Depuis ce jour-là, elle tend la main (suite 2)
Aux parents à partir de 20’
« Quand on fonde une famille on doit l’assumer. Par tous les moyens. Pour qu’ils réussissent. On a de la chance. Pour nos enfants, l’école c’est jusqu’à 16 ans. Quand je vais à l’école et que j’attends la prof qui dit : je convoque la mère mais la mère ne vient pas. Je convoque le père, mais le père ne vient pas. Et qui c’est qui va défendre vos enfants ? Il faut y aller. Même s’ils ne m’appellent pas, je dois y aller. Pour voir si mon fils suit. Pour voir s’il est absent. E dois aller voir. Quand on fait des enfants on les fait pas comme ça. Si on les fait c’est parce qu’on les aime, on fonde une famille. Moi je viens du Maroc et j’ai vécu dans une cité. Mais moi je n’avais pas envie de rester dans la cité, ça ne m’intéressait pas. Moi j’ai grandi dans les grandes maisons. Pourquoi je vais interdire à mes enfants de vivre comme j’ai vécu moi ? Alors j’ai investi. J’ai construit ma maison ici en France. Parce que je veux la liberté pour mes enfants. Je veux qu’ils vivent bien, qu’ils soient heureux. Pourquoi j’irais investir dans mon pays (d’origine) où je vais pendant un mois de l’année et que je reste ici, malheureuse. Et que je ne donne pas la chance à mes enfants. J’ai pas fait ça Monsieur Dames. Non. Parce que je voulais d’abord donner la chance à mes enfants. Je ne suis pas là pour vous donner des leçons. Vous savez, quand j’ai perdu Imad, je voulais aller sur les lieux. Je m’étais dit qu’il m’avait peut-être laissé quelque chose sur le sol avant de mourir. J’ai seulement trouvé quelques traces de sang. Rien du tout. Et quand j’entends les jeunes me dire que Merah c’est un martyr, que c’est au nom de l’islam, je dis Mon Dieu, qu’est-ce que c’est que ça ? Alors arrêtez de remplir la tête de nos jeunes. Arrêtez avec leurs prières là. Arrêtez avec vos discours de religion. Arrêtez. Laissez les jeunes grandir normalement avec des bases. On n’oublie pas d’où on vient. On n’oublie pas notre religion. Mais avec modération. Pas avec des radicaux comme on en trouve aujourd’hui. Tendez la main à vos enfants. Soyez vigilants. Protégez-les. Cadrez-les. Aimez-les, vos enfants. Donnez-leur de l’amour. »
A tous 33’
« Je n’arrête pas de le dire. Il faut qu’on se réveille. Il faut qu’on travaille profond. Il faut qu’on aille dans ces mosquées dont certaines sont dangereuses. Certains imams qui ne sont pas formés. On les connaît et on ne fait rien ».
Au Parlement européen 34’
« Que ce soit avec nos foulards, nos kippas ou nos croix, on peut parler de la République et de la laïcité et des valeurs. Moi quand je vois quelqu’un avec une kippa ou une croix ça nem e dérange pas. C’est ça le vivre ensemble. Respecter l’autre et respecter sa différence ».
A l’école
« La responsabilité n’incombe pas seulement aux parents. Il y a la responsabilité des parents, la responsabilité de l’école, la responsabilité de l’Etat, la responsabilité de la mairie de la ville, tout le monde est responsable. On a mis ces gens dans des cités, ces familles dans des ghettos fermés, on a mis les enfants dans une école où il n’y a pas de mixité comment voulez-vous qu’un jeune puisse réussir. On les a casés et on a dit : intégrez-vous. Si on met les gens ensemble et qu’on leur dit intégrez-vous ? Comment ? A quoi ? Au couscous ? Au mariage ? A quoi ? Franchement ? On ne peut pas avancer comme ça.
Quand je travaillais à la cantine de l’école j’ai eu deux directeurs. Il y avait une femme et un homme. La femme était très ouverte mais l’homme était très strict. Il avait mis des affiches tout au long du mur du restaurant « je ne mange pas de cochon ». Quand les gamins arrivaient pour manger, à la porte du réfectoire, il y avait des dames qui accueillaient les enfants en leur demandant tu manges du cochon tu vas par là, tu ne manges pas de cochon tu vas par là. Ils séparaient les enfants. Moi ça me faisait mal au cœur parce que tout au long des tables on voyait à peu près 90 gamins qui étaient séparés des autres. Je ne comprenais pas. Chaque fois que j’ai nettoyé les tables, j’arrachais une affiche. Trois jours après le directeur m’appelle et me demande pourquoi j’arrache les fiches du mur. Je lui ai dit que je ne trouve pas normal qu’on sépare les enfants. Si on les sépare ici, si on les sépare dans la classe, si on les sépare dans la cour, comment voulez-vous qu’ils apprennent à se connaître ? Personnellement ça me choque en tant que femme française et musulmane. Et là il m’a regardé et il m’a dit : vous n’avez pas le droit. J’appelle la mairie tout de suite. Je lui ai répondu qu’il appelle la mairie et que moi j’appelle SOS racisme. Si vous avez le droit de faire ça, alors vous êtes gagnant. Il a dû se dire ouh lala ça va être dur avec celle-là... Il s’est levé et m’a dit : écoutez vous les arrachez mais vous êtes responsable. Et ça c’est bien passé. Il n’y avait lus d’affiches et les enfants étaient mélangés et c’était très joyeux. Et beaucoup d’enfants qui me croisent encore aujourd’hui me disent : on t’a pas oubliée, Latifa ».
Aux détenus 38'
L’un d’eux dit qu’il ne comprend pas comme le fils de Latifa a pu s’engager dans l’armée...
« Il faut trouver la place. Aujourd’hui dans la police par exemple, si on n’a pas de représentant maghrébin dans la police, on est « à côté » (laissé de côté), si on n’a pas de maghrébins dans l’armée, on est « à côté », s’il n’y a pas de maghrébins chez les profs, on est à côté. Alors on va travailler où ? C’est ça les valeurs. Si on n’y va pas, je me rejette moi-même. Non. J’insiste. Je pousse cette barrière et je trouverai ma place. C’est très important ».
Vous souhaitez un islam républicain, que les juifs et les musulmans vivent ensemble. 40’
« Quand je travaillais, j’enlevais mon foulard dans l’école et quand je sortais je le mettais. C’est pas un problème. Parce que si je veux que mes enfants réussissent, si je veux donner leur chance à mes enfants il faut sacrifier certaines choses. Sinon je ne reste pas en France. C’est un choix à faire. Sinon je reste chez moi à prier. C’est l’éducation qu’il faut réussir. On peut dire beaucoup de choses, être contre beaucoup de choses, mais la France ne va rien vous donner si si on cherche pas nous-mêmes. La France ne vous donne rien si vous ne donnez pas. Il faut être réaliste. Je ne peux pas rester chez moi les bras croisés et penser que la France va me donner une maison. Que je reste chez moi et la France va me donner un travail. Je reste chez moi et la France va me donner la réussite pour mes enfants. C’est faux. C’est archi faux. Et surtout pour nous qui avons des origines maghrébines. Il faut faire plus que l’autre. Et mon fils m’a toujours dit. Maman, il faut faire plus que l’autre. C’est pas grave, il faut faire plus que l’autre. Vous savez, moi je ne savais pas ce qu’étaient le samedi et le dimanche. Je faisais la cuisine pour « Monsieur et Madame ». Pour pouvoir payer des profs qui venaient chez moi, pour donner des cours à mes enfants. Un père, une mère doivent être derrière leurs enfants. C’est pas l’Etat ! »
Il faut faire plus que l’autre !
Alors moi j’ai une question pour les candidats à la présidentielle. Que comptent-ils mettre en place pour que Latifa et tous les autres n’aient plus besoin de sentir qu’ils doivent faire plus que les autres, plus que moi, pour réussir ? C’est contraire aux valeurs de la République, la liberté, l’égalité et la fraternité.