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Billet de blog 17 juillet 2023

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Industrie verte : il est temps de gouverner par les besoins, par Clémence Guetté

Le projet de loi sur l'industrie verte présenté par Emmanuel Macron et son gouvernement est symptomatique d'une vision technosolutionniste et néolibérale de la bifurcation écologique, qui s'oppose radicalement à celle que porte La France insoumise.

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Ce projet de loi est un rendez-vous manqué : il aurait pu être l’occasion d’une réflexion démocratique sur la sobriété, les besoins, et ce que nous considérons collectivement comme nécessaire. Il est à déplorer qu’il soit, en lieu et place de cela, un projet de réindustrialisation irréfléchie et mortifère.

Tout d’abord sur le fond : ce projet de loi n’a rien de vert.

Qu’est-ce qu’une industrie verte selon Emmanuel Macron ? Rien dans son texte ne le précise. Le projet ne s’appuie même pas sur la taxonomie européenne - elle restreindrait trop le champ de la réindustrialisation selon Bruno Le Maire, alors même qu’elle est unanimement considérée comme insuffisante par les associations environnementales. La question de la nomenclature est pourtant primordiale. Il semble évident que toute aide publique aux entreprises doit être conditionnée à des indicateurs environnementaux, à la définition d’une trajectoire de réduction des émissions, et à des engagements en faveur de la préservation de la biodiversité - a fortiori dans le cadre d’une loi sur le verdissement de l’industrie.

Sur ce point, que prévoit le projet de loi ? Que les aides soient conditionnées à la réalisation par les entreprises d’un bilan de leurs émissions de gaz à effet de serre. Aucun engagement, aucun objectif. Les réelles intentions de ce gouvernement apparaissent clairement : favoriser le développement industriel, sans contrepartie. Leur idéal, c’est le technosolutionnisme - il n’y a qu’à voir leur enthousiasme pour les gigafactories, l’aviation verte ou le recyclage chimique.

Toutes les solutions sont bonnes pour ne surtout pas remettre en question ce modèle économique destructeur : voilà la vision de la société future que nous propose la Macronie.

Nous défendons au contraire l’idée que la seule industrie verte est une industrie sobre.

Aux antipodes de cette vision productiviste, on pourrait imaginer une économie au service des besoins. Le défi de la bifurcation écologique et la réorientation complète de l’appareil productif qu’elle suppose méritent mieux qu’un projet de loi en demi-teinte, empreint de néolibéralisme et reposant sur des instruments financiers douteux. Il est impératif de questionner les usages et de remettre au cœur de notre modèle les besoins réels de la population, en prenant le temps de déterminer collectivement ce que nous voulons et ce que nous ne voulons pas.

La croyance selon laquelle on pourrait produire plus en polluant moins tient de la religion : ce fameux “découplage” entre la croissance du PIB et la croissance des émissions de CO2 n’a jamais existé, et rien ne permet d’affirmer qu’il apparaîtra miraculeusement dans les prochaines années1 - si ce n’est l'idolâtrie des libéraux envers le sacro-saint marché et leur foi aveugle en la technologie. La sobriété est le seul programme de bifurcation écologique réaliste.

Alors, que faire ?

Gouverner par les besoins, tel est le principe que nous promouvons. Cela implique de déterminer par un processus démocratique les besoins de la société, et de fixer les moyens d'y répondre collectivement. Ne pas subventionner tout et n'importe quoi, mais prendre le temps de définir nos priorités, une fois lancés les premiers plans massifs d’investissement dans le fret ferroviaire ou la rénovation thermique des logements. Désigner démocratiquement les industries nécessaires et celles qui sont délétères, et planifier la reconversion des travailleuses et des travailleurs d'un secteur à un autre.

Comme de nombreux chercheurs et associations environnementales, nous pensons en effet qu’il est nécessaire de “distinguer les besoins légitimes, qui pourront être satisfaits dans la société future, des besoins égoïstes et déraisonnables, qu’il faudra renoncer à assouvir”2. Bernard Arnault émet environ 1000 fois plus de CO2 qu’un Français moyen3 : qui peut affirmer sérieusement qu’il n’y a pas une incompatibilité entre la bifurcation écologique et certaines activités ou pratiques, qui ne profitent qu’à la part la plus riche de la population ? Certaines priorités sont faciles à définir : si on prend l’exemple des jets privés, souvent utilisé par l’économiste Timothée Parrique, il est clair qu’interdire leur usage par des particuliers ne provoquerait ni une baisse de l’espérance de vie, ni une dégradation des services publics, ni une baisse du bien-être de la population.4

Le projet de loi sur l'industrie verte aurait pu être l'occasion de repenser notre modèle économique, de planifier démocratiquement la réorientation de l'appareil productif et de déterminer collectivement nos besoins réels dans un objectif de sobriété. Malheureusement, il ne sert qu’à nous montrer une fois de plus l’aveuglement idéologique et l’incompétence de la Macronie. Loin d’être sans conséquence, ce manque d’ambition nous fait perdre un temps précieux : la bifurcation écologique ne peut pas attendre 4 années supplémentaires.

1 Natura Sciences (2015), “Le mythe du découplage : la croyance dans la ‘Croissance’” https://www.natura-sciences.com/comprendre/croissance-decouplage-pib898.html

2 Razmig Keucheyan (2017), “Ce dont nous avons (vraiment) besoin”, Le Monde Diplomatique. https://www.monde-diplomatique.fr/2017/02/KEUCHEYAN/57134

3 Blast (2023), “Le mythe des Français ‘jaloux’ : une stratégie de riches” https://www.youtube.com/watch?v=qJukaLWn_hM

4 Timothée Parrique (2023), “La décroissance est incompatible avec le capitalisme”, Reporterre. https://reporterre.net/Timothee-Parrique-La-decroissance-est-incompatible-avec-le-capitalisme

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