Coulanges, le17 juillet
Ce soir j'ai le vin mauvais. En fait je n'ai pas bu, j'ai d'autant plus le vin mauvais. A la lecture du Monde (le journal qui ne reconnaît plus sa droite de sa gauche) j'apprends que la droite affirme avoir gagné "la bataille idéologique". Plus loin l'article parle de "bataille-clé des idées".
Dés l'abord cette affirmation repose sur une illusion, celle qui voudrait que cette bataille soit unique. Or elle est récurrente, historique, Je puis l'admettre pour vrai dans la séquence politique immédiate qui concerne ce second mandat consécutif de la droite mais non pour l'éternité ou seulement pour longtemps. l'article d'ailleurs note le paradoxe de cette affirmation alors que l'opinion publique est défavorable au pouvoir et le sanctionne dans les urnes.
Cette «victoire» est d'autant plus fragile que les frontières entre droite et gauche sont fluctuantes : il s'agit de la victoire d'une combinaison à droite. Dans la victoire le gagnant peut se perdre et les empires eux même ne sont jamais si fort qu'à l'instant qui précède leur déclin.
Je conçois que la bataille des idées soit un épisode clé dans la confrontation politique mais il y a une ironie à voir la droite qui longtemps a fait de l'économie son label de qualité, se gargariser de cette victoire la : " putain nous sommes enfin des intellectuels !" aurait pu crier Fillon. Longtemps la gauche a été associée à la lutte des idées conduisant a un refus des réalités et à une mauvaise gestion publique.
Aujourd'hui force est de constater que cette victoire intellectuelle de la droite sert de paravent à un véritable échec économique et politique. Les idées avec laquelle la droite gagnent sont en passe d'être battues en brèche par la vraie vie. Le fond idéologique reagano-tatcherien que la France tend à adopter avec retard est obsolète. Seuls nos intellectuels de droite peuvent ne pas voir qu'ils ont une guerre de retard. Ce qu'on a appelé le libéralisme ou le néo-libéralisme ou l'ultra-libéralisme apparaît de manière de plus en plus limpide pour ce qu'il est; une économie de prédation au service d'une nouvelle aristocratie sans foi ni loi, sans attache nationale. La dérégulation qui est d'abord celle du marché du travail, la dislocation des protections consenties pour combattre le risque "socialiste" conduit à un délitement des économies qui l'adopte, à un appauvrissement généralisé, à l'exception des déciles les plus fortunés, mais pour combien de temps ?
La contradiction entre cette idéologie là et celle du développement durable grandit, le besoin de régulation nouvelle aussi. La violence de la crise de civilisation vers laquelle nous courrons pourrait rendre nulle et non avenue la prétendue victoire idéologique.
Les fanfaronnades de la droite ne peuvent occulter ses échecs politiques qui s'accumulent.
"Travailler plus pou gagner plus" ? Que restera t-il de cette "renaissance" de l'effort individuelle s'il advient qu'il n'y a pas plus de travail a offrir dans une économie qui s'assoupit ? le président du pouvoir d'achat tend à devenir le président du pouvoir d'échouer.
L'Europe ? Le mini-traité tourne a la pantalonnade.
La défense des droits de l'homme ? La France chie dans son froc pour quelques d'accords commerciaux.
La réforme de la constitution ? Le conservatisme, le clientélisme ont réduit l'intention affirmée de dialogue et d'ouverture à sa cruelle vérité : il s'agissait simplement de permettre à guignol de faire son théâtre devant l'assemblée. Une misérable réforme pour des ambitions minuscules.
Les finances publiques ? En d'autre temps, on a entendu bêler admirablement des héraut vibrants. Plagiant Saint Exupéry («Nous n'héritons pas la terre de nos parents, nous l'empruntons à nos enfants ») ils dissertèrent sur la dette que nous laisserions en héritage a nos enfants qui était le signe de l'infamie. Ces orifices anatomiques, pardon ces intellectuels, non contents de réduire le lien inter générationnel et fusionnel de l'homme a son environnement à la minable cassette d'harpagon et ses mesquineries d'avare (je passe les approximations économiques du discours en question) ferment aujourd'hui les yeux et se taisent devant cet état qui se nourrit du déficit public. Leurs palabres n'étaient que discours de circonstances et ronflantes tirades de cabotins mal inspirés.
D'autres articles, au lendemain de la victoire des présidentielles, ont permis aux gagnants d'exposer leur méthode, plus que leurs idées. En simplifiant, on a pratiqué un assemblage d'idées pas nécessairement nouvelles, pas nécessairement de droite, testées par panel. De l'argent, des moyens, des techniciens brillants, de la cohérence, au moins tant qu'on reste dans la communication, mais quels intellectuels ?
Qui sont-ils ces intellectuels d'envergure qui on fait gagné la droite et que probablement le monde entier nous envie ?
Johnny Halliday (qui ne sait plus s'il est suisse, belge ou français) ? Philippe Bavard, Jean-Marie Bigeard ? Franz olivier gisbert ? Alain Minc ! Finkelcroute ? et j'en passe.
La France intellectuelle est devenue une médiocratie, savant mélange de médiocrité, de pouvoir médiatique et de suffisance. C'est la conséquence de nombreuses années de parades télévisuelles qui ont permis le développement d'une culture de salon où l'adresse à paraître et le carnet d'adresses comptent plus que la capacité créatrice. On a sacré visionnaires des boutiquiers de la page dont certains employaient des nègres pour écrire des livres à la mode, essayiste, des plagiaires. Ce n'est pas un privilège de droite hélas ! Mais c'est le produit d'une mainmise de droite, stérilisante, sur l'ensemble des médias et des pouvoirs intermédiaires. Nous avons des penseurs mondains comme il existe des danseurs mondains. Avec les chocolats de l'ambassadeur, c'est essentiel pour qu'une soirée soit réussie.
Elle est là, la victoire des idées de la droite, c'est simplement une conquête de tous les pouvoirs et pour finir une politique de terre brûlée en matière d'intelligence. S'il se créé encore quelque chose, il faut admettre le divorce entre le génie et la notoriété.
La droite a gagné la bataille des idées ? la France a gagné la bataille des idiots.