C'est bien connu de tous les pourfendeurs d'insoumis, le danger des extrêmes est plus que jamais menaçant, et une personne normalement constituée, et non possédée par un adorateur de dictateur à l'égo démesuré, ne peut vouloir ni de Le Pen, ni de Mélenchon. D'autant que la majorité des médias traditionnels le répète en boucle avec beaucoup de finesse, quand ce n'est pas pour accuser Mr Mélenchon d'être un admirateur de Chavez, Castro et Staline.
Si une personne se réclamant du mouvement des insoumis a le malheur de s'offusquer et de proclamer qu'il n'a rien à voir avec l'électorat Lepeniste et qu'il y va de sa petite sailli concernant le quotidien de référence (par exemple) il va pouvoir être, ironie du sort, taxé de mépris à l'égard des électeurs Lepenistes et des journalistes dudit journal.
Mais je tiens à rassurer tout le monde, nul besoin de mépriser l'électorat Le Peniste pour vouloir se différencier de lui, et d'être blessé par l'assimilation. Personnellement, et je crois pouvoir parler au nom d'un grand nombre, je suis amené à le côtoyer cet électorat, je discute avec lui, j'essaie de le convaincre du danger d'un tel vote et surtout des illusions qu'il représente. Même si j'avoue éprouver la plus grande des difficultés pour ne pas ressentir du mépris pour certain de leurs militants, les fous furieux salissant le web de leur lubies xénophobes et leur rêves totalitaires, les petits bourgeois poujadistes qui ont tout oublié des leçons de l'histoire, et les aristocrates déchus nostalgiques d'une monarchie de droit divin (ou plutôt du droit du mépris de classe). En revanche, j'éprouve plutôt de la tristesse pour les autres, les laissés pour compte, qui ressentent le même ras le bol que les insoumis, le même impérieux désir de changement, de renverser la table. Mais qui malheureusement se trompe de cible, en reportant leur colère bien légitime sur les immigrés, les roms, les mahorais, "colère" qui fait souvent mauvais ménage avec "discernement". Mais ce n'est pas une fatalité. Car cette colère peut être canalisée et devenir une force positive: par l'histoire, par la littérature, par les sciences humaines, par la philosophie, bref par l'érudition, et donc l'émancipation intellectuelle. Et ce que nous pouvons constater, c'est que les soutiens de JL. Mélenchon sont souvent des personnes curieuses, émancipées, critiques, non formatées, s'étant forgées une culture populaire profondément progressiste. Et que cette tendance explose avec internet. Et tout électeur FN qui ne se trouve pas dans les catégories ci-haut mentionnées, peut devenir un insoumis. Les autres, les militants, les convaincus, les purs et durs, ceux qui vont dans les meeting de Marine Le Pen (et qui y retournent!), n'ont rien à voir avec nous.
Car les insoumis que j'ai vu ce mardi, au Port, à le Réunion, pour le meeting de l'holochon, sont beaux. Ils sont fougueux. Ils ont de beaux rêves. Ils sont pluriels. Toutes les classes sociales sont représentées. Toutes les couleurs de peaux. Tous les métiers. Étudiants, Artisans, Maçons, Artistes, Ingénieurs, Juristes, Élagueurs, Photographes, Journalistes, Agriculteurs, Chômeurs, Mécaniciens, Vidéastes, Secrétaire, Cuisiniers, Cordistes, Retraités, Médecins, Infirmier(e)s, Enseignants, Noirs, Jaunes, Blancs, Gris, Rouges, Arc en ciel. Et ils ont en commun des idéaux profondément humains. Pour tous ça vous ne pouvez pas nous assimiler à l'électorat frontiste.
Pour ces gens, JLM n'est qu'un porte drapeaux, certes charismatique, brillant, cultivé, pédagogue, sans casserole, les épaules solides (qualités certainement nécessaires pour faire ce qu'il veut entreprendre en notre nom, avec notre soutien et notre engagement) - oui il a sûrement une haute opinion de lui même, et alors? Quel homme politique ne l'a pas? - il a mauvais caractère et est irascible? c'est possible, mais il en a beaucoup joué lorsqu'on ne l'invitait sur les plateaux télé uniquement pour faire le buzz - mais ce sont bel et bien ses idées qui séduisent et qui font le dénominateur commun de tous ses électeurs, non le personnage. Vous mettez le même bonhomme avec un discours raciste, aucun des soutiens de ce mouvement ne serait derrière lui. Et ces idées disent quoi? Simplement que nous, le peuple, dans toute sa diversité, ne veux plus être soumis au dictat des marchés financiers, de l'oligarchie, et de la marche destructrice du capitalisme, et que nous avons les moyens de ne plus l'être, en prenant notre avenir en main. Et ce en partenariat avec tous les peuples du monde qui ont les mêmes aspirations, de paix, d'égalités, de justice et de respect de notre bien commun, qu'est notre environnement.
Quant aux journalistes des médias main-stream, on peut supposer qu'il y en a plusieurs catégories, selon leur situation hiérarchique, et je n'en méprise aucune. Même si je goutte assez peu le travail de nombre d'éditorialistes. De plus, on peut présumer qu'il y a une majorité de journalistes qui font bien leur travail, et qui ne sont pas heureux de voir la ligne éditoriale de leur journal influencée par leurs actionnaires. Qui ne sont pas fier de leur risible Decodex. Qui sont navrés du manque de pluralité de la presse, en particulier, et de tous les médias traditionnels en général.
Car le problème des médias se résume à ça: on peut bien se gargariser tant que l'on veut de notre presse libre, et se révolter à peu de frais contre les atteintes à la libertés d'expression... Mais sans pluralité, à quoi bon informer, si ce n'est faire de la propagande? Pour les médias, le résultat d'un défaut de pluralisme s'approche de très près de celui d'un défaut de libertés d'expression : la fameuse pensée unique, terme certes galvaudé, mais qui a le mérite d'être clair. Et que cette pensée unique là est bien plus insidieuse. Car si la sacro sainte liberté d'expression est évidemment nécessaire, elle est très loin d'être suffisante. Et à force de focaliser l'attention des gens sur cette liberté là, on cache le principal, l'importance de la pluralité des idées. Certes nous pouvons dire ce que l'on veut en dehors du cadre définit par les propriétaires de médias, mais nous n'aurons aucune audience, ce qui revient au même que d'être muselé. Si le résultat est similaire, le moyen, lui, est bien moins évident à déceler que celui du défaut de liberté d'expression d'un état totalitaire, qui est la censure.
Or la concentration de la propriété des médias, aux mains de quelques oligarques, a pour conséquence un défaut de pluralité certain, mis en évidence en ce moment même avec l'halali médiatique sur JL Mélenchon, la sur-représentation de E. Macron, l'islamophobie rampante, la dédiabolisation du FN, le déni de l'urgence climatique, le traitement des conflits sociaux, l'européisme sectarisé, et le libéralisme tout puissant (liste non-exhaustive). Ce défaut éclate au grand jour, quand le système est aux abois.
Nous ne sommes pas forcément des intellectuels, ni des littéraires, ce qui ne nous empêche pas de lire, de nous informer librement, et d'avoir une conscience aigue de la direction épouvantable vers laquelle se dirige l'humanité et de l'urgence absolue de notre situation. C'est pourquoi nous ne nous satisfaisons pas de l'ordre établi et que nous ne souhaitons plus être infantilisés ni stigmatisés, au travers de ce discours réactionnaire et condescendant. Et que nous aspirons à une réforme en profondeur du paysage médiatique, en s'inspirant par exemple du système mutualiste proposé par Pierre Rimbert https://www.monde-diplomatique.fr/2014/12/RIMBERT/51030
Jérôme Balleydier