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Billet de blog 24 janvier 2023

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CRITIQUE DES MÉDIAS (6) : "HISTONY, UN HISTORIEN ET UN PENSEUR YOUTUBEUR"

Je partage des morceaux choisis de mes lectures, ou visionnages dans ce cas précis. Leur trait commun : l'humour, car il ne faut pas se laisser abattre...

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Histony est un formidable vulgarisateur, et comme il le dit lui-même : L'Histoire n'est pas composée que des potins royaux et autres anecdotes croustillantes : c'est aussi un moyen d'apprendre à réfléchir et à comprendre notre monde.

Ci-dessous, un extrait tiré de sa vidéo :  La France en 1814 (disponible sur https://peertube.fr/w/hMrwBwrwiXpv633jGGa15m)

Napoléon réorganise administrativement la France, c'est indiscutable : création des préfets, des lycées, tout ça tout ça, la légion d'honneur, patati patata... et le Code civil. Mais ça ne sort pas de nulle part, ça ne sort pas de son petit cerveau, ni du trou du cul d'une poule.

Ça sort quand même de tout un raisonnement progressif, depuis un bail - les Lumières, je ne vous fais pas la leçon - mais plus largement, tout l'héritage législatif de la Révolution. Parce que pendant que beaucoup jouaient à "pince-mi et pince-moi sont sous la guillotine", il y en avait aussi d'autres, plus discrets, qui à la Convention travaillaient aussi sur des projets législatifs, travaillaient sur des projets de codification, que ce soit du point de vue de l'administration, de la loi pénale, de tout un tas de choses. Et ces gens-là, des gens comme Cambacérès par exemple, on les retrouve derrière le Code civil, et autour de Napoléon.

Et donc Napoléon, il va jouer une sorte de rôle d'arbitre, il va choisir, il va arbitrer certaines décisions. On aurait pu partir dans d'autres directions sur certains choix, mais il n'empêche qu'il s'appuie sur des choses qui précèdent, ce n’est pas un génie qui fait tout sortir de lui-même.

Et par exemple, on pourrait parler d'un des points les plus contestables du Code civil napoléonien, c'est la situation des femmes, qui sont complètement rabaissées par ce Code civil. Mais ce rabaissement des femmes, il commence déjà sous la Révolution ! La Révolution a pas mal émancipé les femmes au départ, avec des choses comme le divorce, des choses comme ça... Mais très vite il y a eu des retours en arrière, dès la Convention montagnarde, où on a dit aux femmes qui militaient un petit peu trop qu'il fallait qu'elles rentrent chez elles. Et ça, tous les députés ou presque ont été d'accord pour le dire. De l'extrême gauche à des gens beaucoup plus réactionnaires, on était d'accord pour dire que les bonnes femmes n’avaient pas leur place en politique, c'était assez constant.

Sous la Convention thermidorienne et sous le Directoire, ça s'est renforcé, et finalement, Napoléon vient encore rajouter une petite pierre à l'édifice, solidifier tout ça, mais il n’est pas tout seul, et ça va continuer après. Et c'est pour ça d'ailleurs que beaucoup d'histoires sur les femmes dans le contexte révolutionnaire et impérial, élargissent la focale. Par exemple, Christine Le Bozec a fait un très bon bouquin sur "Les femmes et la Révolution" et elle commence avant la Révolution, et elle va jusqu'en 1830, parce que c'est un phénomène de très long terme.

On peut aller plus loin, on peut aussi parler du fait que, économiquement, cette société qui devient vraiment bourgeoise, très clairement, qui devient vraiment élitiste, elle commençait déjà bien sous le Directoire, mais même sous la Convention on en parlait pas mal. Regardez l'égalité des biens par exemple, Robespierre lui-même disait que c'était n'importe quoi ! Ça n’était pas déjà le communisme sous la fameuse "Terreur" dont je vous ai expliqué que c'est quand même un concept très discutable. Donc, là aussi, il faut voir les continuités au moins autant que les ruptures.

Donc tout ça est compliqué. Alors évidemment, on va avoir un truc, c'est que Napoléon va être érigé en figure indépassable, toute puissante, ce qui permet à ceux qui s'y sont associés de s'en dissocier après coup et de rejoindre les régimes suivants. On a eu la même chose avec Robespierre, hein ! Robespierre n'a jamais été un homme tout puissant. Tout son entourage, ceux qui ne sont pas morts avec lui, se sont détachés de lui ensuite en disant "Eh non, c'est pas nous, c'est juste lui !", alors que toute la Convention avait baigné dans les violences révolutionnaires. Bon, eh bien, c'est un petit peu la même chose avec Napoléon : vous avez tout un tas de gens qui l'ont suivi, accompagné, soutenu, et qui auraient éventuellement pu le foutre dehors si les choses avaient mal tourné, et qui, une fois que ça tourne mal, ben, le foutent dehors et quand même passent à autre chose.

Et ça ne veut pas dire que Napoléon n'a pas été très puissant : il l'a été. Et puis la grande différence avec Robespierre, c'est que toute cette propagande centrée sur sa personne, c'est lui qui l'a voulue, alors que Robespierre en a été victime. Mais n'empêche que finalement il faut relativiser son pouvoir, sa puissance : il y a beaucoup de continuités, avec l'avant, et avec l'après, dans les acteurs et dans les démarches.

Et ça c'est quelque chose qui marque encore aujourd'hui notre réflexion politique. Dans combien de manifs on a crié "Chirac démission !", "Sarkozy démission !", "Hollande démission !", "Macron démission !", alors qu'en fait il y a une continuité dans les choix politique, énormément de continuité, sur plein de sujets, notamment en matière économique. Et, de fait, virez Macron, et vous en aurez probablement un qui y ressemblera, ou qui sera face aux mêmes enjeux, et qui devra aussi agir avec les mêmes acteurs, et qui fera face à pas mal de choses compliquées, avec plus ou moins de bonne volonté, d'ailleurs.

Donc ça, c'est un problème, qui marque, je pense, notre conscience politique : on se focalise beaucoup sur les individus, et parfois, on oublie un petit peu trop, les structures derrière, et même d'ailleurs, quand on critique les structures, on va critiquer la figure obscure qui serait derrière, souvent avec des bons vieux relents antisémites, alors que justement le poids des structures, c'est que les individus sont souvent assez interchangeables... elles continuent à fonctionner.

À la semaine prochaine ...

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