un document passionnant que je vous livre ici .
Unrevenu citoyen de base pourconstruire la démocratie et la justice
Essaiprésenté au ProjetNOPOOR
Paris, 12juin 2012
EduardoMatarazzoSuplicy1
C’est pour moi un honneur d’être invité à participer à cette réunion inaugurale du Projet NOPOOR, organisée par Development, Institutions & Globalization–DIAL et l’Institut de Recherche pour le Développement–IRDdu 11 au 13 juin 2012, à Paris. Tout particulièrement parce que nous avons ici une remarquable occasion d’échanger des idées sur les expériences menées dans tant de pays, sur les sept continents, et sur les manières dont nous pouvons améliorer le niveau de justice de nos sociétés, par des voies démocratiques et sans sacrifier la liberté, pour y vivre dans un esprit de solidarité et de paix.
Comme je suis sénateur brésilien, membre du Parti des Travailleurs et auteur de la loi nº 10.835 de 2004 instituant un Revenu citoyen de base pour toutes les personnes résidant au Brésil, y compris les étrangers y résidant depuis au moins 5 ans, indépendamment de l’origine, de la race, du sexe, de l’âge ou de la situation socio- économique personnelle, et comme je suis également Coprésident d’honneur du Basic Income Earthnetwork–BIEN, je suis très heureux de vous apporter quelques informations sur ce qui se passe dans mon pays et sur le développement de cette proposition ailleurs dans le monde.
Aux termes de cette loi, adoptée à l’unanimité en décembre 2002 au Sénat fédéral et en décembre 2003 à la Chambre des Députés, sanctionnée le 8 janvier 2004 par le Président Luiz Inácio Lula da Silva, le Revenu citoyen de base consistera en une allocation monétaire d’un montant égal pour tous, suffisant pour couvrir les besoins essentiels de chacun. Elle peut être versée mensuellement, en tranches égales. Son montant sera fixé en fonction du niveau de développement du pays et de ses disponibilités financières. Elle sera instituée graduellement à la discrétion de l’Exécutif, en donnant priorité aux plus nécessiteux, à l’instar de ce qui est fait aujourd’hui dans le cadre du programme de Bourse familiale.
1EduardoMatarazzoSuplicyest né le 21 juin 1941 à São Paulo, au Brésil. Il a obtenu sa Licence en Économie à l’École d’Administration d’Entreprises de São Paulo, rattachée à la Fondation Getúlio Vargas, où il est devenu professeur d’Économie en 1966. Il a obtenu un diplôme de Master en 1968 et, en 1973, un PhD en Économie à la Michigan State University. En 1978, il a été élu Député à l’Assemblée législative de l’État de São Paulo. Il a été un des cofondateurs du Parti des Travailleurs, le 10 février 1980. En 1982, il est devenu Député fédéral. En 1988, il a été Conseiller muncipal et président du Conseil municipal de la Commune de São Paulo. En 1990, 1998 et 2006 il a été élu et réélu Sénateur représentant l’État de São Paulo par le Parti des Travailleurs pour trois mandats de huit ans. C’est au Sénat qu’il a pu faire adopter la Loi instituant un Revenu citoyen de base, qui sera à l’avenir inconditionnel. Son principal ouvrage, « Rendade Cidadania. Asaídaépelaporta”, édité par la Fondation Perseu Abramo et Cortez Editora en 2002, en était à sa sixième édition en 2010.
Dans son ouvrage « L’idéedejustice », publié chez Flammarion, le Prix Nobel d’économie Amartya Sen nous parle de l’importance d’une quête de justice, de la construction de la démocratie, d’un gouvernement construit par le débat, mais aussi de la nature, de la faisabilité et de l’étendue des demandes de droits humains. Il y mentionne la sensibilité aux injustices criantes qui a caractérisé les actions des Parisiens pendant la Révolution de 1789, celles de Mahatma Ghandi en Inde et de Martin Luther King Jr en Amérique.
Amartya Sen donne plusieurs exemples de comment la démocratie, la liberté d’expression et de presse ont contribué à ce que des sociétés règlent leurs problèmes, y compris ceux qui étaient liés à de graves famines.
Sen affirme que l’histoire du Moyen Orient et des peuples musulmans comprend un grand nombre d’épisodes de débats publics et de politiques participatives par le dialogue. Dans les royaumes musulmans ayant leur siège au Caire, à Bagdad et à Istanbul, en Iran, en Inde et même en Espagne, il y eut de nombreux partisans des débats publics. Il soutient que la tolérance et le respect des divers points de vue y étaient souvent supérieurs à ce qu’on trouvait en Europe au XVIème et XVIIème siècles.
Le point de départ de Sen est la théorie de la justice en tant qu’équité de John Rawls. Dans son livre « Théorie de la Justice» (Seuil), Rawls pose les principes de justice qui devraient être mis en oeuvre par une société :
- Chaque personne a également droit au plus large système d’égales libertés de base étant compatible avec un système similaire de liberté pour tous (principe d’égale liberté) ;
- Les disparités d’avantages économiques et sociaux ne se justifient que si :
- elles contribuent à l’amélioration des moins privilégiés de la société (principe de différence) ;
- elles sont liées à des positions que chacun a des chances égales d’occuper (principe d’égalité des chances).
En 2005, j’ai eu l’occasion d’assister à la première conférence conjointe d’Amartya Sen et de Philippe Van Parijs donnée à leurs élèves de postgrade de l’Université Harvard dans leur discipline, « Justice et Diversité culturelle ». Van Parijs demanda aux étudiants qui, parmi eux, avait une autre langue maternelle que l’anglais. Un tiers environ leva la main. Il fit alors remarquer que, même si nous avons des backgroundsdifférents – en termes d’origines, de race, de langue, de religion, etc. – nous pouvons partager certains points de vue sur la meilleure manière de construire une société juste.
Amartya Sen expliqua alors que, dans cette discipline, on examinerait quelles institutions pourraient nous aider à améliorer le niveau de justice. Par exemple, lorsque l’esclavage fut aboli, cela améliora le niveau de justice dans la société. Si nous garantissons à tous les garçons et toutes les filles de la société un bon niveau d’éducation, nous améliorons le niveau de justice. « Dans ce cours, nous allons examiner– dit Sen – dans quelle mesure un Revenu de base inconditionnel, tel que défendu par le Professeur Philippe Van Parijset parle Sénateur Eduardo Matarazzo Suplicy, qui nous rend visite aujourd’hui, améliorera ou non le degré de justice dans la société.» J’étais ravi !
On pourrait penser à d’autres instruments pouvant nous aider en ce sens, comme l’encouragement à créer des coopératives, l’extension du microcrédit, la réforme agraire, un bon système public de santé, le budget participatif, et ainsi de suite. John Rawls mentionne, dans « Théorie de la Justice», qu’un impôt sur le revenu négatif garantissant un revenu minimum pour tous aiderait à mettre en oeuvre les principes de justice.
Selon le Professeur Philippe Van Parijs, dans « Real Freedom for All. What (ifanything) may justify capitalism?” (1995, Oxford), ce qui pourrait garantir un revenu minimum bien mieux que l’impôt sur le revenu négatif, c’est le Revenu de base inconditionnel, indépendant des origines, du sexe, de la race, de l’âge ou de la condition socio-énomomique, aux fins d’application des trois principes de justice.
Je vais maintenant vous présenter le développement du texte que j’ai préparé pour le recueil d’essais organisé par Philippe Van Parijs, « Arguing about Justice», édité par Axel Grosseries et Yannick Vanderborght (2011, UCL, Presses Universitaires de Louvain), à l’occasion de sa vingtième année à la Chaire Hoover d’éthique économique et sociale de l’Université Catholique de Louvain, mais aussi de son soixantième anniversaire.
Comment le Revenu Minimuma inspirélapolitiquesociale du Brésil
En 1966-1968, et de nouveau en 1970-73, je faisais mon Master et mon PhD en Sciences économiques à la Michigan State University, aux Etats-Unis, et je suis tombé sur le concept de revenu garanti par un impôt sur le revenu négatif, le NIT. De retour au Brésil, j’ai interagi avec le Professeur Antônio Maria da Silveira, qui avait proposé l’instauration de ce NIT dans notre pays (Silveira, 1975). Quand j’ai été élu sénateur pour la première fois en 1990, nous avons travaillé ensemble sur une proposition dénommée GuaranteedMinimumIncome Scheme, PGRM. Tout adulte d’au moins 25 ans gagnant moins de 45.000 Cruzeiros par mois (environ 150 dollars américains, à l’époque) devait avoir droit à un complément, d’un montant de 30 à 50% de la différence entre ce niveau et le revenu dont il disposait. Cette proposition a été adoptée par le Sénat fédéral le 16 décembre 1991, par consensus entre toutes les parties. Elle a ensuite été transmise à la Commission des finances et de la fiscalité de la Chambre des Députés, où le Député Germano Rigotto (PMDB du Rio Grande do Sul) lui a réservé un avis favorable et même enthousiaste. Mais cette proposition ne fut finalement pas votée sous cette forme, en raison de développements ultérieurs.
C’est alors que le débat sur cette question a commencé à prendre corps au Brésil. En 1991, dans un débat avec une cinquantaine d’économistes proches du Parti des Travailleurs (PT), Antônio Maria da Silveira et moi-même avons présenté la proposition de PGRM. Le Professeur José Márcio Camargo a opiné que garantir un revenu minimum était un pas dans la bonne direction, mais que celui-ci ne devrait être accordé qu’aux familles nécessiteuses dont les enfants
fréquenteraient régulièrement l’école. Ainsi, ces enfants ne seraient pas poussés à travailler pour aider leur famille.
En 1995, tenant compte de ces considérations, José Roberto Magalhães Teixeira, maire PSDB de Campinas, dans l’État de São Paulo, et le gouverneur PT du District fédéral, Cristóvam Buarque, ont mis en oeuvre un système de revenu minimum associé à la scolarisation. Ces programmes étaient dénommés Bolsa-Escola, Bourse-École. Toutes les familles dont le revenu par personne était inférieur à la moitié du salaire minimum se voyaient ouvrir un droit à :
- à Campinas, une allocation du montant nécessaire pour que la famille dispose d’un demi-salaire minimum par personne ;
- au District fédéral, une allocation du montant d’un salaire minimum, indépendamment de la taille de la famille et de combien de personnes de cette famille travaillaient ou non.
Ces expériences ont servi d’inspiration à plusieurs autre municipalités et, au Congrès national, des propositions ont été déposées pour que le gouvernement fédéral octroie un soutien financier aux municipalités qui introduisaient des programmes de revenu minimum associé à la scolarisation.
En 1996, j’ai emmené Philippe Van Parijs à des audiences avec le Président Fernando Henrique Cardoso et le Ministre de l’Éducation, Paulo Renato de Souza. Van Parijs y a soutenu qu’un revenu de base inconditionnel était l’idéal, mais il a reconnu que commencer par un revenu minimum associé à la scolarisation allait dans le bon sens, dans la mesure où cela représentait un investissement en capital humain. Le Président Fernando Henrique Cardoso a alors donné feu vert aux parlementaires de la majorité pour adopter une loi autorisant le gouvernement fédéral à octroyer un soutien financier à hauteur de 50% des dépenses consenties par les municipalités pour offrir un revenu minimum associé à la scolarisation et à des opportunités sociales.
En mars 2001, une fois encore sous l’impulsion de Fernando Henrique Cardoso, le Congrès national a adopté une autre loi autorisant le gouvernement fédéral à passer convention avec toutes les municipalités brésiliennes pour mettre en oeuvre la Bourse- École. Le gouvernement a ensuite institué les programmes dénommés Bolsa- Alimentação(Bourse-Alimentation) et Auxílio-Gás(Aide-Gaz). En 2003, le gouvernement de Luiz Inácio Lula da Silva a institué le programme Vale-Alimentação (Ticket-Alimentation).
En octobre 2003, le gouvernement du Président Lula a décidé d’unifier et de rationaliser ces différents programmes en les réunissant en un seul, le programme Bolsa-Família(Bourse familiale), qui comptait 3,5 millions de familles inscrites en décembre 2003. Le nombre de familles bénéficiaires s’est élevé à 6,5 millions en décembre 2004, 11 millions en décembre 2006 et 13.394.893 familles, soit près de 50 millions de personnes, en avril 2012.
LaBourse familiale: histoire d’une réussite
Le Programme Bourse familiale, accompagné d’autres instruments de politique économique, a fortement contribué à réduire la pauvreté absolue et le degré d’inégalité au Brésil. Le coefficient de Gini avait atteint 0.599 en 1995, mais il a graduellement baissé chaque année pour se situer à 0.581 en 2003, à 0.544 en 2008, à 0.530 en 2009 et à 0.526 en 20102. La proportion de familles en-dessous du seuil d’extrême pauvreté, où le revenu par personne est inférieur à 93,75 réaux, est passée de 39,4% en 2003 à 25,3% en 2008. Ces résultats favorables peuvent aussi être présentés de la manière suivante :
les 20% de familles les plus pauvres ont vu leur revenu par personne grandir 47% plus
vite que celui des 20% de familles les plus riches. Alors qu’en 2001 le revenu moyen des 20% de familles les plus riches était 27 fois supérieur à celui des 20% de familles les plus pauvres, en 2008, il n’était plus que 19 fois supérieur, soit une réduction de l’inégalité de 30% en 7 ans.
La Présidente Dilma Rousseff a été élue le 31 octobre 2010 au second tour par quelque 55,7 millions de suffrages, 56% du total. Lors de son investiture, le 1er janvier 2011, elle a annoncé que l’éradication de la misère ou de l’extrême pauvreté serait sa première et plus importante priorité.
En juin 2011, la Présidente Dilma Rousseff a annoncé le plan « Brésilsans misère». Il vise avant tout à inclure les 16,27 millions de personnes ne bénéficiant pas encore du Programme Bourse familiale, bien qu’elles vivent – d’après le recensement de 2010 – avec moins de 70 réaux par personne. La Présidente a annoncé que le gouvernement commencerait par identifier ces personnes où qu’elles se trouvent. Comme beaucoup de ces personnes sont des enfants de moins de 14 ans, le Programme Bourse familiale a élargi le bénéfice de l’allocation de 3 à 5 enfants de moins de 15 ans, qui perçoivent 32 réaux par tête. Cette mesure devrait toucher quelque 800.000 familles de plus après 2014, incluant de ce fait près de 1,3 millions d’enfants de plus.
Depuis juin 2011, lorsque la Présidente Dilma Rousseff, récemment élue, a annoncé le plan Brésilsansmisèreet un ajustement du programme Bourse familiale, celui-ci a commencé à fonctionner de la manière suivante : si le revenu par personne de la famille est de moins de 70 réaux par mois, elle a le droit de percevoir une allocation mensuelle de base de 70 réaux.3 Toutes les familles ayant un revenu mensuel inférieur à 140 réaux par personne ont droit à une allocation de 32, 64, 96, 128 ou 160 réaux, selon
qu’elles ont un, deux, trois, quatre, cinq ou plus d’enfants de moins de 16 ans, et en outre 38 réaux pour chaque adolescent de 16 à 18 ans (un maximum de 2 adolescents étant pris en compte). En conséquence, le montant moyen de l’allocation par famille s’élève maintenant à 120 réaux par mois, avec un plancher de 32 réaux et un plafond de 306 réaux.
- Sources: Étude nº 30 de l’IPEA-Institut de recherche économique appliquée, Première analyse des résultats de la PNAD-Enquête nationale par échantillonnage de domiciles 2008, publiée le 24 septembre 2009, ainsi que le PNAD 2009 et les résultats du recensement de 2010 officiellement publiés par l’IBGE- Institut brésilien de géographie et de statistique en 2010 et 2011.
- Au 1er juin 2011, 1 réal équivalait à 0,63 dollars US et à 0,44 euros.
En août 2011, la Présidente Dilma Rousseff a signé des accords avec plusieurs gouverneurs d’États brésiliens, y compris celui de São Paulo, aux termes desquels tous les niveaux de gouvernement, avec l’aide d’organisations civiles, aideraient à trouver toutes les familles dont le revenu par personne leur permet de bénéficier du programme Bourse familiale. Dans le cas de l’État de São Paulo, le gouvernement de celui-ci apportera le complément s’avérant nécessaire pour que chaque famille ait au moins un revenu mensuel de 70 réaux par personne.
En mai 2012, la Présidente Dilma Rousseff a démarré une nouvelle phase du programme Bourse familiale, le Brasil Carinhoso(Brésil prévenant), par lequel toute famille du Brésil ayant un ou plusieurs enfants de moins de 6 ans recevront au moins 70 réaux par mois. Des mesures sont également prises pour augmenter le nombre de places de crèches publiques et pour renforcer les services de santé.
La famille brésilienne est composée de 3,3 personnes en moyenne. Mais cette moyenne est, d’une manière ou d’une autre, toujours plus élevée dans le cas des familles bénéficiaires du programme. Ces familles doivent se conformer à certaines exigences importantes. Si la mère est enceinte, elle doit recourir aux institutions de santé publiques pour les examens et le suivi prénataux. Les parents doivent faire vacciner leurs enfants de moins de 6 ans conformément au calendrier de vaccinations du Ministère de la Santé. De 7 à 16 ans, les enfants doivent fréquenter une école avec une assiduité d’au moins 85%. Ceux qui ont entre 16 et 18 ans doivent aussi aller à l’école, avec une assiduité d’au moins 75%.
Malgré les progrès réalisés, le Brésil est encore un des pays du monde qui a le plus d’inégalités. D’après le recensement 2010 de l’IBGE, alors que les 10% les plus pauvres des citoyens vivent avec 1,1% du revenu national, les 10% les plus riches disposent de plus de 44,5% de celui-ci. Il ne fait aucun doute que l’instauration et l’expansion du programme Bourse familiale ont eu des effets positifs. Néanmoins, s’il veut se rapprocher d’une éradication plus efficace et plus directe de la pauvreté absolue, obtenir plus d’égalité et garantir plus de liberté réelle pour tous, le Brésil devra mettre en oeuvre un véritable Revenu citoyen de base (Citizen’s Basic Income-CBI).
Versun Revenucitoyen de base.
Au long des années 90, j’ai interagi de plus en plus avec les fondateurs du Basic Income European Network (BIEN)4 et j’ai pris part à ses congrès semestriels. Je me suis alors convaincu de ce qu’un revenu de base inconditionnel pour tous était bien mieux que tout système conditionnel ou même qu’un impôt sur le revenu négatif. C’est pourquoi, en décembre 2001, j’ai déposé au Sénat brésilien une nouvelle proposition de loi invitant à instaurer un Revenu citoyen de base (Citizen’s Basic Income-CBI). Après avoir étudié cette proposition, le Sénateur Francelino Pereira (PFL de l’État de Minas Gerais) a fait valoir qu’il fallait la rendre compatible avec la Loi sur la responsbilité fiscale, qui impose de ne pas créer de titres de dépenses sans auparavant s’assurer de disposer de revenus suffisants. Il a donc suggéré d’inclure un paragraphe aux termes duquel le Revenu citoyen de base serait institué par étapes, en commençant par les plus
défavorisés, jusqu’à ce qu’un jour il devienne inconditionnel pour tous,
- Le BIEN a été transformé en Basic Income Earth Networken 2004.
indépendamment de leur revenu. Cela m’a rappelé la recommandation de James Edward Meade qui figure dans le dernier chapitre de son ouvrage « Agathotopia». Ce qui est important, c’est de garder clairement à l’esprit nos objectifs et de marcher fermement et graduellement vers ceux-ci.
C’est ainsi que la proposition de loi fut adoptée à l’unanimité au Sénat en décembre 2002 et à la Chambre des Députés en décembre 2003. Quand elle fut envoyée au Président pour qu’il l’examine, le Ministre des Finances Antonio Palocci lui dit :
« Puisque cela doit être introduit par étapes, c’est faisable et vous pouvez la sanctionner». Le 8 janvier 2004, le Président Luiz Inácio Lula da Silva sanctionna donc la Loi nº 10.835/2004 instaurant un Revenu citoyen de base par étapes et à la discrétion du gouvernement, en commençant par les plus défavorisés, comme dans le programme Bourse familiale. Nous aurons donc plus tard un Revenu citoyen de base du même montant pour tous, expression du droit de l’individu à avoir sa part de la prospérité de la nation. Ce même jour, le Président reçut de l’économiste Celso Furtado le message suivant :
« Au moment où Votre Excellence sanctionne la Loi sur le Revenu citoyen de base, je tiens à manifester ma conviction de ce que, par cette mesure, notre pays se place à l’avant-garde de ceux qui luttent pour construire une société plus harmonieuse. Le Brésil a souvent été cité comme étant un des derniers pays à avoir aboli l’esclavage. Aujourd’hui, par cet acte résultant des principes de bonne citoyenneté et de la large vision sociale du Sénateur Eduardo Matarazzo Suplicy, le Brésil sera mentionné comme le premier à avoir institué un vaste système de solidarité, qui a en outre été adopté par les représentants de son peuple. »
Tel que je le vois, un véritable Revenu citoyen de base devrait avoir un montant aussi élevé que possible pour couvrir les besoins vitaux de chacun et devrait être versé à tous les habitants d’une communauté, d’une commune, d’un État, d’un pays ou même, un jour, de toute la population d’un continent ou du monde. Indépendamment de son origine, de sa race, de son sexe, de son âge, de son statut civil ou de sa situation sociale et économique, chacun aura le droit de percevoir le Revenu citoyen de base en tant que droit à avoir sa part de la prospérité de cette communauté, commune, État, pays, continent ou planète. Un tel système présente de nombreux avantages. Permettez-moi d’en mentionner quelques-uns.
En premier lieu, toute la bureaucratie requise pour connaître les revenus de chaque personne sur le marché formel ou informel serait éliminée. Cela permettrait aussi d’en finir avec la honte ou la stigmatisation, puisque les gens n’auraient plus à dire à un fonctionnaire : « Je ne gagne que ça, alors j’ai besoin d’un revenu supplémentaire pour vivre. »
En second lieu, sans doute le principal avantage du Revenu citoyen de base est-il de relever le niveau de dignité et de liberté de chacun. Du point de vue de ce qu’Amartya Sen dit dans « DevelopmentasFreedom» (1999, New York : Knopf): « Le développement, pour être significatif, doit signifier un degré plus élevé de liberté dans la société». Prenez le cas, par exemple, d’une jeune fille qui, pour vivre, n’a d’autre choix que de vendre son corps. Ou celui d’un jeune homme qui, pour faire vivre sa famille et lui-même, est forcé de travailler pour des trafiquants de drogue. S’il existe un Revenu citoyen de base, ils peuvent refuser ces solutions et attendre des opportunités en accord avec leurs goûts ou leur vocation.
Troisièmement, un revenu de base permet de s’affranchir du phénomène de la dépendance. Les programmes d’allocation conditionnelle fonctionnent de la manière suivante : si le revenu de la personne est inférieur à un certain niveau, elle a droit à un supplément de revenu. Quand elle trouve un emploi, elle perd l’allocation ou en perd une partie. En conséquence, elle peut décider de ne pas accepter cet emploi et tombe dans la trappe à chômage, dans la trappe à pauvreté. Avec un Revenu citoyen de base, cette personne aura plus d’options d’emploi.
Une des objections les plus fréquentes contre le Revenu de base est que cela stimulerait la paresse. La Constitution brésilienne et les lois de ce pays, tout comme celles de nombreux autres pays, garantissent le droit à la propriété privée. Cela signifie que les propriétaires d’usines, de fermes, d’hôtels, de restaurants, de banques, de biens immobiliers et d’obligations ont le droit de percevoir des revenus de capital, c’est-à-dire des bénéfices, des loyers et des intérêts. Est-ce que les lois du Brésil ou de la plupart des autres pays précisent que, pour percevoir ces revenus, les détenteurs de capitaux doivent prouver qu’ils ont travaillé ? Non, et pourtant ils travaillent le plus souvent et nombre de ceux-ci consacrent une bonne partie de leur temps à du travail bénévole. Doivent-ils prouver que leurs enfants vont à l’école ? Non. Mais leurs enfants fréquentent en général les meilleures écoles.
Alors, si nous garantissons à ceux qui ont le plus de ressources le droit de percevoir leurs revenus sans conditions, pourquoi ne pas étendre à tous, riches ou pauvres, le droit de bénéficier de la prospérité de la nation, tout comme on a le droit d’être Brésilien ? Si nous voulons éliminer la pauvreté absolue, devenir une société plus équitable et plus juste tout en garantissant à chacun de la dignité et une réelle liberté, l’instauration du Revenu citoyen universel est une solution aussi simple que sortir de chez soi par la porte.
Il y a un aspect important : l’effet que produit l’introduction du Revenu citoyen de base sur la compétitivité de l’économie par rapport à la situation d’autres pays. Quand je suis au Brésil, j’ai l’habitude de rappeler que les pays développés font usage de programmes de transfert de revenus tels que le Earned Income Tax Credit ou le Family Tax Credit, aux États-Unis et au Royaume-Uni, qui rendent leurs économies plus compétitives que celles des autres pays qui n’y ont pas recours. Nous devrions donc, dans les pays en développement, avoir des programmes semblables ou même meilleurs. Et le Revenu de base inconditionnel est un meilleur instrument que l’EITC ou le FTC. En voulez-vous une preuve ? Le fait que l’Alaska, après 29 années d’utilisation d’un dividende du même montant versé à tous les habitants, soit devenu le plus égalitaire des 50 États des États-Unis sans freiner sa croissance économique en est une très bonne preuve. Le coefficient de Gini des États-Unis était 0.47, le plus élevé du pays étant celui du District of Columbia, 0.533. Le coefficient de l’Alaska est 0.40.
Enfin, chacun de nous peut aisément comprendre que nous avons tous le droit de bénéficier de la prospérité de la nation, de manière égale, au moins en partie, par le biais d’un Revenu de base inconditionnel.
Traduire danslesfaits,au Brésil,le Revenu de base inconditionnel,
Au Brésil, nous avons considéré que l’institution du Revenu citoyen de base est en cohérence avec les valeurs défendues par les amérindiens, par les communautés marronnes en lutte, par ceux qui ont lutté pour l’abolition de l’esclavage et par tous ces chercheurs et scientifiques qui luttent pour créer une nation juste.
Tout comme le premier revenu minimum, associé à la scolarisation, a démarré localement à Campinas et au District fédéral, on peut faire démarrer le Revenu de base inconditionnel dans des communautés ou des communes.
Voyez l’exemple que nous fournit Recivitas–Institut pour la Revitalisation de la Citoyenneté, une organisation fondée par une bibliothèque et une garderie gratuites à Vila de Paranapiacaba, village de 1.200 habitants situé dans la commune de Santo André, État de São Paulo, en pleine Serra do Mar. Recivitasa récemment proposé l’instauration d’un Revenu de base inconditionnel pour le village. Mais la présidente de l’organisation, Bruna Augusto Pereira, et son coordinateur, Marcus Branglione dos Santos, attendent que le maire de Santo André fasse le nécessaire pour commencer ce projet. En attendant, ils ont démarré une expérience pionnière dans un autre village, Quatinga Velha, où ils versent 30 réaux par mois – environ 18 dollars U.S. – à 83 personnes depuis le début de 2009. Ceci est rendu possible par les contributions bénévoles de plusieurs citoyens.
Une autre expérience encourageante s’amorçe à Santo Antonio do Pinhal, commune de 6.560 habitants située à 177 km de São Paulo, dans la Serra da Mantiqueira. Le 29 octobre 2009, les 9 conseillers municipaux y ont approuvé un projet de Loi municipale sur le revenu minimum déposé par le maire José Augusto de Guarnieri Pereira, du Parti des Travailleurs – PT. C’est la première des 5.565 communes brésiliennes à adopter une loi instaurant le Revenu citoyen de base. L’article premier de cette loi déclare :
« Afin de faire de Santo Antoniodo Pinhal une municipalité qui harmonise un développement social et économique durable et l’application de principes de justicese traduisant par la pratique de la solidarité entre tous ses habitants, leRevenu citoyen de base de Santo Antonio do Pinhal est institué; ce Revenu citoyen de base donne à tous les habitants enregistrés dans la commune ou y habitant depuis au moins 5 ans le droit de percevoir une allocation monétaire, indépendamment de leur situation sociale et économique.»
Exactement comme dans la loi fédérale, il est établi que ce Revenu citoyen de base sera versé graduellement, en donnant priorité aux secteurs les plus défavorisés de la population. Et, pour faire face au coût de ce Revenu, un fonds municipal sera créé.
Toutefois, pour viabiliser le Revenu citoyen de base sur tout le territoire brésilien, il faudrait réunir une grande somme de ressources. S’il veut réaliser ne serait- ce qu’une modeste amélioration par rapport à la Bourse familiale, le Brésil devra commencer par une allocation d’un montant au moins supérieur à celui qui est versé dans le cadre de cette bourse, soit 120 réaux par famille, ce qui représente environ 40 réaux par personne dans une famille de 3 membres. Donc, si nous envisageons une allocation de 40 réaux par personne, cela donnerait 240 réaux par mois pour une famille de 6 personnes, soit un montant annuel de 480 réaux par personne. Comme la
population brésilienne a atteint 191 millions de personnes en 2001, il nous faudrait 91,680 milliards de réaux, soit près de 2,71 % de notre Produit National Brut de 3.388 milliards de réaux, ou 2.287 milliards de dollars U.S., environ 6,7 fois le budget de la Bourse familiale, qui est de 13,6 milliards de réaux par an. Ce serait un saut considérable.
En fait, en raison des mesures récemment annoncées, le montant de départ du Revenu citoyen de base devrait être d’au moins 70 réaux par mois, soit 840 réaux par an pour 191 millions de Brésiliens, ce qui se monte à 16 milliards de réaux.
40 réaux ou 20 dollars, ou même 70 réaux ou 35 dollars par mois sont des sommes modestes mais, avec le temps, grâce aux progrès du pays et à l’approbation croissante de la population, le Revenu citoyen de base pourrait atteindre 100 réaux, puis
1.000 réaux et ainsi de suite. Une manière de rendre ceci possible serait de créer un Fonds citoyen du Brésil, conformément au Projet de Loi 82/1999 que j’ai déposé au Sénat. Il a été adopté à l’unanimité au Sénat et est maintenant examiné par la Chambre des Députés, dont la Commission de la famille et de la sécurité sociale l’a approuvé. Ce fonds serait constitué par 50% des ressources dégagées par les autorisations ou concessions d’exploitation des ressources naturelles, 50% des revenus provenant de la location des biens immobiliers appartenant au gouvernement fédéral et 50% des revenus provenant de la concession de services, de travaux publics et d’autres ressources. Le produit des investissements réalisés par le Fonds serait, à l’instar de ce que fait le Fonds permanent de l’Alaska, utilisé pour financer les allocations versées aux personnes résidant au Brésil.
La législation relative au Fonds citoyen du Brésil doit maintenant être approuvée par la Commission des finances et de la fiscalité de la Chambre des Députés. Un nouveau rapporteur a été désigné, le Député Cláudio Puty, représentant de l’État du Pará, du Parti des Travailleurs. Il sera en mesure de présenter un rapport favorable dès que l’Exécutif aura donné le feu vert. Tout ceci n’est pas si facile, bien que je dise toujours que je suis ouvert à toute suggestion visant à améliorer la faisabilité de ma proposition, par exemple, en réduisant les proportions y figurant. Il faut tenir compte du fait que le Congrès a approuvé, en 2010, l’initiative du Président Lula qui régule les revenus du pétrole du pré-sel détecté dans l’Océan Atlantique. Cette législation a pour objectifs principaux l’éradication de la pauvreté, l’expansion de l’offre de scolarisation, le progrès scientifique et technologique et l’amélioration des activités environnementales et culturelles. Mais une bataille fait rage entre les députés des unités de la fédération, 26 États et un District fédéral, pour savoir comment distribuer les ressources dégagées par l’exploitation du pétrole du pré-sel. La manière dont ces revenus seront distribués est l’objet d’une nouvelle législation, qui sera adoptée au second semestre 2012.
Une autre initiative pleine d’avenir nous est signalée par le Professeur Philippe Van Parijs, qui attire notre attention sur l’excellent ouvrage d’Edward Glaeser, « The Triumph of the City», publié chez Penguin em 2011, où nous lisons à la page 221 :
«Un environnementalisme intelligent doit comprendre des incitations(...) Nous pouvons adopter, dans le monde entier, un impôt global sur les émissions frappant les gens à raison de leurs émissions de carbone(...) Ceux qui sont opposés à un gros gouvernement craignent–c’est compréhensible–devoir ce genre de politique se transformer en une source supplémentaire de revenus pour le gouvernement ; mais ces
craintes peuvent être réduites par un engagement public à réduire les impôts payés par les citoyens, comme un dividende d’énergie, tout comme l’État de l’Alaska verse à tous ses citoyens un dividende annuel sur l’ensemble de ses revenus.»
Au moment où de plus en plus de gens comprennent comment un Revenu citoyen de base peut contribuer à la construction d’un Brésil plus juste et plus civilisé, de plus en plus de voix s’élèveront pour dire au Président de la République, aux gouverneurs et aux maires : « C’est une bonne proposition. Mettons-la en pratique tout de suite!»
En conclusion: quellessont lesperspectivesimmédiates?
Pendant le IV Congrès national du Parti des Travailleurs, tenu à Brasília du 19 au 21 août 2010, les 1.350 délégués ont décidé à l’unanimité d’insérer les paragraphes qui suivent dans le programme national de Dilma Rousseff, qui avait été acclamée à l’unanimité comme candidate à la Présidence de la République :
«La grandetransformation:
Une croissance accélérée, la lutte contre les inégalités raciales, sociales et régionales et la promotion d’un développement durable formeront l’axe de la structure du développement économique.
19)L’expansion et le renforcement de la consommation populaire de biens, qui produisent un fort impact positif sur le système du secteur productif, seront obtenus par :
a)...
- Une amélioration permanente des programmes de transfert tels que la Bourse familiale, pour éradiquer la faim et la pauvreté et faciliter l’accès de la population à l’emploi, à l’éducation, à la santé et à de meilleurs revenus;
- Une transition du Programme de Bourse familiale au Revenu citoyen de base, inconditionnel, en tant que droit de chaque personne à bénéficier de la prospérité de la nation,comme il est établi par la Loi nº10.835/2004, initiative du Parti des Travailleurs, adoptée à l’unanimité au Congrès national et sanctionnée le 8 janvier 2004 par lePrésident Luiz Inácio Lula da Silva.»
Il conviendrait que le programme de Bourse familiale et les programmes sociaux d’État soient unifiés, puisqu’ils sont presque semblables. Ils pourraient voir grandir le montant de leurs allocations et s’élargir le nombre de leurs bénéficiaires, en une progression vers le Revenu citoyen de base.
Ce sera un défi formidable, pour une institution financière née il y a 150 ans, comme la Caixa Econômica Federal, la Caissed’Épargnefédérale, que d’administrer ce droit inconditionnel pour 191 millions de Brésiliens, et même plus à l’avenir. Mais, pour une institution qui s’est montrée capable d’augmenter le nombre de familles bénéficiaires du programme de Bourse familiale de 3,5 millions en décembre 2003 à 13 millions en décembre 2011, ce qui correspond à quelque 50 millions de personnes, et de manière si efficace, administrer le Revenu citoyen de base pour tous les Brésiliens est un objectif qui peut être atteint. J’ai bien l’intention d’aider la Présidente
Dilma Rousseff et ses ministres à réaliser toutes les étapes nécessaires à l’instauration du Revenu citoyen de base, au plus tard en 2014.
(Finde malecture auNOPOOR-Project.Monexposé oral sera de 20 minutes, comme demandéparl’organisation.L’essai suivantn’estqu’uneinformationpluscomplète surlesoriginesde lapropositionde Revenude baseet surledéveloppement decelle-ci,ycomprisdansleMonde Arabeet l’Afrique,enparticulierenIraketenNamibie.)
BIBLIOGRAPHIE
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