Il a ouvert un blog il y a 30 jours parce que, a-t-il écrit, son médecin lui a dit qu’il lui restait trente jours à vivre.
Aujourd’hui, en principe est son dernier. Nous sommes nombreux à suivre son blog. Moi c’est assez récent, un peu plus d’une semaine, j’ai découvert, sur Twitter son existence. J’ai commencé à lire par petits bouts, puis tout, d’un coup. Il écrit bien, parfois des billets un peu longs et de plus en plus courts. J’attends la fin de l’histoire, de la sienne. Evidemment un peu partout, il y a des gens qui crient au mensonge. Non bien sûr, ça n’existe pas, ça ne peut pas exister, quelqu’un qui prend autant de distance avec sa propre mort. C’est forcément bidon, un fake etc. Ils me font penser à ceux qui ne veulent jamais voir la réalité en face parce qu’elle leur fait peur. Moi ce qui m’a choquée à priori, c’est qu’un médecin puisse dire à son patient qu’il ne lui reste que 30 jours à vivre. Je suis persuadée que jamais personne ne sait avec certitude.
Cette histoire est forcément vraie. Elle est arrivée à quelqu’un même si ce quelqu’un éventuellement, n’est pas celui qui raconte. Il donne également des nouvelles des personnes hospitalisée dans le même lieu que lui. L’un d’eux est mort récemment et ça l’a beaucoup touché. Il avait à peine 32 ans, il venait de se marier quelques jours auparavant pour mettre sa jeune femme et son bébé à naître à l’abri du besoin. Histoire de rappeler que le mariage pour tous, c’était nécessaire aussi, pour ça. Une façon aussi de nous faire comprendre que même lorsqu’il ne nous restera plus que quelque jours à vivre, nous pouvons encore et toujours nous intéresser et être ému par quelqu’un d’autre que nous. Moi je trouve que c’est une bonne nouvelle. Depuis la disparition de ce voisin de chambre, l’auteur du blog va nettement moins bien.
Hier, comme par hasard, le Comité d’éthique a rendu le rapport sur la fin de vie, demandé par le gouvernement. Ils ne sont pas tombés d’accord mais ils font des propositions. En effet depuis la loi Léonetti, on a le droit, chaque malade en fin de vie a le droit de demander à son médecin d’arrêter le traitement. Il a aussi le droit de demander à n’être plus alimenter ni en nourriture ni en eau. S’en suit alors une mort plus ou moins lente, plus ou moins inhumaine aussi, selon que le patient est jeune ou plus âgé, que son cœur est plus ou moins solide etc. Le « condamné » celui qui tient son blog a eu son premier entretien obligatoire avec un médecin et un psy hier. Il doit en avoir un second avec un médecin, c’est la procédure. Après ça il décidera. Il semblerait, d’après l’article du Nouvel Obs précité, qu’on ne respecte pas toujours les vœux des patients. Je me souviens aussi d’avoir vu à la télévision le témoignage de parents d’un jeune homme qui ont vu le martyr de leur enfant, mourant de faim et de soif pendant plusieurs jours avant la fin. La question étant et restant de savoir qu’à la fin, on n’aide pas les gens à mourir, on les laisse mourir. Ce qui décidément, n’a rien à voir.
Si le monsieur du blog raconte sa propre histoire, il m’est devenu cher et il va bientôt me manquer. On peut s’attacher aux raconteurs d’histoires, surtout quand elles sont aussi denses et intenses.
Si c’est un soignant qui raconte pour mieux nous expliquer la fin de vie, pour nous dire que c’est aussi notre histoire, que nous sommes tous des humains, que nous devons nous prononcer sur le sujet, il aura bien fait. Nous avons tous, dans nos vies, rencontré des personnes enfin de vie. Nous étions concernés personnellement et comme toujours dans ces cas là, c’est difficile de se prononcer. Là ça concerne les autres, tous ces autres qui au quotidien séjournent dans les unité de soins palliatifs et attendre dans la douleur et l’inquiétude que tout se termine pour eux.
Moi j’ai appris aussi, grâce au blog du condamné, que les unités de soins palliatifs ne sont pas mouroirs mais des unités où la vie règne, dans toute sa splendeur. Et partout où la vie règne, nous autres, les biens portant, avons aussi notre place et notre mot à dire pour mettre notre vie à distance et pour regarder en face, notre propre mort ; pas pour lui lancer des défis, non, pour l'apprivoiser, parce qu'elle aussi fait partie de notre vie.
Comme il dit chaque jour…
A demain...