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Billet de blog 24 novembre 2018

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La République des demi-habiles

Emmanuel "Moins d'un quart" Macron. Moins d'un quart, c'est le résultat de d'Emmanuel Macron au premier tour des élections présidentielles de 2017. Moins d'un quart, c'est aussi l'estimation de sa cote de popularité estimée ce mois-ci. Sans tomber dans le fétichisme sondagier, il nous faut procéder à quelques observations pour caractériser ce mouvement de colère.

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Moins-d'un-quart Ier au pays des gilets jaunes

Beaufs. Populistes. Fachos. Pollueurs. Les épithètes ne manquent pas et fusent d'un milieu militant dépassé par les événements qui ne sait s'il a affaire à des camarades ou à des ennemis. Lorsque les «conditions matérielles» chères aux marxistes pointent le bout de leur nez, le changement suit, sans . L'histoire ne se décrète pas ; elle se fait quoi qu'il arrive. On ne saurait pas davantage décréter l'effectivité de la gravitation universelle.

La violence sociale est pareille à un fluide incompressible. Les coups de béliers de l'entreprise néolibérale, lancée bien avant que Moins-d'un-quart ait la moindre pertinence, créent une violence qui s'exprimera nécessairement, d'une façon ou d'une autre. La violence, économique mais aussi symbolique ressurgira d'une forme ou d'une autre. Si la répression policière tente de contenir la violence de façon ponctuelle, elle ressurgira ailleurs et sous une forme encore plus délétère, puisque ses causes sont structurelles. On ne soigne pas une maladie de peau en tartinant la zone infectée de fond de teint.

Moins-d'un-quart est un technocrate. Moins-d'un-quart cite des aphorismes latins. Moins-d'un-quart se compare à Jupiter. Moins-d'un-quart se pense un intellectuel. Il n'en est rien. Pur produit d'une machine à chier du conformisme, Moins-d'un-quart est incapable de penser, nous le proclamons haut et fort. Costume vide, parvenu au terme de son cursus honorum, Moins-d'un-quart se pense habilité de plein droit à diriger (ou démanteler) l'État. Par une logique "méritocratique", c'est à dire profondément antidémocratique, Moins-d'un-quart pave le chemin pour le fascisme, qu'il soit capable d'en saisir les enjeux ou non, peu importe. Moins-d'un-quart n'a pas de sens de l'histoire, auquel cas il serait lucide sur sa propre nature : cache-sexe d'une doctrine économique mortifère, obsolète déjà dans les années 1980 lorsque Reagan et Thatcher en ont fait la doxa totalitaire, érigée sur les décombres de l'URSS, montrant à qui voudra bien le croire la défaite théorique du marxisme.

Face à lui, le mouvement des gilets jaunes est diamétralement opposé. Face au citadin urbain, bilingue, diplômé et hypermobile dans le capitalisme mondialisé, c'est le camp des laissés pour compte qui est systématiquement descendu en flèche. Ils n'ont pas fait d'études, ils ne s'expriment pas correctement, ils n'ont pas de culture militante. Ils votent peut-être même Front National, qui sait ? La révolution se ferait-elle exclusivement avec des militants éduqués et parfaitement déconstruits ? Probablement pas.

Le Front National et Moins-d'un-quart travaillent main dans la main. Ceci n'aura échappé à personne, la pantomime embarrassante du second tour, la rhétorique du "barrage républicain", le fétichisme du suffrage comme seule garantie de l'expression de volonté démocratique, tout ceci est prêt à voler en éclats. La république des demi-habiles a finalement atteint son point de rupture, sclérosée par l'opportunisme et la crétinisation de ses élites autoproclamées.

Les gens ordinaires ne sont pas idiots. Et l'inculture de masse est manufacturée. Moins-d'un-quart veut faire des économies sur l'éducation, sur la santé, signes clairs qu'au sommet de l'état règne un danger public. Inconscient ou complice, l'histoire nous le dira. En revanche, ce sont nos élites autoproclamées qui siègent fièrement au sommet de la pyramide de la connerie. Bouffies de leur orgueil, grands pontifes du culte du sacro-saint marché, formées à l'imbécilité managériale choisie, érigeant le manque de conviction et le nihilisme individualiste au rang de vertu cardinale, c'est un cancer de la pensée qui s'est emparé du pays. Parlementaires complaisants, cramponnés à leur mandat comme une bernacle à la coque d'un navire, experts de tout genre, éditorialistes, "philosophes" de complaisance, tous aujourd'hui s'emparent du mouvement. Ils oseront tout et c'est à ça qu'on les reconnaît, comme dit l'adage populaire. Déjà Mme Balkany, ne comprenant décidément rien à rien, s'empresse d'approuver la manifestation, visiblement peu au courant de sa position d'apparatchik de la république et de l'ignominie qu'elle représente.

Le rôle du FN et de la Russie est ambigu. Les flammes des Champs Élysées brûlent encore et Marine Le Pen exprime son soutien au gilets jaunes, abondamment relayée par RT. Le média russe s'empresse d'offrir une tribune à l'extrême-droite. Où est François Ruffin ? C'est à BFM qu'on le voit. N'oublions pas la doctrine géopolitique Russe, visant à encourager au maximum un Frexit désorganisé laissant le champ libre à ses prétentions stratégiques, exposées par Aleksandr Dugin.

Notre réponse doit être claire. Nous devons à tout prix sortir de l'ordre néolibéral. Donc de l'Union Européenne, quitte à refonder une entente des peuples, axée sur le partenariat des universités, la circulation des touristes, la collaboration des infrastructures hospitalières etc. Il nous faut changer de constitution pour récupérer notre souveraineté économique, sortir de l'austérité budgétaire, appliquer des taxes prohibitives sur les nombreuses tumeurs qui gangrènent notre destin commun qui jamais n'a paru aussi incertain.

Moins-d'un-quart premier et dernier du nom ne finira pas son mandat. Il n'appartient qu'à nous de nous saisir de notre devenir politique et canaliser une colère fondée et légitime dans un projet politique cohérent et rationnel.

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