Par Camille Magnard... Tous deux ont été déracinés, chassés de leurs terres par la catastrophe nucléaire de Fukushima. Paysans particulièrement actifs dans la promotion d’une agriculture biologique, Toshihide Kameda et Shimpei Murakami portent l’histoire de centaines d’exploitants de la région de Fukushima: leurs terres, leurs vies, ont été irrémédiablement empoisonnées par la radioactivité. Leur exil les a portés en France, où à l’invitation de Hiroko Amemiya, chercheuse en agronomie installée en Bretagne, et de son mari Marc Humber, directeur de l’Institut français de recherche sur le Japon contemporain, ils ont lancé un appel à l’entraide entre paysans-citoyens au-delà des frontières.

Shimpei Murakami a 52 ans. Jusqu’au 11 mars, il vivait sur sa ferme avec femme et enfants, dans le village de Iitaté. A 50 kilomètres de la centrale nucléaire de Fukushima. « Mon exploitation ne se trouve pas dans la zone interdite de 20 kilomètres autour de la centrale, où les gens ont reçu l’ordre officiel d’évacuer. Mais le lendemain de la première explosion sur les réacteurs de Fukushima, j’ai compris qu’on se dirigeait vers une catastrophe similaire à celle de Tchernobyl. J’ai donc décidé très vite de partir, et d’aller me réfugier, avec ma famille, à 500 kilomètres de là ». La suite des évènements a donné raison à M. Murakami.
Toshihide Kameda, lui, cultivait la terre de ses ancêtres, installés depuis plus de 250 ans dans la région de Fukushima. Président de la confédération des paysans du département, il connaissait les risques liés à la construction de la centrale nucléaire à moins de 20 kilomètres de sa ferme. Depuis les années 70 et les premières centrales japonaises, Kameda avait mené la fronde paysanne contre le nucléaire. « Cela faisait 6 ans que nous dénoncions les problèmes dans le système de sécurité de la centrale de Fukushima-Daichi. Après les grands séismes de Sumatra et du Chili ces dernières années, on avait bien compris que le risque de tsunami pourrait être dévastateur ici. Mais le discours officiel de Tepco a toujours été de nier ce risque.»
Alors le 11 mars, quand la vague dévastatrice déferle sur les côtes, Tohishide Kameda prend vite conscience du danger. « Dès le 12 mars, le jour où le premier réacteur a explosé, nous avons été avertis qu’il valait mieux s’enfuir, et nous sommes partis à 60 kilomètres de là, dans ma famille. Les jours suivants, on a pu revenir chez nous, mais c’est là qu’on a appris que notre maison se trouvait dans la zone de confinement. J’ai moi-même pu utiliser l’unique compteur Geiger de la commune, pour mesurer les taux de radioactivité, et j’ai constaté qu’ils étaient très élevés. » (...)
Légende photographie : Manifestation de paysans de Fukushima, le 26 mars 2011, devant le siège du géant du nucléaire japonais Tepco
Lire la suite sur Grotius.fr : http://www.grotius.fr/lapres-fukushima-rencontre-avec-des-paysans-sans-terre/