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Billet de blog 27 novembre 2022

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Face aux urgences, la NUPES ?

Alors que la COP 27 s’est achevée et que nous nous dirigeons vers une élévation des températures moyennes de 2,4 à 2,8°C à la fin du siècle, la panique devrait nous habiter et des révoltes éclater. Au lieu de cela, nous sommes engourdis et menons nos vies comme si du néant allait surgir une miraculeuse solution.

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Anesthésie générale

En France, guidé par l’idéologie néolibérale, le gouvernement est à la peine pour se hisser à hauteur des enjeux contemporains.

Les grandes fortunes ont vu leur patrimoine doubler en 5 ans (source Challenges) grâce à la relance post COVID mais aussi à de nombreux cadeaux fiscaux. Les entreprises sont soutenues sans distinction de taille, les services publics sont chaque jour abîmés un peu plus. L’hôpital va mal, le grand âge est oublié sitôt qu’une polémique est chassée par une autre, l’agriculture est malade, les espèces animales disparaissent, les budgets sont grevés par l’inflation tout autant que par les injustices sociales et une coupable impréparation en matière énergétique. Et bien entendu, aucun plan d’envergure n’est engagé pour limiter le dérèglement climatique puisqu’il est entendu qu’aucune politique de la droite productiviste au pouvoir ne peut être à la hauteur de ce défi.

Les gouvernants agissent de manière totalement irresponsable, même si leur communication donne à certains l’illusion du sérieux en manipulant les concepts. Emmanuel Macron parle par exemple de sobriété pour limiter les dépenses et passer l’hiver. On mesure la hauteur de vue.

Pas de réorientation de notre économie là où il est urgent de relocaliser et d’investir massivement dans le domaine énergétique. Pas de planification dans le domaine des transports, du bâtiment, de l’agriculture ou de l’hôpital. Un déni total de la biodiversité qui se meurt.

Les élections présidentielles et législatives ont eu lieu. Dédiabolisation de l’extrême droite puis rediabolisation, absence de débats de fond, invisibilisation des sujets les plus urgents tel le dépassement des limites planétaires, paillettes et buzz, la traditionnelle mascarade a produit les effets escomptés : on continue comme si de rien n’était.

La gauche et les écologistes n’ont pas été majoritaires aux législatives car beaucoup ont préféré soutenir des candidats qui les rassuraient en l’absence de programme clair.

Face à l’écoanxiété qui grandit ou à la crainte de ne pas finir le mois, une relative majorité des Français.es a préféré l’anesthésie. Beaucoup ne votent plus. Et beaucoup ont choisi, comme on le fait sur la carte d’un restaurant – ou plutôt d’un fast food en l’occurrence – ce qui leur semblait, sinon le plus séduisant, le moins inquiétant.

Le syndrôme « don’t look up »

Il semble que notre société soit telle une adolescente. Elle se divertit un maximum. Quand bien même elle a conscience qu’elle devrait écouter les conseils qui lui sont parfois adressés, elle n’a aucune envie d’être détournée de son mouvement pulsionnel.

Certes, elle est parfois ambivalente et envahie d’angoisses existentielles. Avec une sorte de malaise, elle peut pressentir qu’elle s’égare et s’éloigne de l’essentiel. Son lien à l’autre, l’attention à ce qui l’entoure, la beauté, l’amour, la transmission.

Mais cela semble plus fort qu’elle. Il faut qu’elle participe à la fête ! Il faut qu’elle en profite, elle aussi, même dans les excès. Elle est prise dans un désir confus, vital et mortifère à la fois.

Nous semblons en être là en ce début de 21ème siècle et, sans le vouloir, nous condamnons les conditions de vie de nos enfants et de tous leurs descendants.

Serait-ce si difficile de grandir ?

Il est certainement trop tôt dans notre société pour s’attaquer profondément aux racines du problème que peuvent être le rapport à l’argent et à la propriété, notamment des moyens de production, même s’il faut bien reconnaître que l’économie sociale et solidaire et les structures coopératives permettent d’entrevoir de très sérieuses alternatives.

D’ici quelques décennies ou siècles, si nous sommes parvenus à éviter de sombrer, nous pourrions tendre vers une société égalitaire et affranchie, par exemple, d’une outrancière transmission du capital qui maintient des rapports de pouvoir parfaitement inacceptables.

Mais pour l’heure, on nous le répète à l’envi, il y a des urgences que nous n’avons pas le droit d’ignorer.

Réguler au plus vite

L’une des priorités est la régulation. Mais cela ne peut pas reposer sur la simple prise de conscience individuelle et la bonne volonté.

Je connais nombre d’écologistes convaincus et engagés qui ont, comme tout un chacun, des comportements paradoxaux. Certains prennent l’avion ou leur voiture un peu plus qu’on l’imaginerait, d’autres sont dans l’excès de consommation numérique ou encore succombent aux charmes de la fast fashion en s’achetant des vêtements à la moindre occasion.

Nulle dissonance cognitive ici mais plutôt une faible foi dans l’efficacité des petits gestes. Si nous sommes nombreux à convenir que la stratégie du colibri – si chère au regretté Pierre Rhabi - est bienvenue et indispensable, nous considérons aussi à juste titre qu’elle est insuffisante et que c’est l’ensemble du système capitaliste de production et de consommation qui doit évoluer. Il est donc indispensable qu’il y ait régulations collectives.

Si j’arrête de prendre l’avion tandis que tous les autres continuent à le faire pour aller découvrir le monde, si je cesse d’user à l’excès de mes outils numériques quand des milliards d’autres continuent, la frustration me guette de ne pouvoir répondre à de simples et légitimes « envies ».

Beaucoup accepteraient bien plus volontiers de réduire drastiquement leurs diverses consommations s’ils n’avaient pas l’impression d’être les dindons de la farce en se privant tandis que d’autres se « gavent ».

Qui plus est, nous savons bien combien il est difficile de se déshabituer ou de se désintoxiquer quand bien même notre raison nous pousserait à changer.

Il est extrêmement difficile de sortir de certaines dépendances ; les fumeurs connaissent les méfaits auxquels ils s’exposent mais ont bien des difficultés à arrêter même lorsque les plaisirs procurés sont ténus comme dans le cas du tabac.

Quels que soient les enjeux et notre degré d’adhésion rationnelle à la justesse des changements à opérer, il semble clair que nous ne pouvons y parvenir seul.es.

Il paraît donc évident qu’il faille s’accorder sur la notion de régulation qui doit être le fruit de décisions politiques prises démocratiquement.

Il ne s’agit que de réguler les désirs multiples et contradictoires des différentes composantes de nos sociétés, les appétits financiers ou de pouvoir, les envies de toujours plus qui une fois satisfaites en appelleront toujours d’autres. En somme, de faire ce que toutes les sociétés qui veulent perdurer doivent faire : concilier des intérêts divergents.

Commencer par les plus favorisés

Annoncer que l’on veut endiguer la folie consumériste de chacun.e d’entre nous, quand on sait l’impact du mode de vie des plus riches – sans même parler de l’outrance des yachts ou jets privés – s’apparente à faire avaler une pilule salvatrice mais très indigeste.

Alors la fin de l’abondance ? Oui, et pour tout le monde, mais avant tout pour ceux qui commettent le plus de dégâts humains et écologiques par leur mode de vie. 

Ils connaissent par ailleurs très bien l’injustice de leurs privilèges, quand bien même quelques-uns ne déméritent pas.

Ils doivent accepter l’idée qu’il y a des équilibres à rétablir car la Terre, ses ressources, tout comme le fruit de notre travail nous « appartiennent » à tou.te.s.

Il ne s’agit pas de condamner les plus fortunés. Il n’y a nulle morale à avoir. Qui en effet oserait se targuer de faire mieux à leur place ? Qui ne profiterait de ce dont ils disposent, acquis parfois par le travail et le mérite, bien souvent par la transmission et le hasard de la naissance ?

Nous en avons la réponse car, Français.es, nous sommes tous des privilégiés relativement à d’autres populations. Des classes moyennes jusqu’aux classes les moins favorisées de notre pays, nous vivons dans un certain confort moderne, gros émetteur de gaz à effets de serre et fort impactant sur le respect des droits de l’Homme ailleurs dans le monde. Nos aspirations au confort et au plaisir ne nous rendent pas individuellement condamnables.

Mais responsables, oui.

Nous savons que notre mode de vie est néfaste, en France, en Europe, en Amérique ou en Asie. Nous sommes alertés par des milliers de scientifiques ou de militants pour le vivant. Nous pouvons et devons prendre des décisions éclairées.

Alors, régulons ! Commençons en priorité par les plus fortunés. Sans violence mais avec détermination.

Il est indispensable d’y consentir. Et je pense que les plus favorisés y consentiront car ils savent que la lutte contre les inégalités est une lutte pour la sécurité de tou.te.s, à commencer par la leur qui ne pourra être garantie dans la durée sous l’effet des injustices. Il en va aussi tout simplement de la cohésion de notre société.

Mais ils y consentiront également car les moins favorisés vont se faire plus pressants. Ils ne vont plus se laisser faire. Car il ne s’agit plus seulement d’avoir de quoi manger.

Mettons fin en effet au mépris de classe qui transpire à travers les procès en boboisation du discours écolo. La ritournelle qui raconte que les questions environnementales n’intéressent pas les plus pauvres a pour objectif premier de stigmatiser les écologistes et d’éloigner certaines catégories sociales de ces sujets. Mais ce n’est pas tout. En filigrane, médias et droite l’enseignent insidieusement : si les plus pauvres mangent et ont un toit, que demander de plus ?

La pauvreté rend bien évidemment secondaires certaines considérations sur la qualité de l’air, de l’eau et des aliments. Mais les populations concernées y sont parfois très sensibles tout comme elles préfèreraient vivre dans des logements isolés et chauffés, bénéficier de soins et services de proximité pour limiter leurs déplacements, etc…

Prioriser les besoins

Pour réguler, il va être nécessaire de prioriser démocratiquement les besoins essentiels, les usages et la consommation des ressources au sens large. Cela déterminera ce que nous devons cesser de produire et au contraire ce que nous devons développer massivement.

Certains secteurs devront décroître massivement (automobile, agroindustrie, luxe, …), d’autres se développer fortement (énergies renouvelables, transports en commun ferroviaires ou routiers, agriculture paysanne, soins aux personnes, éducation à l’environnement, médecine préventive, …).

On pressent toute la folie rationnelle que cela pourrait engendrer. Si les précautions avaient été prises à l’écoute des alertes écologistes qui ne cessent depuis 50 ans, nous aurions pu compter sur une assimilation lente et progressive des changements à opérer. L’urgence nous impose de faire autrement.

Et face à la conflictualité très forte qui va naître des choix à engager, l’édifice démocratique, aujourd’hui très mal en point, doit être suffisamment solide pour être à la hauteur.

 Résister aux lobbies

Convaincre le plus grand nombre et mettre en œuvre un projet tel que celui porté aux législatives par la NUPES n’est pas chose simple.

Craignant leur perte, les puissants lobbies du monde néolibéral poursuivront une véritable guerre médiatique.

Pilier démocratique essentiel, les médias ne peuvent donc plus être aux seules mains de quelques milliardaires. Nous avons besoin de médias indépendants, soutenus par les pouvoirs publics, sans contrôle éditorial.

Avant toute réforme constitutionnelle qui serait bienvenue notamment parce qu’elle pourrait établir la proportionnelle, le vote majoritaire ou le RIC, il est indispensable de réguler la présence et l’influence de ces lobbies dans toutes les sphères de l’Etat. Il faut des mécanismes de contrôle et des structures qui permettent de sanctionner toutes les ingérences des lobbies privés lucratifs dans les propositions de lois, rendre publics les agendas des parlementaires et, plus que tout, lutter contre les cabinets de conseils et le pantouflage.

Faire vivre la NUPES, partout en France ?

Le tableau est sombre et peut décourager. Il n’y a probablement jamais eu plus angoissante aventure que celle que nous avons à mener. Mais y’en a-t-il jamais eu d’aussi passionnante ?

Chacun y a sa part. Citoyen.nes, consommateurs.rices, travailleu.rs.ses, salarié.es ou patron.nes, artistes, intellectuel.les et politiques. Les leviers sont à tous les niveaux. Pour ce qui est du politique, et vu le temps dont nous disposons, seule l’union de la gauche écologiste et de l’ensemble des gauches peut être moteur. Ceux qui nous ont conduit vers l’abîme, droite et drauche confondue, ne nous éviteront pas d’y sombrer.

La poursuite de la NUPES, y compris là où elle ne l’a pas emporté, est un chemin qui peut nous conduire prochainement au pouvoir de façon plus massive et nous offrir des leviers crédibles.

Beaucoup au sein des partis de gauche ont été très critiques au moment de la formation de cette union. Une démarche faite dans l’urgence et donc incomplète.

Certains, septiques, s’étaient ralliés par nécessité ou au gré du vent. Les amitiés politiques fluctuent en effet selon les stratégies personnelles ou les résultats escomptés.

Il n’est pourtant plus l’heure des calculs à la petite semaine. Construisons une alliance forte qui nous permettra de mettre en œuvre un projet solide et convaincant.

Le récent congrès d’EELV revendique la radicalité et, bien que très réservé, ne ferme pas la porte à l’union avec ses partenaires politiques. Celui du PS, en janvier, le permettra peut-être. LFI en est l’initiateur. D’autres partis de gauche y sont prêts et l’électorat, de longue date, l’appelle de ses vœux.

Dans certaines circonscriptions comme c’est le cas dans la 1ère du Finistère (Quimper – Briec – Fouesnant), certains y travaillent ardemment…

Grégory LEBERT

militant EELV Quimper Cornouaille

candidat EELV NUPES aux élections législatives de juin 2022

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