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Billet de blog 6 juin 2014

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Qu'ils débarquent...

Sans moi. Paraît que ça se fête. Fêter quoi ? 70 ans après ? La liberté qu’ils disent… On trouve toujours de bonnes excuses pour faire les guerres. Et après malgré les milliers de morts, on continue à trouver des raisons pour les saluer et les glorifier et même à en être fier.

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Sans moi. Paraît que ça se fête. Fêter quoi ? 70 ans après ? La liberté qu’ils disent… On trouve toujours de bonnes excuses pour faire les guerres. Et après malgré les milliers de morts, on continue à trouver des raisons pour les saluer et les glorifier et même à en être fier.

Tous ces morts ? Dégâts collatéraux qu’ils disent encore. Et pour les pauvres soldats pauvres, le prix du sang à payer. A Caen, ce sont les alliées qui ont fait le plus morts, pas les ennemis. Dommages collatéraux… « L’impôt du sang versé » par les pauvres gens pour leur patrie prétend un député …

J’y étais avant eux, il y a quelques jours,  sur ces plages que fouleront ces messieurs qu’on nomme grand. Elles sont réputées, visitées, glorifiées… Business oblige. Les morts ça rapporte. Il faut bien que ça rapporte puisque c’était le prix du sang versé… Ca n’en finit pas de rapporter…

Les dames pipi d’Arromanches commençaient à compter les bus de la nouvelle saison. Ils étaient nombreux les touristes, les télévisions aussi, à venir en repérage. Elles ont dit que le jour du débarquement tout sera bouclé, même les bus ne passeront plus… Et d’ajouter rassurées, qu’il en restera toujours assez qui viendront à pied pour se soulager.

A part quelques vestiges rouillés il n’y a rien à voir sur cette plage. Alors ils ont construit un musée. Ca fait toujours bien de dire qu’on l’a vue le musée… Moi je suis restée sur la plage, à humer l’océan qui s’était barré. Et à essayer d’imaginer à quoi ça pouvait ressembler 5000 navires de guerre sur un océan et surtout surtout, je me suis demandé et je me demande encore, comment est-il possible qu’on puisse user autant d’énergie pour construire une digue artificielle avec de gros ponts mobiles, ces restes rouillés, mais qui avaient servi au moment des marées et que la même intelligence ne pouvait pas servir à trouver des solutions pacifique pour éviter tous ces morts ? Comment peut-on être aussi ignorants de la valeur humaine pour oser sacrifier autant de jeunes vies…

La veille j’avais vu et entendu une dame raconter. Elle avait deux ans en 1940. Elle dormait dans son petit lit à barreaux. Son père était dehors, devant la maison. Avec son berger allemand. Les Allemands sont venus le chercher. Il avait été dénoncé… Ils l’ont massacré après avoir tué le chien. Puis ils sont rentrés dans la maison. Ils ont tiré quelque balles sur le petit lit, histoire d’impressionner la mère qu’ils ont frappée à coups de poings et à coups de pied, lui ont tiré les cheveux, et ils l’ont violée. Elle s’est évanouie, ils l’ont laissée pour morte. C’est comme ça que des voisins l’ont trouvée, complètement partie. Le bébé n’avait pas encore souffert. Sa mère s’est remise, au moins physiquement. Elle a dû travailler, puisque son mari n’était plus là pour assurer le quotidien. Elle a placé son enfant et venait la voir chaque fois qu’elle pouvait. C’est ainsi qu’un jour de 1944, à l’occasion d’une de ses visites à sa petite fille, il y a eu un bombardement. Et sa mère fut tuée. « Victime de la glorieuse malchance des armes » comme aimait dire un ancien ministre récemment décédé, dont la grand-mère avait été copine avec Louise Michel.  

La petite fille quant à elle s’est retrouvée toute seule avec pour seul bagage dans la vie une histoire trop lourde à porter. Il lui a fallu toutes ces années pour enfin pouvoir la raconter… Pas facile de parler quand la souffrance vous étrangle. Et qui peut comprendre ?

Alors puisque c’est le jour, commémorez si vous le voulez.

Moi je redirai jusqu’à la fin de mes jours, au risque de choquer, que les guerres sont indignes de notre humanité. Certes sous nos cieux, on évite de les faire trop près de chez nous, on les fait chez les autres, on essaie et on vend nos armes à d’autres, ailleurs, plus loin. Ces armes sont faites d’abord pour tuer et pour blesser, semer la mort et la souffrance. Elles deviennent de plus en plus sophistiquées pour tuer et blesser sans être touché. Enfin c’est ce qu’on nous raconte. Parce que si on prend la peine de se documenter, on apprend que les soldats qui reviennent des guerres sont eux aussi, salement amochés, dans leur tête, et pour longtemps d’avoir vu leurs copains déchiquetés, d’avoir senti la peur  la peur, la merde, et la mort.

Je trouve minable qu’on apprenne l’histoire des guerres aux enfants. C’est la vie qu’on doit leur apprendre, la paix, le respect des autres, le vivre ensemble. J’aimerais moi qu’ils ignorent tellement tout ça, que lorsque devenus grands et qu’on leur parle de la guerre, ils demandent comme des enfants, c’est quoi ça la guerre ?

La liberté de tous viendra comme ça. Ou pas.

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