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Billet de blog 28 avril 2017

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La colère d’un homme patient : justice sans pitié dans polar noir

Le titre sonne comme celui d’un épisode de Derrick mais La Colère d’un homme patient est un pur polar bien noir, réaliste et violent, très réussi, qui a fait un carton à la cérémonie des Goyas espagnol (équivalent des Césars).

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Illustration 1

Dans La Colère d’un homme patient de l'espagnol Raul Alevaro, le détenu Curro peut régulièrement et tranquillement faire l’amour à sa femme Ana qui finit par tomber enceinte. C’est parce qu’en Espagne, il y a des parloirs sexuels, contrairement à la France où les relations intimes des détenus dépendent du bon vouloir des gardiens (Cf : OIP sur mediapart). Mais même si elle aménage des espaces de plaisir, la prison abime, en Espagne comme ailleurs : lorsqu’il sort après huit ans, Curro est tout sauf apaisé, habité par la colère,  éternellement sur le qui-vive, paranoïaque,  quand bien même il a retrouvé sa femme, son fils et l’ambiance bonne franquette du bar de son beau-frère Juanjo… Peut-être perçoit-il aussi inconsciemment, sans comprendre d’abord, la présence toute proche d’un homme encore plus en colère que lui ; un homme qui ne sort pas de prison mais qui n’en est pas moins enfermé à double tour dans sa tête…

Le titre sonne comme celui d’un épisode de Derrick mais La Colère d’un homme patient est un pur polar bien noir, réaliste et violent, très réussi, qui a fait un carton à la cérémonie des Goyas espagnol (équivalent des Césars) : prison physique, prison mentale, vengeance, le film fait penser dans son traitement à d’autres polars récents de la même veine, Blue Ruin de Jérémy Saulnier ou Les Ardennes de Robin Pront –même s’ils reposent sur des esthétiques très différentes. C’est un film de genre dans lequel la vengeance est présentée comme un poison morbide qui ronge, un agent de dépersonnalisation, un sacerdoce monstrueux. Rien de vraiment nouveau ni d’original dans ce film qui puise dans les grands films des années 70, mais le scénario comporte pas mal de twists et la mise en scène est efficace, stressante dès les premières minutes qu’on passe à l’arrière d’une caisse de braqueurs de bijouterie.

Illustration 2

L’autre intérêt du film est la galerie de personnages qu’il présente, figures poisseuses d’un prolétariat espagnol, à la frontière du rural et de l’urbain : il y a bien sur le mystérieux José que personne ne connaît, tellement taiseux que pendant toute une scène il n’a aucun mal à se faire passer pour un muet ; Curro, des yeux de dingues qui percent une face grêlée ; Triana, le bavard à la voix de fausset qui passe ses journées à la salle de boxe, à boire de la bière et à se défoncer à la blanche ; Ana, femme de détenu et mère courage qui aime donner de la tendresse aux hommes perdus. Désœuvrés, maudits, ces personnages, archétypes presque caricaturaux, sont les antihéros de ce polar viril et poisseux.   

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