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Billet de blog 27 juillet 2013

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Prenons soin les uns des autres

Francisco José Garzon Amo, "conducteur chevronné et adepte de la vitesse", conduisait le train espagnol dans lequel près de 78 personnes ont perdu la vie et des centaines d’autres ont été blessées plus ou moins grièvement. Pour certains Francisco José Garzon Amo est un monstre. Ils diront qu’il a tué tous ces gens et blessés tous ces autres.

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Francisco José Garzon Amo, "conducteur chevronné et adepte de la vitesse", conduisait le train espagnol dans lequel près de 78 personnes ont perdu la vie et des centaines d’autres ont été blessées plus ou moins grièvement. Pour certains Francisco José Garzon Amo est un monstre. Ils diront qu’il a tué tous ces gens et blessés tous ces autres.

Francisco José Garzon Amo a-t-il le matin, en se levant, en prenant son petit déjeuner, ou la veille avant de s’endormir, décidé de tuer des gens et d’en blesser plein d’autres ? Non.

Qu’il ait voulu les tuer ou pas change-t-il quelque chose au fait que toutes ces personnes sont mortes ou sont blessées ? Non.

Les 78 personnes avaient de la famille, des amis. Toutes ces personnes sont malheureuses. Terriblement. La plupart de tous ces familiers aimant n’oublieront jamais ce qui s’est passé. Jamais. Les blessés non plus.

D’ores et déjà on nous dit que Francisco José Garzon Amo est mis en cause, « présenté comme le principal responsable de la catastrophe ferroviaire » ce qui sous entend que Francisco José Garzon Amo est considéré comme responsable des 78 morts et de tous les blessés et de la peine immense des familles et amis de tous les voyageurs touchés.

Sur Nouvel Obs on peut lire que Francisco José Garzon Amo aurait dit, alors qu’il était encore coincé dans sa cabine, le visage en sang puisque blessé au visage « On est humains, on est humains. J'espère qu'il n'y a pas de morts car je les aurai sur la conscience", aurait-il crié alors qu’il se trouvait encore coincé dans la cabine de pilotage, rapporte "El Pais". "Je devais aller à 80 kilomètres par heure et j’allais à 190 kilomètres par heure ! […] J'ai merdé, je veux mourir", aurait-il ajouté. »

On comprend qu’il dise ça, qu'ilaimerait remonter le temps, rembobiner toutes ces horribles minutes qui n’auraient jamais dû exister.

Mais voila, c’est trop tard, ce n’est pas un cauchemar, il ne va pas se réveiller, la tragédie a bien eu lieu.

Aux dernières nouvelles il refuserait de parler. Que voulez-vous qu’il dise ? Qu’est-ce qu’il y a à dire ? Les mots pour dire existent-ils seulement ?

Francisco José Garzon Amo est un homme bien. Tous ceux qui le connaissent le disent.

Un homme bien qui est (peut-être) responsable de la mort de dizaines d’autres, des blessures de tous les autres et du chagrin incommensurable de centaines d’autres. Ca fait beaucoup à porter pour les épaules d’un homme bien. Pour un homme bien, même un seul blessé est déjà de trop, alors on imagine.

« Il doit payer » crieront certains. Il paie déjà, dans sa conscience, c’est lui qui le dit. Il ira peut-être en prison pour des années. Quelle importance pour lui ? En prison ou ailleurs, il restera avec tous ces morts, ces blessés sur la conscience. Il ne pourra jamais réparer ça, jamais.

Si j’avais eu un être cher dans ce train, je serais malheureuse comme une pierre et je me dirais sûrement « qu’il crève ». Puis je me dirais peut-être dans quelques temps, quand viendra le procès, s’il y a un procès, que je veux qu’il m’explique pourquoi il a fait ça. Les victimes ou leurs proches disent toujours ça. Ils veulent comprendre ce qui s’est passé. Lui ne pourra rien expliquer. A part expliquer qu’il roulait à 190 à l’heure alors qu’il aurait dû rouler à 80 à cet endroit… En fait j’imagine que si ça m’arrivait, ce n’est pas ça que j’aurais envie qu’il m’explique, j’aimerais qu’il m’explique pourquoi ma vie est foutue parce que mon mari, ma femme ou mon enfant est mort. Et ça, lui ne pourra pas l’expliquer. Même si c’est à cause de lui (ou pas) que tout ça est arrivé…

J’ai dit qu’il y aura peut-être un procès, un grand procès vu le nombre de victimes. Avec une myriade d’avocats… (sans commentaires)…

Rien, je dis bien rien ne fera revenir les morts et n’effacera chez les survivants le souvenir de la tragédie.

La vie de dizaines de personnes a pris fin et c'est terrible.

La vie de Francisco José Garzon Amo aussi ; sa vie d’avant, sa vraie vie d’homme ordinaire. Il en a commencé une autre qu’il ne souhaite à personne, depuis le moment où le train dont il avait la responsabilité, s’est arrêté. Tout ce qu’on pourra lui faire subir pour le punir n’est rien par rapport à ce qu’il s’est infligé à lui-même s’il est le seul responsable de cette catastrophe et même s’il n’en porte qu’une part, voire aucune.

Si toutes ces victimes pouvaient nous faire comprendre que dans les catastrophes le plus urgent et le plus important n’est pas de chercher et de faire payer un coupable, nous pourrions gagner en humanité… Je sais, c’est loin d’être gagné… Nous sommes toujours si prompts à chercher un coupable…

Pour tous ceux qui ne sont plus, c’est trop tard.

Ce qui compte, ce qui devrait être une priorité, c’est de protéger la vie, toutes les vies du mieux que nous pouvons, celles dont nous sommes directement responsables, comme toutes les autres, la vie de nos semblables, que nous piétinons parfois, souvent et celles de tous ces autres que nous ignorons, parce qu’ils sont loin, ou parce qu’ils nous indiffèrent… Prenons soin les uns des autres, de tous les autres, c’est ça la priorité…

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