Passons rapidement sur le constat…
Les sociétés humaines ont régulièrement vécu des moments « historiques », des périodes qui leur faisaient craindre effondrement et désastres et au cours desquelles l’espoir et la joie manquaient.
Nous vivons aujourd’hui un de ces moments.
Il devient en effet de plus en plus difficile pour beaucoup de subvenir à ses besoins, nous avons des centaines de milliers de personnes à la rue, nos services publics résistent mais sont plus que fissurés et en souffrance, des dizaines de millions de personnes vont devoir quitter leur terre natale dans les 25 prochaines années et en réponse à l’anxiété montante, l’extrême droite se répand ici comme partout à travers le monde.
Fruits de la prédation du modèle dominant (capitaliste, productiviste, extractiviste), ces ravages s’originent dans la dogmatique absence de régulation qui aboutit au dépassement de l’ensemble des limites planétaires et donc attente au maintien de la vie humaine terrestre.
La gravité des enjeux ne semble pas discutable et si certains veulent encore se bercer d’illusions avec la foi dans le technosolutionnisme, qu’ils ne négligent pas que les premiers adeptes de ces inepties sont en train de se construire des bunkers de luxe.
La gauche française porte des valeurs et des projets qui sont de nature à répondre à ces enjeux. Aucun des partis qui la composent ne peut prétendre rassembler suffisamment d’électeurs à lui seul. C’est arithmétique et beaucoup de ses dirigeants ou militants en conviennent : nous ne l’emporterons que rassemblés.
Rassemblés derrière qui ?
Oui, voilà le point d’achoppement!
Certainement pas derrière Mélenchon disent les uns, tant son intempérance et certaines outrances leur font peur et effacent l’intelligence de nombre de ses propos.
Derrière une écologiste ? Après le refus d’une alliance aux européennes ? Jamais répondront beaucoup d’insoumis.
Un socialiste alors ? Quelques écologistes l’appelleraient de leurs vœux quand bien d’autres, rejoints par les insoumis, ne font aucune confiance à un parti qui a trahi tant de fois ses électeurs et ses idéaux.
Quant aux camarades communistes, leur dirigeant actuel a tant craché sur la NUPES et tiré la couverture à lui qu’il n’y a même pas besoin d’en parler davantage.
Clémentine Autain ou François Ruffin ? Tous deux semblent faire plus facilement consensus chez les Ecologistes et l’aile gauche du PS, mais c’est alors chez les Insoumis que s’expriment des réserves ! Ruffin aurait eu selon eux des propos équivoques sur la sociale démocratie et aurait divisé en se refusant à entrer dans la polémique sur la qualification ou non de terroriste s’agissant du Hamas.
Nous en sommes là !
Nuances, dissensions et guerres de motions, chez les Ecologistes – peut-être plus que dans les autres partis - nous connaissons ! Et pourtant, grâce au dialogue et à la confrontation, nous demeurons dans le même parti. Nous revendiquons la diversité et la complexité (c’est aussi notre talon d’Achille) et nous nous rejoignons sur des points communs essentiels.
Ne pouvons-nous faire de même avec l’ensemble des partis de gauche ? Ou souhaitons-nous continuer à perdre ?!
Ruffin déclarait récemment sur France Inter à peu près en ces termes : « La gauche ne doit pas avoir pour simple objectif de résister ni même d’exister mais de gagner. »
Nous préparer dès maintenant
Pour gagner, il faut être prêt à gouverner dès demain, avec les propositions concrètes les plus claires possible. C’est ce qui donne crédibilité au projet politique et confiance aux électeurs.
Nous n’y sommes pas complètement. Et nous ne pouvons attendre les guerres d’ego de nos dirigeants de partis mais élaborer un cadre programmatique et stratégique dès maintenant.
Evidemment nous ne sommes pas d’accord sur tout et c’est ce qui fonde nos appartenances diverses.
Certains visent une sorte de pureté idéologique et tout ce qui s’en éloigne mériterait le mépris.
Je propose que nous nous fassions une promesse, un serment ! Donnons-nous une échéance, à 10 ans, 15 ans, peu importe, au terme de laquelle, après avoir gagné massivement le pouvoir politique, nous pourrons nous donner tous les coups possibles, nous pourrons démonter les propositions politiques de nos partenaires politiques supposément moins purs idéologiquement.
En attendant, de grâce, faisons non seulement front commun – c’est facile – mais surtout travaillons ensemble à tous les échelons possibles à des projets politiques crédibles. Influençons nos instances et contraignons nos exécutifs nationaux à faire de même et à travailler plus encore à nos stratégies d’union.
Les élections européennes sont sur notre chemin
Le choix de la désunion a été fait (et je l’ai personnellement plusieurs fois déploré) pour des raisons pragmatiques et programmatiques.
D’une part l’alliance aurait découragé certains de « nos » électorats respectifs et l’ensemble de la gauche cumulerait davantage de députés européens séparément plutôt qu’en partant rassemblés.
Sachant qu’environ 95% des votes de nos différents députés se rejoignent au Parlement européen, plus ils seront nombreux, plus notre poids politique sera grand.
Nous verrons dans quelques mois si c’était une stratégie efficace…
D’autre part, les élections européennes sont des élections à la proportionnelle qui permettent à chacun de voter pour le parti dont il se sent le plus proche. Nos organisations politiques proposent des chemins divers sur plusieurs sujets et quand on dispose de la possibilité d’exprimer des préférences, il serait absurde de la limiter. Nous ferons donc campagne avec conviction, au plus proche de nos projets.
Mais il y a également dans cette élection une attente chez beaucoup: clarifier le poids respectif de chacun des partis de gauche. Le résultat – dont la valeur sera relative au contexte - pourrait démontrer que la force du score des Insoumis aux présidentielles et législatives résultait aussi pour partie d’un vote « utile » et pragmatique.
Ce constat permettrait de faciliter la refondation des périmètres et la structuration clarifiée d’une union que de nombreux électeurs de gauche appellent de leurs vœux.
Une union où chacun est entendu
Le leadership insoumis à l’Assemblée nationale est la conséquence logique d’un résultat électoral nettement supérieur. Malgré ce que les médias ont bien voulu abondamment relayer, à l’Assemblée, l’intergroupe NUPES a plutôt bien fonctionné.
En revanche, une certaine hégémonie de la France insoumise et de Jean-Luc Mélenchon dans l’expression politique à gauche depuis les dernières élections a largement contribué à empêcher la poursuite de la construction collective de la NUPES.
Malgré tout le respect que mérite l’intelligence de Jean-Luc Mélenchon et de nombre de ses analyses, sa virulence et son intransigeance ne sont plus de nature à rassembler.
De la même manière, certaines des prises de position critiquables de Jean-Luc Mélenchon ont été utilisées avec malhonnêteté par nombre de sympathisants, militants et dirigeants de gauche pour qui il ne s’agissait que de prétextes pour mettre un terme à une union qui desservait tantôt leur prétendue virginité idéologique, tantôt leurs desseins carriéristes.
Nous avons de nombreux points de convergence comme l'a démontré le programme de la NUPES. Le délai très court pour le construire et le contexte ont conduit à des choix contraints pour certains. Ces choix auraient pu être différents, plus nuancés et plus riches en d’autres circonstances.
Nous avons aujourd’hui ce temps pour travailler et convaincre. Les Jeunes de la NUPES y ont déjà contribué et nous devons compléter l’ouvrage.
Nous avons besoin non d’un parti unique, mais d’une organisation claire et efficace pour que les discussions et les prises de position publiques aient lieu dans le respect de la parole de chacun.
Le fascisme comme le capitalisme portent tous deux les mêmes charges mortifères et ils progressent. La situation nous oblige toutes et tous à nous unir et chaque fois que possible à rejoindre et rallier l’ensemble de la société civile, les autres organisations politiques de gauche, les syndicats, les associations et les citoyens engagés.