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Billet de blog 15 octobre 2023

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Proche Orient, souhaitons-nous l'embrasement?

Avec des indignations à géométrie variable de part et d’autre de l’échiquier politique, on peut se demander, au-delà des tactiques de récupération, s'il existe un réel souhait de comprendre ce qui se déroule sous nos yeux. Il paraît pourtant évident que la mesure et la compréhension sont indispensables pour aller vers la paix. A moins que nous ne désirions autre chose.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Les attaques terroristes du 7 octobre perpétrées par le Hamas ont fait 1200 victimes.

Sous le choc, l’extrême droite israélienne a réagi avec des mots difficilement qualifiables (« Nous combattons les animaux humains et nous agissons en conséquence », ministre israélien de la Défense) et a riposté en bombardant indistinctement terroristes et civils. Une semaine après la barbarie, les attaques israéliennes auraient fait 2200 victimes dans la bande de Gaza.

Le décompte macabre est permanent sur les plateaux de radio et télévision sans qu’il n’ait été entendu jusqu’à présent que le décalage se creuse entre le nombre des victimes respectives. Non seulement les morts à Gaza ne sont pas que des combattants, mais il semblerait que la vie d’un Israélien vaille plus que celle d’un Palestinien car personne ne s’offusque de ce décalage numérique.

Netanyahou sait ce qu’il fait. Plus il y aura de victimes palestiniennes, plus la haine et le désir de vengeance croîtront contre Israël, éloignant encore davantage la solution à 2 Etats.

Hormis Dominique de Villepin ( https://www.youtube.com/watch?v=CIqMHQdLa5Q ) qui s’est exprimé avec une hauteur de vue inégalée dans le flot de réactions indignées à géométrie variable, personne ne semble à même de mesurer que la haine répond à la haine et que les conséquences seront nombreuses un peu partout dans le monde.

Macron : un discours qui rassure ou qui attise ?

Après ces évènements et l’angoisse qu’elle suscite chez un certain nombre de citoyens sur la planète, dans un monde complètement hystérisé sur quel que sujet que ce soit, les Etats s’expriment avec force superlatifs.

Ils doivent très justement rassurer et protéger les populations d’obédience juive et certains ne se privent pas pour, en même temps, contenter des citoyens qui, de longue date, entretiennent du ressentiment envers les populations d’obédience musulmane.

En France, Emmanuel Macron a officiellement eu un discours qui se voulait rassembleur, appelant à rester unis.

Il a pourtant donné un blanc-seing au gouvernement israélien dans son souhait légitime de s’attaquer aux terroristes du Hamas, en appelant toutefois à faire en sorte que l’aide humanitaire puisse s’exercer en direction d’une population palestinienne déjà en train de se faire bombarder indistinctement des terroristes.

Le lendemain de ce discours, un professeur était assassiné dans un lycée à Arras sous le cri d’Allah Akbar.

Si l’on ne sait pour le moment si les motivations de ce terroriste ont un lien direct avec le conflit au Proche Orient, la concomitance entre ces évènements peut laisser penser à un facteur déclencheur d’un passage à l’acte délirant.

Depuis lors, la France a été placée en état d’alerte « urgence attentat ».

Combien de temps allons-nous continuer à vivre dans cet état d’hébétude ? Victimes d’une fatalité qui s’abattrait sur le monde et qui voudrait que nous n’ayons aucune alternative ?

Qui croit que le terrorisme se combat avec des plans vigipirate ? Une surveillance permanente de l’intégralité des citoyens français empêcherait-elle des passages à l’acte barbares ?

Mettrions-nous des caméras dans tous les lieux de culte, les écoles, les lieux publics, qu’il serait encore possible de tuer celui qui passe à l’aide d’une petite cuillère.

Irons-nous jusqu’à interdire le port et l’usage de n’importe quel objet contondant ?

Si l’on peut comprendre des nécessités d’user d’un discours et de mesures sécuritaires, leur inefficacité et leur absurdité sont patentes.

Dans ma petite ville de Quimper, j’observais hier avec compassion les policiers placés en faction devant la cathédrale. Qu’ils semblaient las…

Après leur avoir demandé d’encadrer durant des mois les nombreuses manifestations d’une contestation partagée par la majorité des Français (réforme du système des retraites), on leur demande maintenant d’être vus pour rassurer. Comment pourraient-ils empêcher des actes qui relèvent d’un panel de motivations irrépressibles, de la colère la plus saine à la folie la plus pure.

La tâche s’avère longue et ardue…

Considérerons-nous un jour qu’un terroriste ne nait pas du néant ?

On incrimine souvent un enfermement idéologique obscurantiste à l’origine des actes terroristes. Certainement à raison.

Un être humain peut être embrigadé, coupé de toute source d’informations contradictoires qui pourraient éveiller son esprit critique. L’histoire des différentes religions et dogmes nous l’a démontré et nous le démontre encore.

Une question extrêmement difficile et qui devrait occuper nos esprits est celle des moyens de contrecarrer cet obscurantisme.

Croire que la force est une solution relève de la folie. En appeler à la force est légitime en ce que cela répond à la peur, à la volonté d’être protégés, comme l’ont fait les Israéliens depuis des décennies.

Mais les faits sont là… Malgré une force militaire et policière exceptionnelle, malgré un système de sécurité puissant, malgré le « dôme de fer », malgré l’alliance aux plus grandes puissances mondiales, la violence du Hamas s’est déchaînée.

Négocier avec une organisation terroriste qui ne veut que votre destruction est certes impossible. Et d’autant plus lorsque vous êtes vous-mêmes désireux de cette guerre de destruction qui sert vos intérêts et votre idéologie.

Netanyahou aurait déclaré en 2019 : «Quiconque veut contrecarrer la création d’un Etat palestinien doit soutenir le renforcement du Hamas et transférer de l’argent au Hamas. Cela fait partie de notre stratégie.» (phrase controversée mais qui traduit fidèlement sa vision politique. Lire à ce sujet : https://www.liberation.fr/checknews/netanyahou-a-t-il-dit-que-transferer-de-largent-au-hamas-etait-la-bonne-strategie-pour-contrecarrer-la-creation-dun-etat-palestinien-20231011_F5AKUAMMNVENDLJ6WBXLFPJETE/ )

Heureusement, une partie de la société civile israélienne a pourtant compris depuis longtemps qu’il fallait en passer par d’autres voies. Et aujourd’hui encore, malgré les circonstances, certains manifestent en Israël pour la paix.

Dotés de raison et d’une conscience, rechercher la compréhension des motivations d’autrui paraît être le moins mauvais des moyens pour faire évoluer les positions.

Le fanatisme et l’extrémisme islamiste ou juif n’existent pas ex-nihilo. Ils ne tiennent pas leur force et ne voient pas grandir leurs effectifs de la seule volonté du Saint Esprit !

Les raisons sont nombreuses, historiques, dogmatiques, économiques. Evènements et quotidiens tragiques vécus par des individualités. A commencer par une occupation féroce, dominatrice et humiliante.

Nous trouverions l’ensemble des causes précises, dans une sorte d’équation magique impossible, que nous n’empêcherions pas intégralement les choix odieux que certains décident de faire, mais nous pourrions reconnaître à chacun qu’il suit une logique rationnelle – certes peut-être insoutenable, inadmissible, mais rationnelle.

Créer une dissonance, trouver une faille et instiller du doute dans le discours totalisant pour susciter complexité et réflexion est le chemin de la persuasion et de l’évolution mutuelle.

Une telle démarche n’est évidemment pas envisageable avec tous.

Face à nombre de fanatiques, qu'ils soient israéliens ou palestiniens, le dialogue est simplement voué à l’échec puisqu’on se trouve face à la folie, plus précisément face à des personnalités probablement psychotiques.

La seule alternative qui soit, sauf à les enfermer tous (ce qui est pragmatiquement impossible au vu du nombre de places en psychiatrie que cela réclamerait), est de faire avec, de contenir leur folie, de faire diversion.

Certainement pas de les attaquer frontalement, de les détruire pour finalement donner à des millions d’autres les motivations d’emprunter la même voie.

Au demeurant, les actes violents ne sont pas tous le fait de la folie.

La colonisation violente qui se poursuit au mépris total des innombrables condamnations de l'ONU ne peut évidemment pas susciter un désir de dialogue.

La haine est une impasse autant que la complaisance à son égard

La haine viscérale qui s’est renforcée chez certains Israéliens qui ont vu leurs proches perdre la vie ne peut être mise en question. La vue de nourrissons décapités, de vieux ligotés et brûlés vifs ne peut décemment pas appeler à une réaction doucereuse.

On ne questionnera pas davantage la haine qui va grandir encore chez des Palestiniens dont les voisins considèrent certains d’entre eux comme des animaux que l’on peut éradiquer sans sourciller après les avoir avilis durant si longtemps.

Il en est tout autrement des réactions des Etats Unis ou de la France notamment, qui apportent un soutien quasi inconditionnel à la riposte israélienne, agrémenté de quelques précautions sémantiques. Un tel positionnement semble pour le moins irresponsable.

Dans un monde civilisé, le droit international est la voie que se doit de suivre l’humanité en cas de guerre ou conflit.

Le fait que nous ne le réclamions pas avec plus de ferveur et que nous prenions parti, pour un camp plus que l’autre, est l’expression d’un choix et d’une instrumentalisation de la part des gouvernements les plus puissants et dominateurs.

Comment ne pas entendre le message implicite qui dit que les populations de culture arabo-musulmane valent moins que les autres ? Tuer 2200 Palestiniens en riposte au massacre de 1200 Israéliens n’est pas choquant. Qu’un Etat, contre le droit international, continue à annexer des territoires, qu’il fasse raser des maisons, assèche des sources, qu’il condamne ses voisins à la pauvreté, est mis sous le tapis et l’on reconnaît son droit à la riposte (certains seulement disposeraient de ce droit) dans une allocution télévisée dont on peut interroger les termes et les finalités.

Les Etats dits civilisés respectent le droit. Qu’un Etat victime – qui plus est de l’extrême droite la plus abjecte et suprémaciste – soit dépassé par les évènements et veuille une sanglante vengeance est compréhensible (pas excusable). Que l’Etat français exprime son soutien à une telle riposte est criminel.

Que des médias somment à longueur de temps citoyens et politiques de réagir selon ce qui serait une « bienséance » est écœurant. Le tout dans une hystérisation désormais habituelle et un sensationnalisme des images de chaos et de souffrance.

Rien ne peut excuser de tuer et de semer la terreur.

La majorité des intervenants politiques et de la population a condamné les actes terroristes barbares. Personne ne semble les avoir excusés (même si certains ont rechigné à employer certains mots).

Combien se sont essayés à les comprendre ?  

Nous ne gagnerons rien à nous épargner la réflexion. Au contraire, nous perdrons la possibilité de vivre en paix.

En refusant l’expression de la complexité et de la nuance, une partie du monde politique et médiatique légitime encore un peu plus ce qui va être entendu par une partie des populations de confession ou de culture musulmane d’ici ou d’ailleurs comme un rejet et un mépris.

Selon leurs conditions, une partie d’entre elles aura la sagesse et la hauteur suffisante pour encaisser et attendre des périodes plus clémentes. Une autre partie, lasse des humiliations, de la stigmatisation et du mépris, consciente des inégalités et de la pauvreté à laquelle elle est souvent assignée, ne restera pas insensible.

Depuis plusieurs jours, le monde est suspendu et attend une offensive israélienne dans la bande de Gaza. Avant même d’avoir commencé cette « incursion », Israël a fait plus de morts que les terroristes. Nous restons sans mot dire, espérant que les victimes de cette offensive et leurs alliés plus ou moins sincères comprendront notre silence.

Sommes-nous aveuglés ou appelons-nous de nos vœux à un embrasement mortifère ?

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