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Billet de blog 25 août 2024

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Mais qu’est-ce donc qui est extrême ?

Au moment où le Nouveau parti populaire (NFP) s’apprête à gouverner et que les oppositions semblent mettre leur véto pour cause d’extrême gauche de La France insoumise (LFI), mais qu’est-ce donc qui est extrême ? Les extrêmes sont-ils là où l’on pense ?

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Sans vouloir entrer dans les débats historiques entre gauche, extrême gauche et ultragauche, faisons simple ! La gauche veut intervenir dans la régulation d’une économie capitaliste, en particulier par l’instrument des impôts. L’extrême gauche vise, elle, une prise de pouvoir pour changer d’économie. Passer d’une économie capitaliste à une « appropriation des moyens de production », autrement dit, nationaliser les entreprises. L’ultragauche a plus ou moins la même volonté, à la différence près qu’elle souhaite prendre le pouvoir par la lutte et non plus seulement par les urnes, la démocratie représentative étant considérée comme un « instrument du capital ».

En résumé : la gauche, juste une régulation de l’économie par l’impôt ; l’extrême gauche, la nationalisation généralisée ; l’ultragauche, le changement de régime institutionnel par la révolution.

Rappelons qu’en 1981, le programme de la gauche comprenait les nationalisations. On connait la suite : le « ni nationalisation, ni privatisation » en 1988, avant de connaitre une flopée de privatisation par la suite. Si nous voulions qualifier le programme du NFP et même celui de LFI d’extrême gauche, il faudrait reprendre les manuels d’histoire et indiquer qu’en 1981, l’extrême gauche a pris le pouvoir en France. Et ne disons rien de la Révolution française qui fonde notre démocratie et qui devrait être qualifiée aujourd’hui d’ultragauche !

Et que dirions-nous alors de pays comme la Russie, bien sûr, mais aussi la Chine ? La Chine serait un régime d’ultragauche, et pourtant, au moment où la France privatisait ses entreprises, celles-ci allaient s’installer… en Chine ! Il semblerait, au fond, que l’entreprise privée ait fort apprécié travailler avec l’ultragauche pour sa productivité et avoir son siège dans les pays capitalistes pour payer ses impôts. L’ultragauche, c’est pour les pauvres, et le capitalisme, pour les riches !

Alors la gauche là-dedans ? Elle veut juste rééquilibrer les choses. Garder le capitalisme qui permet l’enrichissement, mais réguler pour que la richesse soit répartie plus équitablement. Alors si on appelle « extrême » une répartition plus juste des richesses, les États-Unis ont été d’extrême gauche, mais aussi l’Angleterre et bien d’autres pays dits « riches » lorsque ces pays ont taxé les richesses à plus de 50 % pour la relance de la consommation. Parce qu’au moment de préserver les richesses, qui fait le travail ? Que serait l’histoire sans ses soldats ? Que seraient nos marchandises sans les employés ? Que seraient nos administrations sans nos fonctionnaires ? Que serait notre tranquillité sans nos policiers ? Que seraient nos communications, l’eau potable, l’électricité, les livraisons, nos fruits et légumes, notre hygiène dans les rues, nos poubelles, sans les « petites mains » ? Que serait la richesse sans nous tous qui l’entretenons, lui permettons de grandir ? 

Si l’on prend n’importe quel chef d’entreprise des très grandes entreprises, combien faut-il de « petites mains » pour qu’ils arrivent à mener la vie qu’il mène ? Qu’il soit riche, certes ! Mais s’il devait par sa seule richesse mener la vie qu’il mène, il en serait bien incapable. L’argent en lui-même ne fait rien concrètement. L’argent ne conduit pas sa voiture ni son jet, ne coud pas ses costumes, ne fait pas la cuisine, etc. C’est chacun dans son « coin » qui permet que les choses fonctionnent, parce que c’est chacun dans son « coin » qui fait que le monde fonctionne. Pas très bien en ce moment, certes et les choses semblent aller en s’empirant. Mais la faute à qui ? Pourquoi en avons-nous ras le bol ? Pourquoi avons-nous peur ? Parce que l’injustice devient patente, flagrante et nous met au bord de la révolte ! Une « comparution immédiate » pour le voleur de poules ou le petit dealer, mais des années de procédures pénales pour qui détient un peu de pouvoir et de capital. Une absence de « flics » au bas de mon immeuble, mais une flopée de gardes du corps, de gendarmes et de policiers pour protéger qui détient un peu de pouvoir et de capital. Mieux répartir les richesses, c’est simplement mieux répartir les droits, les moyens, la considération, le respect, et pas seulement l’argent.

Alors, répartir un peu plus justement les richesses, cela ne veut pas dire que les riches ne seront plus riches, mais juste qu’ils seront peut-être un peu moins riches et les pauvres juste un peu moins pauvres. Mais il semblerait que cet « extrême » là soit presque plus insupportable que l’autre extrême. Peut-être tout simplement parce que la gauche est plus insupportable que la droite, non ? La droite, même à l’extrême, c’est quand même toujours conserver l’idée qu’il y a des personnes qui valent plus que d’autres. Elles valent plus d’argent, plus de propriété, plus de respects, plus de droits, etc. « Le monde se divise en deux: ceux qui ont un pistolet chargé et ceux qui creusent » disait Blondin dans le film Le bon, la brute et le truand (Sergio Leone, 1966). Mais cette division, une de plus parmi les divisions du travail, les divisions sociales, les divisions familiales, les divisions sexuelles, les divisions religieuses, etc., ne peut que conduire à diviser ceux qui valent et ceux qui ne valent pas. Sans nuance et jusqu’à l’excès : ceux qui valent doivent avoir tout, ceux qui ne valent rien ne doivent rien avoir. 

Alors entre cet extrême du tout ou rien et l’autre extrême du tout pareil pour tout le monde, il y a, entre les deux, toutes les nuances des différentes teintes politiques, des différentes façons de réguler, de bouleverser ou de renverser l’ordre des choses. Et il n’est pas impossible de penser que ceux qui veulent que les choses ne changent pas pour conserver leur profit soient ceux qui mènent les autres à devenir de plus en plus extrêmes.

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