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Billet de blog 3 juin 2011

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Dans les pays de l’ex-URSS, la lutte contre la tuberculose à l’épreuve de la prison…

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Par Mathilde Goanec... Maladie un peu vite oubliée à l’Ouest, la tuberculose continue de faire des ravages en ex-URSS, notamment dans le milieu pénitentiaire où se développent également des formes de la maladie de plus en plus résistantes aux traitements. Dans le milieu carcéral post-soviétique, le travail des organisations humanitaires se heurte à un système de castes et de régulation semi-officielle, semi-mafieuse, qui complique encore un peu plus les soins et les traitements.


Printemps 2007, nous visitons avec MSF et le Comité international de la Croix Rouge les prisons kirghizes actives dans l’opération de lutte contre la tuberculose, et notamment le Sizo numéro 1, centre de rétention provisoire de la capitale Bichkek, et les colonies 27 et 31. Un voyage éprouvant, au cœur du système pénitentiaire kirghize.Vivant dans des cellules surpeuplées, mal ventilées, en manque criant de soins et d’hygiène, les prisonniers souvent fragiles car en mauvaise santé, sont des proies offertes à la maladie.

Quatre ans plus tard, les équipes des deux organisations humanitaires sont toujours sur place, et le nombre de malades ne diminuent pas, malgré leurs efforts. Chaque année, il y a entre 6 et 8 000 personnes atteintes par la tuberculose au Kirghizistan. Selon Sylvia Wuest, responsable du programme tuberculose pour la Croix rouge internationale (CICR), le taux de prévalence est 23 fois plus élevé dans le milieu pénitentiaire. Surtout, dans le civil comme en prison, la maladie est de plus en plus difficile à soigner, avec l’augmentation constante de formes de tuberculose multi-résistantes aux traitements.

La prison en ex-URSS, zone grise

La prison, au Kirghizistan comme dans le reste de l’espace post-soviétique, est un monde à part, qui fonctionne selon sa propre logique et ses propres règles. Pour pallier le manque de personnel, les autorités kirghizes ont fermé les yeux sur le contrôle qu’y exercent les groupes mafieux et criminels dont les chefs sont les célèbres vori v zakone, les voleurs dans la loi, en russe. Si l’ordre règne, c’est bien grâce à ce subtil équilibre entre administrations officielle et officieuse, qui se partagent l’espace et les hommes.

Drogue, business, politique, les affaires peuvent se régler à l’ombre des murs de la prison… Autre particularité, le système de « castes » qui prévaut : outre les leaders des prisonniers et leur cohorte, il existe des « collaborateurs », ceux qui travaillent avec l’administration, et des « intouchables », les prisonniers impliqués dans des affaires de mœurs. Ces deux dernières catégories sont sévèrement discriminées, vivent entre eux, et doivent éviter tout contact physique avec les deux premières. Dans les colonies, sortes de petits villages ceinturés par de hauts murs d’enceinte, les prisonniers déambulent ainsi librement, surveillés du coin de l’œil par des matons assez semblables à leurs pensionnaires, presque tous la cigarette fichée au coin des lèvres. Au Kirghizistan, les colonies numéros 27 et 31 sont réservées aux malades de la tuberculose, pour éviter ainsi une propagation plus grande de la maladie.

Dans ce contexte, comment et pourquoi traiter en prison ? « Nous considérons la colonie comme un hôpital, estime Sylvia Wuest, et nous suivons les seules règles d’un hôpital, dans le sens où nous traitons tout le monde, sur un pied d’égalité. Notre équipe d’une dizaine de personne va partout, en toute sécurité ». Malgré le manque de moyens, de personnel et les problèmes structurels, il est essentiel pour les organisations humanitaires d’être présentes dans le système carcéral, pour tenter de contenir l’épidémie de tuberculose. Car le passage par la case prison est courant au Kirghizstan comme dans les autres républiques post-soviétiques. En Russie par exemple, on estime qu’un quart de la population masculine y a déjà fait au moins un séjour dans sa vie. C’est donc autant un moyen de soigner les malades les plus vulnérables et délaissés que d’éviter une trop grand contagion vers le domaine civil.

Autre difficulté, améliorer les conditions de vie des malades (meilleure nourriture, moins de promiscuité, plus de soins) sans pour autant susciter l’envie des autres prisonniers… Car certains n’hésitent pas à échanger leurs crachats, pivot de la détection, pour se retrouver intégrés dans une colonie pour tuberculeux… et risquer d’être infectés à leur tour. Un trafic qui en dit long sur les conditions de vie dans le reste du système pénitentiaire… « Certains pensent avoir intérêt à tomber malade, pour avoir des conditions de vie supportables », confirme Francis Varaine, le « Monsieur Tuberculose » de MSF à Paris. Souvent mal informés, les prisonniers n’imaginent pas toujours les risques qu’il peut y avoir à contracter la maladie.

Car la tuberculose, à l’Est de l’Europe comme dans une partie de l’Afrique ou de l’Asie, présente des formes de plus en plus en plus difficile à soigner, réagissant de moins en moins aux traitements de première ligne. « En France, nous avons un peu oublié la tuberculose, et il y a très peu de cas, explique Francis Varaine. Mais en 1997, nous avons découvert ce qui se passait en Sibérie. Là-bas, les conditions sociales et médicales étaient catastrophiques, les gens mouraient de la tuberculose comme des mouches. Et le problème était encore amplifié en prison. C’est pour cela que nous avons décidé d’agir en Ex-URSS sur cette question. » (...)

(Photographie Misha Friedman)

Lire la suite sur Grotius.fr : http://www.grotius.fr/la-lutte-contre-la-tuberculose-a-lepreuve-de-la-prison/

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