Lors d’un voyage à Orange le 25 septembre 1963 Charles de Gaulle prononce ces mots : « Mais de cela, le général de Gaulle ne s’est jamais beaucoup occupé. L’essentiel ... l’essentiel pour lui, ce n’est pas ce que peuvent penser le comité Gustave, le comité Théodule ou le comité Hippolyte, l’essentiel pour le Général de Gaulle, président de la République française, c’est ce qui est utile au peuple français, ce que sent, ce que veut le peuple français. […].
Si le contraste évident avec la pratique actuelle de la politique et de l’exercice du pouvoir de ces quelques phrases peut saisir, mon propos et ma colère citoyenne s’en détournent provisoirement par la grâce de modalités historiquement ponctuelles et insidieuses quoique récurrentes de la sphère politique et qui prennent racine dans ce discours : les Comités Théodule.
Le recours à ces « comités », commissions, outils et espaces formels d’apparence officielle, solennelle, sérieuse et collégiale n’est pas nouveau mais une forme de tolérance amusée vis-à-vis de cette pratique certes contestable et visant à évacuer un vrai problème, enjeu et sujet auxquels les politiciens n’arrivent pas à répondre reposait sur sa relative marginalité[1] et/ou un périmètre de nuisance relativement réduit[2] aussi bien sur le plan sociétal que des finances publiques.
Ces objets hybrides oscillant entre politique, expertise, technocratie et pseudo concertation sont devenus centraux voire un recours permanent dans la vacuité politique marconiste face à un besoin flagrant de masquer son impuissance, capacité et sans doute refus d’appréhender authentiquement des enjeux sociaux et sociétaux majeurs.
Alors que l’irruption de Macron se voulait procéder d’une volonté affirmée ostensiblement de rompre avec le vieil ordre politique figé sur la connivence, la corruption, le népotisme etc… nous devions voir ce « qu’on allait voir ».
Ce qui devait donc disparaître est désormais par la grâce de 6 ans de règne et de destruction plus présent que jamais et constitue l’ADN, le squelette même de toute l’action ou plutôt de l’agitation et de la juxtaposition des pantins du gouvernement.
Cela s’inscrit d’abord dans la farce originelle des grands débats faisant suite à la crise des gilets jaunes qui furent autant de comités théodule ad hoc et éclairs en quelque sorte.
Ils visaient à annihiler ou enrober la contestation tout en mettant en valeur la verve du Président finalisée n’oublions pas par une disparition inexpliquée des doléances émises en nombre par les citoyens encore naïfs...
Le narratif ainsi construit prend un autre virage quand se généralise le kit gouvernemental composé d’un numéro vert et quelques autres subterfuges du même acabit artefacts de la start-up nation comme une réponse pavlovienne à un enjeu politique pourtant sérieux.
L’exemple le plus flagrant et symptomatique de la praxis néo libérale à l’œuvre depuis quelques années incarné par le « conseil scientifique » en pleine crise sanitaire COVID illustre encore mieux cette idée de gadgétisation de l’action politique.
En assignant sous un vernis scientifique et expert, solennel et donc sérieux une valeur et caution à une instance fantoche qui dans sa gouvernance, composition et rôles comprenait intrinsèquement tous les ingrédients de la manipulation, instrumentalisation et dévaluation des outils et instances d’aides à la décision publiques, la vacuité de la vision et conception du pouvoir de cette caste avait nous l’espérions atteint son paroxysme.
Ces diverses coquilles vides qui n’ont d’autre visée qu’alimenter les nuages de fumée d’une médiocratie politique aussi exsangue que véhémente constituent les dispositifs phares le plus souvent de divers Plans et programmes censés définir « un cap », « une feuille de route » que l’intendance bureaucratique n’aura « plus qu’à » appliquer et faire respecter avec zèle et docilité…
C’est d’ailleurs ce que fait une immense majorité des personnels et agents publics des Ministères régaliens en particulier.
La création de fonds divers et variés dont l’objet apparent est toujours détourné de son objet initial à des fins politiciennes voire donne lieu à des fraudes et détournements avérées (Fonds Marianne récemment épinglé) énième vicissitude d’un régime superficiel et grivois comme le recours massif à la communication factice estampillé « grandes causes » de mandat sont d’autres dispositifs caractérisant cette théodulisation.
L’apogée de cet assèchement du débat politique et de l’implosion des garanties et prérogatives institutionnelles qui ne doivent plus que se résumer à l’allégeance sans risquer une menace ou un démantèlement touche au ridicule ce mardi 16 mai 2023, le ministre délégué chargé de la Ville et du Logement Olivier Klein a officiellement lancé l’Observatoire du sans-abrisme en présence de représentants d’élus, d’associations et des services de l’Etat.
Il est complété quasi concomitamment par la création d’un centre d’analyse et de lutte contre les violences faites aux élus dont j’ai hâte de voir la qualité de l’analyse et des productions sur un phénomène qui n’aurait rien à voir avec la manière de faire de la politique sans jamais chercher à s’extraire de l’électoralisme qui exacerbe le ressentiment généralisé.
Ce régime réduit les services publics en miettes autant qu’il émiette et atomise la vie publique en général mais le citoyen éclairé n’est pas dupe de cette élite en carton et ne subit pas passivement la violence sans fard, institutionnelle mais aussi réelle et physique euphémisée par les médias complices de l’imposture organisée.
Nous sommes nombreux à parier que durant ces 4 années à venir les multiples dégradations démocratiques vont se poursuivre en même temps que fleurirons d’autres comités Théodule censés canaliser voire siphonner la quintessence des enjeux sous-jacents mais bien trop complexes pour une brochette d’amateurs malhonnêtes.
Gonzague Islamophone