d’un geste, créer du suspens, etc…
De ce point de vue, en plus d’être un réquisitoire contre les injustices et les discriminations dont sont victimes les roms de Bosnie, La Femme du Ferrailleur est aussi une belle leçon de cinéma.