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Billet de blog 2 mai 2022

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Adhésion de l'Ukraine à l'UE - Appel du Groupe du 24 février de Bruxelles

Imaginons pour l’Ukraine une perspective d’adhésion à l’Union européenne qui soit à la hauteur de la tragédie en cours.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Depuis le 24 février 2022, l’Ukraine ploie sous les bombes et les violences de l’armée russe, sans que celles-ci ne parviennent à briser la détermination d’un peuple dont le courage dans cette épreuve force l’admiration.

Au-delà de l’urgence absolue de stopper la Russie dans sa guerre meurtrière, notamment par une aide militaire à l’Ukraine dans le cadre de sa légitime défense, il n’est ni trop tôt ni dérisoire d’imaginer l’Europe d’après la guerre. Aujourd’hui, l’agression de l’Ukraine nous enjoint de répondre à l’espoir européen de plus de 40 millions d’Ukrainiennes et Ukrainiens plongés dans l’horreur et la destruction, mais aussi dans l’exil intérieur ou extérieur pour des millions d’entre eux.

La présidente de la Commission européenne s’est déplacée à Kyïv les 8 et 9 avril pour porter ce message : la place de l’Ukraine est dans l’Union européenne. Le président du Conseil Européen, Charles Michel, s’y est rendu le 20 avril. Son message était plus confus, et il est resté évasif quant à une date à laquelle la perspective d'adhésion serait discutée

Nous, le Groupe du 24 février, constitué de chercheurs, journalistes, traducteurs, fonctionnaires nationaux et européens, militants des droits humains, citoyens engagés dans des coopérations avec ce pays, demandons aux chefs d’État et de gouvernement de l’Union européenne de donner une perspective d’adhésion claire à l’Ukraine lors de la réunion du Conseil européen prévue les 24 et 25 juin prochain. 

Il est du devoir des décideurs européens d’être à la hauteur de ce moment historique. Souvenons-nous que c’est en pleine Seconde Guerre mondiale, dans une Europe déchirée par des totalitarismes exterminateurs, que les Pères fondateurs ont forgé les principes de l'édifice de paix qu'est désormais l'UE. 

Nous appelons en particulier le président Macron, nouvellement réélu , à effectuer son premier déplacement à l’étranger à Kyiv. Au-delà du symbole, il s’agira pour lui de prendre une position claire sur la perspective d’adhésion de l’Ukraine à l’Union Européenne, rompant ainsi avec la frilosité qui a caractérisé son premier mandat sur les questions d’élargissement.   Alors que la France achèvera sa présidence de l’UE fin juin, Emmanuel Macron a un rôle clef à jouer afin d’ obtenir un consensus parmi les 27 États Membres de l’Union.

Rappelons que, dans notre famille européenne, aucun peuple n'a eu à payer un tel prix pour son choix européen. Le drame actuel plonge ses racines dans l’engagement des Ukrainiens à poursuivre leur trajectoire démocratique européenne – et dans les réactions systématiques du pouvoir russe pour les en empêcher – comme ils l’ont montré depuis la révolution de la Dignité (Maidan, 2014). Rappelons aussi qu’à l’heure où certains États membres sombrent dans un repli nationaliste qui les éloigne des valeurs de l’Europe, l’aspiration européenne des Ukrainiens et des Ukrainiennes est, elle, d’une ferveur sans égal. La rapidité avec laquelle le gouvernement ukrainien – pourtant pleinement mobilisé par l’effort de guerre – a répondu au questionnaire de la Commission Européenne est une illustration de l’engagement des autorités à mettre le pays sur le chemin de l’adhésion et montre que le temps compte.

Soyons à la hauteur de leur détermination et montrons la nôtre ! Si le message politique est clair, le processus administratif suivra. Le combat des Ukrainiens est le nôtre, c’est un combat pour l’Europe de demain. Une Europe débarrassée des autocrates, des populistes et des régimes illibéraux, avec l’exigence de répondre aux défis qui nourrissent leurs succès électoraux.  

Les peuples européens ont déjà intégré cette nouvelle dynamique, comme le démontre l’élan de solidarité dans l’accueil des réfugiés ukrainiens. Comme l'attestent aussi les sondages montrant un soutien en très forte progression des citoyens européens à l’adhésion de l’Ukraine.

Nous appelons  l’UE à proposer dès à présent à l’Ukraine des mesures qui permettront sans délai une intégration renforcée avec l’Union dans tous les domaines (politique, transport, économie, vie universitaire,  culture, construction et reconstruction, etc.), afin que la perspective d’adhésion se traduise par un ensemble d’étapes intermédiaires porteuses de bénéfices immédiats pour la population. .

Remettre ainsi la politique au cœur du processus d’adhésion aurait d’autres effets positifs au-delà de l’Ukraine: pour les pays des Balkans occidentaux, cela aiderait à sortir des faux semblants (comme, par exemple, les alliances que la Serbie a forgées avec la Russie alors même qu’elle négocie son adhésion). Au sein de l’UE, cela contribuerait à être  intransigeants avec les États membres actuels qui enfreignent les principes fondamentaux de notre Union.

La fin de la présidence française de l’Union en juin arrivera en même temps que les résultats de la Conférence sur l’avenir de l’UE : quel meilleur moment pour dessiner les contours de l’Europe de demain, dans laquelle l’Ukraine aura toute sa place ?

Signatures :

Nicolas Auzanneau, traducteur;

Christophe D'Aloisio, théologien et militants des droits humains à l'ACAT-Belgique

Bernard De Backer, sociologue et auteur;

Ulrich Huygevelde, coordinateur du centre Geopolis et d'Euradio Bruxelles;

Sébastien Gobert, journaliste;

Natacha Kazatchkine, juriste;

Rūta Liepiņa, traductrice;

Coline Maestracci, doctorante à l'ULB;

Aude Merlin, chargée de cours en science politique à l'ULB;

Alain Mihály, traducteur;

Lise Meunier, médecin;

Lydia Obolensky, enseignante;

Estelle Siben;

Konstantin Sigov, philosophe;

Nadine Vermelen, chargée de projets Géopolis

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