(Sans doute, quelques éléments fondamentaux éclairent largement le contexte de la Révolution française, dans ses préambules comme dans son exécution).
La levée des haines.
Un constat tout d'abord :le règne de louis XVI a été l'époque la plus prospère de l'ancienne monarchie. Pourtant, ceci n'a pas empêché que la révolution soit préparée par les classes les plus civilisées de la nation. Mais éveiller la sympathie pour les misères du peuple, c'était enflammer chaque homme par le récit de ses misères, lui en désigner les auteurs, l'enhardir par la vue de leur petit nombre , et allumer au fond de lui-même la cupidité, l'envie, la haine. Et la révolution sera exécutée par les classes les plus incultes et les plus rudes, se nourrissant de leurs préjugés, de leurs jalousies et de leurs haines. Les classes supérieures de la société s'intéressèrent au sort du pauvre dans un temps où elles ne croyaient pas encore que de ses maux pût surgir leur ruine. On semblait aimer la liberté , on ne faisait que haïr le maitre.
A joug plus léger, fureur croissante.
Moins fondamentalement , mais s'y ajoutant, les institutions inspiraient d'autant plus de haine qu'elles semblaient moins en état de nuire. Leur joug a paru le plus insupportable là où il était en réalité le moins lourd. Le mal qu'on souffrait patiemment comme inévitable semble insupportable dés qu'on conçoit l'idée de s'y soustraire. Les paysans notamment étaient devenus des propriétaires fonciers, mais ils demeuraient astreints au paiement de taxes, à certains travaux obligatoires, aux droits de péage. Des trésors de haine et d'envie s'étaient amassés en leur for intérieur. La féodalité , dans toute sa puissance, n'avait pas inspiré aux français autant de haine qu'au moment où elle allait disparaître.
Un embrasement total.
Les hommes politiques n'ont pas eu le pas sur d' autres, qui les ont surpassés: les hommes de lettres, qui devinrent les principaux hommes politiques du pays (vers le milieu du 18ème siècle), mais ceux-ci n'ont eu aucune idée des périls qui accompagnent les révolutions qui peuvent paraître les plus nécessaires. Et comme la Révolution française avait l'air de tendre à la régénération du genre humain plus encore qu'à la réforme de la France, elle a allumé une passion que les révolutions politiques les plus violentes n'avaient jamais pu produire. Ceci, alors que la France, malgré tout, était devenu le pays où les hommes paraissaient les plus semblables entre eux. Quant aux nobles , ils n'avaient pas voulu avoir les bourgeois comme associés, ils vont trouver en eux des rivaux , bientôt des ennemis et enfin des maîtres.
La régénération de l'espèce.
Et un peuple si mal préparé à agir par lui-même ne pouvait entreprendre de tout réformer à la fois sans tout détruire. La Révolution a cherché quels étaient les droits généraux et les devoirs des hommes en matière politique. L'esprit des novateurs , délivrés des gènes de la religion, des coutumes et des lois pouvait s'emporter à des témérités inouïes. Les français qui ont fait la Révolution ne doutaient pas qu'ils étaient appelés à transformer la société jusqu'à régénérer l'espèce.
Vers un nouvel absolutisme?
Dans le cadre si extraordinaire de la Révolution française, il est possible de dire que l'esprit humain perdit entièrement sa raison. Les philosophes du 18ème siècle avaient déjà montré un orgueil de rivaux face à Dieu et un orgueil de parvenus face au peuple. Leur raison conduira à de nouvelles formes de servitude. Et Mirabeau dira : "Plusieurs règnes d'un gouvernement absolu n'auraient pas fait autant que cette seule année de Révolution (nb: la première année) pour l'autorité royale". Appelant souveraineté du peuple les suffrages d'électeurs qui ne peuvent ni s'éclairer , ni se concerter , ni choisir.
(Et alors que la Révolution française s'enfonçait dans les guerres extérieures et les luttes fratricides), l'Angleterre du 17ème siècle était déjà une nation toute moderne qui avait seulement préservé quelques débris du Moyen Âge.
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Nb (Cette intelligence ne pouvait être que celle d'Alexis de Tocqueville, dont la pensée a été reprise ici dans ces développements. Il ne suffit que de le citer) .
La lucidité d'Alexis de Tocqueville le conduira aussi à préciser que cet abîme doit être mesuré au fait que presque tous les vices ont dû leur développement à l'art qu'ont eu la plupart des rois à diviser les hommes.