En direct de Londres
L’avez-vous remarqué ? Un nouveau type d’homme s’affirme, on peut le croiser sur les plages, dans les parcs et jusque dans les rues les plus touristiques des capitales européennes. Partout, où la foule est dense et les regards intenses. J’ai nommé le « spornosexuel ».
Il est musclé, il veut que tout le monde le sache et porte donc des T-Shirts très larges, parfois sans manche, pour révéler son torse épilé (mais il y a deux jours, comme on porte une barbe de deux jours). Il porte aussi des bermudas devenus plus courts pour révéler ses cuisses et ses muscles saillants. Ses vêtements, à l’image de son T-Shirt trop larges, ne sont pas sa manière privilégiée d’être au monde et il les néglige volontiers. Fini les vestes de créateur britannique, les accessoires parfois féminins et les chinos bien coupé laissant deviner des sous-vêtements aux marques bien visibles et connues qui façonnaient le profil du métrosexuel, désormais démodé... Il porte un sac, de sport évidemment, sur l’épaule, car il revient de la salle de fitness et veut que tout le monde en soit convaincu, et par là, c’est bien son corps qu’il veut placer au centre de l’attention. Le spornosexuel porte également des tatouages comme pour renforcer la courbure et le galbe de ses muscles (sur l’épaule, les bras ou le torse) et attirer les regards féminins. D’ailleurs, son regard à lui est souvent masqué derrière des lunettes massives, tendance Pitbull dans ses derniers clips. Enfin, le spornosexuel est aussi fréquemment accompagné d’une jeune femme, largement « bimbo », elle aussi bien gonflée.
Mais, ce nouveau « type » va-t-il remplacer le métrosexuel ? L’appellation spornosexuel, construite sur la base d’une contraction de mots que tout le monde aura deviné, a en tout cas le même créateur que le métrosexuel. Mark Simpson, journaliste britannique à The Independent, qui présente ce nouvel homme, comme une sorte de version « mise à jour » du métrosexuel, mais « totalement vulgaire, et qui veut être désiré pour son corps uniquement (…) ». Il ajoute que « si le métrosexuel pouvait artificiellement paraître plus désirable, les spornosexuels sont comme ‘photoshopé’ dans la vraie vie ». Le corps devient ici l’alpha et l’oméga de l’être au monde. Célébré dans le film Don Jon, sur les écrans en 2013, le spornosexuel est aussi accro au porno, mais il ne l’affirme pas sur la scène publique, cela participe du fantasme féminin entourant cette nouvelle figure évanescente de notre post-modernité.
Selon son créateur, l’incarnation du spornosexuel est Dan Osborne, ancien mannequin star de la télé-réalité au Royaume-Uni, prouvant, dans le même temps, l’efficacité des machines abrutissantes que sont les shows de télé-réalité à travers le monde. Si David Beckham était l’égérie, le modèle du métrosexuel, Christiano Ronaldo, dont la vulgarité affichée ne semble avoir d’égal que son obsession pour son corps (cf. sa ridicule célébration après son but en finale de la dernière Ligue des Champions) pourrait bien être son successeur sur la planète football surexposé médiatiquement, et la vulgarité de sa compagne pourrait bien renforcer encore son identification comme un « sporno » !
Si comme beaucoup de ces mots nouveaux, le spornosexuel aura sans doute disparu dans quelques mois, remplacé par un nouvel « Sport-Hipster » ou un « Basic-Grunge », dont je vous laisse imaginer le profil, il consacre néanmoins la tendance de nos sociétés occidentales à valoriser le corps sur un mode avant tout vulgaire, obsédées qu’elles sont par la performance individuelle et par une forme d’absolutisme de la séduction à tout prix et en toutes occasions. Si tu n’as pas réussi sans Rolex, il semble en tout cas possible de réussir sans cerveau, avec un corps pour tout atout… A suivre !