Tedx Talk Tania Gombert : notre point de départ ne détermine pas notre point d'arrivée
Vous est-il déjà arrivé d’être embarrassé par une question anodine ? Celle que l’on pose à tout le monde, l’air de rien, juste pour faire connaissance…
- Etes-vous mariés ?
- Avez-vous des enfants ?
- Quel âge avez-vous ?
- Vous faites quoi dans la vie ?
Moi, il y en avait une qui m’était particulièrement difficile lorsque j’étais enfant. Une de ses questions anodines, à laquelle tout le monde répondait facilement ….mais pas moi.
Combien as-tu de frères et sœurs ?
Simple non comme question ? Oui, mais pas pour moi…
J’ai longtemps répondu 5. Je l’écrivais aussi sur mes fiches de rentrée scolaire, mais le problème c’est que d’un professeur à un autre, d’une année sur l’autre ce n’étaient pas les mêmes réponses, pas les mêmes noms, et parfois pas le même nombre…Vous vous demandez sans doute : Pourquoi avais-je besoin mentir sur une question aussi banale ? POURQUOI ?
C’est assez simple : j’avais honte. HONTE de dire que j’ai en réalité 23 frères et sœurs. Oui vous avez bien entendu 23. Et si jamais je me risquais à le révéler, un tas de questions s’en suivaient…
« Ils sont tous de la même mère ? » => non
« Vous avez tous vécu ensemble ? » => non plus
« Combien de frères et combien de sœurs ? » => je n’ai pas compté mais je m’y penche
« votre père est polygame ? » (Non pas officiellement)….
Bref une foultitude de questions embarrassantes et je devenais cette bête de foire, cette « out of the box »… J’étais si honteuse. Moi cette out of the box si honteuse, tellement humiliée qui voulais juste disparaître au fond de mon lit
Ayant grandi en France, je reconnais que c’est hors norme. Jusqu’au jour où j’ai réalisé que c’était une force. Ce qui pour les autres était une question banale traitée en à peine 2 secondes, était pour moi une aubaine pour faire de cette question anodine, simplement posée sur la forme, une réelle argumentation sur mon originalité, ma culture… Cela m’a même permis d’occuper le terrain lors de certains oraux de concours et d'éviter de traiter les sujets complexes. C’est comme ça que je suis née quelque part !
On choisit pas ses parents, on choisit pas sa famille
On choisit pas non plus les trottoirs de Manille
De Paris ou d'Alger pour apprendre à marcher
Être né quelquepart
Être né quelque part, pour celui qui est né
C'est toujours un hasard
Un hasard
Pour autant est ce que cela va m’empêcher d’arriver là où je veux aller ?
Durant ces quelques minutes je vais vous distribuer les cartes de ce que je crois être les bonnes pour déjouer les pronostics de sa destinée, pour devenir ce que nous voulons être indépendamment de là où nous sommes nés.
A n’en pas douter, j’ai eu de la chance dans mon parcours. La chance des succès inattendus et des rendez-vous hasardeux…
Mais cette chance, ces belles rencontres n’était-ce qu’une question de chance ?
Non : J’ai travaillé d’arrache-pied !
Il n’y a, je crois, pas de secrets à la réussite si ce n’est le travail, l’audace et la ténacité.
Vous êtes issu d’une minorité, quelle qu’elle soit ? Vous venez d’un milieu défavorisé ? Vous êtes une femme comme moi ? Vous êtes vu comme un fils ou une fille à papa ? Vous vous sentez out of the box ? ou vous êtes simplement vous ? Juste vous !
La recette est la même. Il vous faudra sans doute parfois doubler les doses. Et je sais de quoi je parle…Rien ne me prédisposait à la vie que je mène aujourd’hui.
Je m’appelle Tania Gombert. J’ai quarante-deux ans. Je suis cadre dans le secteur des assurances. J’ai, dès l’âge de trente ans, intégré les instances de directions. Je suis la maman des deux plus belles et intelligentes petites filles du monde - en toute objectivité. Je suis avec un homme merveilleux épanouie dans un couple, au sein duquel je cultive allègrement mon incompétence ménagère…
Mais ça n’a pas toujours été ainsi
Malgré mon éveil brutal sur l’inégalité des chances je ne crois pas au déterminisme, je crois en la détermination. Non tout n’est pas joué, tout n’est pas déterminé dès sa naissance, de par sa filiation, son lieu de naissance, ses gènes ou ses croyances. Croire en cela c’est croire au fatalisme du déterminisme
Selon vous, quelle est la destinée, d’une petite fille née à Madagascar d’une mère seule jeune sans un sou ? Naitre à Madagascar c’est naitre dans l’un pays des pays les plus pauvres du monde, tristement connue pour le tourisme sexuel, la prostitution des jeunes femmes…
Alors je vous le redemande quelle était ma destinée ?
Je veux dire aux jeunes et aux moins jeunes, je veux dire à tous, je veux vous dire à vous qui, un jour, avez entendu un « tu n’y arriveras pas » ou un « ça n’est pas ta place » :
Personne ne va te la donner ta place alors prends la ! Cette place tu la veux, tu y visualises ton épanouissement, alors prends la ! Enfonce les portes ! Contredis les mauvaises langues ! Ose hausser la voix ! Ose faire entendre qui tu es, ta culture, tes différences ta singularité !
Et c’est cette attitude combative qui vient jouer un mauvais tour au fatalisme du déterminisme : LA DE-TER-MI-NA-TION…
Vous me direz c’est bien beau : la détermination s’est moquée du déterminisme, et so what ?
Mettons cartes sur table
Voici ce que j’ai appliqué et que j’aurais aimé qu’on me dise : "apprend tout d’abord à t’aimer"
Oui j’ai dû tout d’abord jouer la carte amour de soi et c’est fort utile. J’ai appris à m’aimer, à apprécier mes valeurs pour outrepasser toutes ces questions de valeurs. C’est loin d’être facile, peut-être plus facile pour certain que pour d’autres, mais il faut se répéter chaque jour le « JE M’AIME J’AI DE LA VALEUR » Jusqu’à en être convaincu !
Je me souviens m’être dit souvent, et ce pas dans un excès de narcissisme, « je m’aime pour toutes les personnes qu’il y a sur cette terre. »
J’avais 11 ans.
Je venais de subir des moqueries, du racisme, mais il était hors de question que je ne cède aux sirènes du « je laisse tomber, ils ont raison, je ne vaux rien » Ça ne m’atteint pas . Ça ne nous atteint pas, car nous nous nous répétons :
« JE M’AIME J’AI DE LA VALEUR JE M’AIME POUR TOUTES LES PERSONNES QU’IL Y A SUR CETTE TERRE »
Après tout, être différent n’équivaut pas à avoir PLUS ou MOINS de valeur !
Réfléchissons ensemble
Quel est l’antonyme de différent ? Est-ce égal ?
AH NON
C’est identique son antonyme. Rien à voir avec la valeur.
Souvent je reprends ma fille quand elle ne veut pas manger son assiette. Si elle me dit : « Maman, c’est pas bon », je la corrige en disant : « Ma chérie, ne dis pas que ce n’est pas bon, dis que tu n’aimes pas ». Pas vous ?
En gros, ne remet pas en cause la qualité nutritive des épinards, la valeur des épinards, juste parce que c’est différent du goût des pâtes et que tu n’aimes pas ce goût ! Cette comparaison exprime bien mon point de vue sur la différence.
Cette carte de la différence je vous propose de l’associer avec la carte de l’acceptation de soi. J’entends par là s’assumer. Je vous ai parlé de mes 23 frères et sœurs, pratiques pour éviter des sujets complexes en entretien de concours mais pas que. Aujourd’hui, derrière ma vie bien rangée de banlieusarde parisienne, je peux me la couler douce « vivons caché, vivons heureux » et postons sur Instagram de belles images…mais à quoi cela sert si ce n’est que de complexer ceux qui ne se retrouvent pas dans ces images d’Épinal. Alors que le simple fait de s’afficher tel qu’on est peut lever tellement de complexes et permettre à d’autres de reprendre confiance. Alors rencontrons nous !
Misons sur la carte rencontre de l’autre
J’ai eu la chance plus jeune de faire une très belle rencontre. J’ intervenais en Zone d’Éducation Prioritaire. J’étais étudiante. Une anonyme qui venait faire un peu de soutien scolaire et autres activités. Et j’ai croisé cette petite fille avec laquelle j’ai beaucoup échangé sur mon parcours et ce sans mon masque de l’étudiante parisienne d’école. Elle s’est pris d’affection et même d’admiration pour moi. Pourquoi ? Je n’étais pas Beyoncé. Parce qu’elle s’est reconnue en moi : une jeune femme, qui comme elle n’était pas née au bon endroit dans les meilleures conditions. Mais pour elle, j’avais su me frayer un chemin dans un monde qui lui paraissait si inaccessible. Si Tania est là, pourquoi pas moi ? Je vous en fais la confidence, elle m’a donné envie d’agir à mon échelle. Je vous dirais même qu’elle m’a éclairée, et permis d’admettre qu’on peut tous être des rôles modèles, et cela juste en étant soi-même, et en levant le voile sur son histoire.
Alors racontez-vous, racontez ce qui a jalonné votre parcours en toute authenticité et pas seulement le côté visible de l’iceberg. L’invisible mérite d’être découvert. Le tout peut être fort utile et inspirant pour d’autres.
D’ailleurs, voulez-vous savoir ce qui m’a inspiré ? Quelle a été ma carte inspiration ? Les feux de l’Amour, vous connaissez ? Quand j’étais enfant, je regardais cette série avec ma mère. Et je rêvais des brushing XXL, des tailleurs étroits des personnages féminins. Comment faire pour entrer dans ce monde quand on est moi - fille de couleur d’une classe sociale plus que modeste ? Toc toc la porte du club des élites laissez-moi entrer...Compliqué
Je savais que pour « réussir » pour m’en sortir dans la vie, pour avoir un « bon poste », pour ne plus manquer de rien et pouvoir subvenir à mes besoins, il fallait que je comprenne comment ça marche… Pour accéder à cette porte il fallait que je prenne l’ascenseur sociale. Et vous savez quoi : cet ascenseur est accessible par l’éducation, l’école, les études…Alors j’ai redoublé d’efforts pour me donner les moyens d’apprendre à parler le langage des « grands hommes », ou du moins tenter de les imiter. Et je crois bien avoir réussi ! J’ai grimpé cette interminable échelle : bac scientifique, prépa, grande école de commerce, gros contrats, brushing et tailleurs étroits…
Mais comment ai-je compris tout ça, dès le plus jeune âge ?
Une fois que j’ai visualisé là où je voulais être, j’ai tout simplement demandé mon chemin. Il ne faut pas avoir peur de demander, être curieux. Il n’y a pas de mauvaises questions. Il n’y a pas de honte à poser des questions. Alors jouons la notre carte de la curiosité. Ça me fait penser à une anecdote perso, ou plutôt pro. Je me souviens un jour avoir travaillé sur une présentation importante, faute de temps, je n’avais pas pu revérifier mes sources. J’avais tout simplement inscrit source « BAO ». A la fin de ma présentation, grand silence. Pas de questions. J’insiste. et une personne osa me demander « que signifie BAO ?» Gênée, je lui réponds timidement Bouche A Oreilles et expliqua la situation….Toute l’assemblée avait sa réponse, et n’avait plus besoin de faire semblant de connaitre le nom de ce grand organisme de conseil BAO que j’avais inventé de toute pièce…
Nous sommes tous sortis plus éclairés et moi moins embarrassée… merci d’avoir osé poser la question cher collègue. Venons-en à la carte chance, vous savez, celle du monopoly, jour de paie ou carte prison. Je vous propose, de faire comme au monopoly, et de considérer que la carte prison est une chance.
Intrigant non?
Je lisais un article qui m’a interpellé sur les réseaux sociaux. Il expliquait qu’il fallait remercier les personnes qui nous ont mis des bâtons dans les roues, vous ont blessés, n’ont pas cru en vous…Vraiment ? J’ai un doute là...mais quand je l’ai appliquée sur mon propre vécu force a été de constater qu’effectivement, elles constituent de belles rencontres
L’une de mes 1eres rencontres avec la discrimination fut ma maitresse de maternelle. Si elle m’écoute aujourd’hui, j’aimerais la remercier. Grâce à elle, grâce au fait qu’elle m’est mis à l’écart, j’ai été motivé à faire des études. A lui prouver, à me prouver que peu importe mon origine, peu importe ma naissance, peu importe ma classe sociale, je vais y arriver. Et je vais aller le plus loin possible dans mes études. Et c’est comme ça qu’à 5 ans, je me suis donnée comme objectif de poursuivre de longues études. Impensable à l’époque et je l’ai fait. Cette institutrice m’a challengé. Elle m’a donné le goût aux études…
Et vous quelle a été votre rencontre chance ? Prenons quelques secondes pour penser à elle et la remercier.
Apaisant non ?
En somme le monde est injuste et il est ainsi fait… et alors ?
Le groupe IAM chante « personne ne joue avec les mêmes cartes ». Je ne dis pas que les miennes étaient les pires. Je ne suis pas là pour vous exhiber le château que j’ai fait avec ces cartes, même si j’en suis fière. Je sais qu’il est aussi fragile que la vie peut l’être, que rien n’est acquis ; mais c’est aussi cette fragilité qui fait sa beauté. Pour moi il s’agit de vous montrer que vous avez toutes les cartes en main, aussi mauvaises qu’elles puissent vous paraître…L’essentiel est invisible pour les yeux, ouvrez-les un peu plus pour apercevoir votre essentiel personnel et trouver votre propre équilibre. Ne vous êtes-vous jamais demandé, quelles sont les cartes de votre voisin ? Tout semble lui réussir ? Mais connaissez-vous réellement ses cartes? A quel critère répond-il ? Auxquels ne correspond-il pas ? On s’en fait tout un monde. J'ai l’intime conviction que personne n’a le jeu parfait. Allez-y, je vous donne un défi, demain vous lui demandez de vous dévoiler son jeu de cartes. Et vous verrez qu’avec ses cartes, avec vos cartes, avec nos cartes nous avons tout en main pour construire notre propre château, celui dans lequel nous rêvons d’être.
Tu peux aussi être cette rencontre éclairante : ce raz-de-marée qui fait déborder des flots de bienveillance sur les vies, ces petits coups de pouce qui n'ont l’air de rien mais qui changent tout. C’est pourquoi je vous propose d’être à notre tour cette petite voix qui répétera sans cesse :
« Vas-y, fonces ! Aime-toi, sois fière de toi :
ta singularité est ta force et non ton fardeau
c’est OK de penser « out of the box »
c’est OK de te battre pour être qui tu veux être
c’est ok de te lever et de tout casser.
Tu as de la valeur, ne laisse personne te convaincre du contraire.»
Construits de tes cartes le plus solide des châteaux personnels, fais de ta vie une ode à la détermination, à l'audace, à la chance, aux rencontres, à l’authenticité, à l’assurance, à la pensée positive !
"Car après tout.... notre point de départ ne détermine pas notre point d'arrivée".