Grosses bêtises (avatar)

Grosses bêtises

Biologiste, chercheur en écologie

Abonné·e de Mediapart

10 Billets

0 Édition

Billet de blog 23 mai 2023

Grosses bêtises (avatar)

Grosses bêtises

Biologiste, chercheur en écologie

Abonné·e de Mediapart

CRITIQUE DES MÉDIAS : "PARFAIT LEXIQUE DU PERROQUET MÉDIATIQUE" (4e tournée)

Je partage ici des morceaux choisis de mes lectures, extraits de livres anciens ou récemment publiés. Leur trait commun : l'humour, car il ne faut pas se laisser abattre...

Grosses bêtises (avatar)

Grosses bêtises

Biologiste, chercheur en écologie

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

3 extraits du livre parodique : Parfait Lexique du Perroquet Médiatique, par Jérémy Guillon (2022)

ENTENDRE

Quand des manifestants sont nombreux, crient beaucoup ou chantent très fort, il arrive qu’un son parvienne aux oreilles des gouvernants. On dit qu’ils ont perçu quelque chose. Quand les manifestants sont très nombreux, crient beaucoup beaucoup et chantent très très très fort, il arrive que les gouvernants ne s’entendent plus travailler. Ils posent leur stylo et vont fermer la fenêtre. On dit qu’ils ont entendu la colère de la population. Celle des territoires et des quartiers, des infirmiers et des médecins, des enseignants et des lycéens, des avocats et des agriculteurs, des employés du service public et des usagers, des étudiants et des chercheurs, des jeunes et des seniors, des travailleurs et des chômeurs... Ils ont entendu la colère des archaïques. Le gouvernement doit prendre ses responsabilités et lancer une dose de Grenelle. Si certains manifestants font trop de bruit en cassant des abribus, il faut leur jeter des grenades assourdissantes. La tolérance zéro réduit les bruits parasites et améliore la qualité du dialogue social.

Des historiques assurent que l’écoute, l’audition et la compréhension seraient meilleures lors de dîners consacrés au financement des partis politiques, ou bien lors de rencontres amicales entre dirigeants d’entreprises, éditorialistes et membres du gouvernement. De telles allégations dépassent l’entendement... Bien entendu, ces populistes ne produisent aucune preuve à l’appui de leur théorie du complot. Tout juste est-il entendable que les fauteuils tapissés et les moquettes créent une atmosphère feutrée propice à la conversation autour d’un bon repas. C’est en s’isolant des bruits parasites et non en criant plus fort que l’on se fait entendre. Les extrêmes n’ont jamais rien entendu à rien.

MAINTIEN DE L'ORDRE

 Le désordre peut surgir de partout et à tout moment : rassemblement interdit, feu de joie autour d’un coupé cabriolet, dégradation de mobilier urbain, outrage à agent dépositaire de l’autorité publique, résistance à interpellation préventive, blocage de lycée ou d’université, musique tard dans la nuit, jet d’œufs, de farine, de bouteilles en plastique... Quand se produisent des violences aussi lâches et inouïes, il faut siffler la fin de la récréation. Est venu le temps du maintien de l’ordre.

Le maintien de l’ordre obéit à une doctrine élaborée par des experts.

Puisque la violence peut surgir de partout, la doctrine du maintien de l’ordre consiste à tirer dans le tas. Elle consiste à nasser les familles, charger les seniors, poursuivre les jeunes qui s’enfuient, plaquer les personnes de couleur, et les neutraliser. La doctrine du maintien de l’ordre ne traduit pas une volonté d’intimidation ou de provocation. Elle est conçue pour répondre aux intimidations et aux provocations.

La qualité du maintien de l’ordre se mesure au nombre d’yeux, de dents et de mains retrouvés sur le trottoir.

Des innovations de rupture sont employées aux fins du main-tien de l’ordre. Lanceurs de balles de défense, canons à eau de défense, gaz de défense, grenades offensives de défense font partie de cet arsenal de pointe. Mais la prévention est encore la stratégie la plus agile avec ses assignations à résidence préventives, ses interpellations préventives, ses gardes à vue préventives, ses prélèvements d’ADN préventifs et ses fichages préventifs. Si le déploiement des forces de l’ordre par milliers se montre insuffisant à neutraliser anarchistes, casseurs, ultras, radicaux et leurs complices manifestants, un dernier rempart se dresse pour défendre la démocratie, celui d’une condamnation ferme par la justice et les éditorialistes.

Pédagogie et maintien de l’ordre sont les deux mamelles du modèle républicain.

Manifester est un droit fondamental dans un régime libéral et progressiste, et son exercice est nécessaire à la respiration de la démocratie. Au sein d’une manifestation, la démocratie respire des gaz lacrymogènes et en sort avec les voies respiratoires bien dégagées. On entend parfois l’ONU ou une ONG faire acte d’ingérence et critiquer un usage qu’ils jugent excessif de la force publique. Puisque l’ONU est une institution qui n’a jamais servi à rien, elle devrait savoir que ses pleurnicheries n’auront aucun effet. Quant aux ONG, elles sont mieux inspirées quand elles condamnent les terribles dictatures loin de chez nous.

Un maintien de l’ordre de qualité, usant de frappes ciblées et proportionnées, n’a plus à prouver ses vertus pédagogiques.

MONTÉE DES EXTRÊMES

Partout dans le monde arrivent au pouvoir des nationalistes homophobes, xénophobes, autoritaires et racistes. C’est la montée des extrêmes.

Les extrêmes sont les extrêmes.

Le nationalisme, l’homophobie, la xénophobie, le racisme et l’arbitraire sont l’ADN des extrêmes. Et si d’autres ne cessent de lutter contre le nationalisme, l’homophobie, la xénophobie, le racisme et l’arbitraire, ce sont également des extrêmes, car ils le font de manière extrême. Les extrêmes se rejoignent dans les extrêmes.

La montée des extrêmes est la principale menace qui pèse sur la démocratie.

La perspective d’un nouveau front populaire ou d’une assemblée constituante est au moins aussi affreuse que celle d’un régime mafieux totalitaire. L’entre-deux-guerres nous l’a appris, il faut s’inquiéter des menaces égales que représentent les extrêmes, d’où qu’ils viennent.

La montée des extrêmes est de mauvaise foi.

Certains radicaux extrêmes prétendent que ce sont les économistes néolibéraux qui feraient preuve d’extrémisme dans leur doctrine. Il est évident qu’ils mentent puisque les experts en question sont des scientifiques et non des idéologues. D’autres se hasardent à qualifier d’extrêmes les politiques centristes menées au service des marchés financiers... Mensonge encore puisque les centristes se situent au centre, et donc au contraire des extrêmes.

La montée des extrêmes est combattue d’arrache-pied ou d’arrache-main.

À la crise générée par l’afflux de migrants, il faut opposer un durcissement des contrôles aux frontières, l’emprisonnement des migrants dans des camps et la condamnation ferme des complices qui leur viennent en aide. À la dérive communautariste et au sentiment d’insécurité qui règne dans les quartiers, il faut opposer la surveillance généralisée et l’intervention ferme des forces de l’ordre. Aux violences inouïes perpétrées par les casseurs et autres manifestants, il faut opposer la doctrine du maintien de l’ordre et l’adaptation ferme de l’État de droit. Quant aux journalistes qui fouillent dans les poubelles et communiquent des dossiers classés secret défense, il faut les rappeler à leur devoir d’indépendance et de neutralité, avec la plus grande fermeté.

C’est ainsi, par une lutte sans concession contre les idées nauséabondes des extrêmes, que les démocraties libérales défendront les valeurs républicaines et échapperont à l’horreur et au déshonneur du fascisme.

A la semaine prochaine... ou aux suivantes !

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.