A l'heure où les reportages, les articles ou les témoignages sur le Covid-19 fleurissent dans les médias, on a l'impression que seuls existent les centres hospitalo-universitaires, leurs chefs de service médiatiques et les hôpitaux des grandes villes.
Une sorte de "France d'en-haut" sanitaire.
Mais il ne faut pas oublier la multitude de "petits hôpitaux" de province disséminés dans le territoire, qui n'ont pas l'honneur de la une des journaux télévisés ou de la presse écrite mais pour autant sont confrontés à cette terrible épidémie, ou tout au moins s'attendent à vivre durement l'arrivée de la vague dont on ne cesse de nous parler.
Cependant, nous, personnel médical et soignant, existons et pratiquons une médecine d'urgence de qualité et rendons un véritable service public même si notre rôle reste obscur, méconnu et mésestimé. Nous ne sommes pas des médecins urgentistes ou des personnels soignants de seconde zone. Nous oeuvrons juste en province.
Travaillant dans un hôpital périphérique du Sud Ouest, nous tenons à témoigner de la manière dont nous sommes incroyablement impréparés à cette crise à venir. Notre équipe médicale des urgences composée de nos médecins urgentistes, de nos infirmières, de nos aide-soignantes, de notre cadre hospitalière et de la cadre supérieure de santé, avons mis en place, une stratégie de prise en charge des malades suspectés de Covid-19 ; stratégie adaptée à nos moyens et nos locaux.
Cette stratégie a été développée par l’intégralité du service des urgences alors que la directrice de l’hôpital, le chef de pôle des urgences et le responsable du service de médecine étaient en vacances !
La mairie a été réactive et efficace en nous aidant à obtenir des matériels de chauffage, entre autres, mais force est de constater que jamais nous n’avons vu la direction au niveau des urgences que ce soit pour soutenir nos équipes ou vérifier l’état et l'opérabilité du dispositif de prise en charge des patients et de leurs familles.
Une partie de l’hôpital est « bunkérisée » dans les bureaux administratifs confinés ou un service de médecine où le port du masque par le personnel soignant est interdit, voire susceptible de blâme alors que toutes les informations scientifiques mettent en avant le rôle des masques lors même que dans le même temps, aux urgences, nous sommes terriblement en manque de masques et de matériel.
L’adaptation des locaux des urgences pour la mise en place d’une ligne de prise en charge des patients susceptibles d’être infectés a conduit à supprimer la salle d’attente si bien que les familles des patients, qu’ils soient infectés ou non, sont obligées d’attendre à l’extérieur de l’hôpital, dans leurs véhicules alors que le mercure avoisine voire passe sous le zéro. Quid pour les parents de malades mineurs qui ont accompagné leurs enfants avec les pompiers et n’ont pas de véhicule pour se protéger ? Nous avons demandé qu’une tente avec chauffage soit installée pour l’accueil de ces personnes. En vain.
Nous pouvons héberger quelques malades contaminés mais nous serons obligés de transférer les patients les plus critiques vers notre Centre Hospitalier Départemental ou le Centre Hospitalier Universitaire de Bordeaux.
La question reste : comment et où ferons-nous transférer nos patients critiques lorsque les lits de réanimation ou de soins intensifs disponibles auront été saturés par les patients venant du Grand-Est ou de la Région Ile de France ?
Alors que deviendront les patients de nos « petits hôpitaux » de campagne ?
Que deviendront nos personnels soignants épuisés par tant de fatigue et de dédain ?