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Billet de blog 23 septembre 2024

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Les élections municipales approchent. Et pourquoi ne seriez-vous pas candidat ?

Les municipales 2026 approchent. Dans un an et demi les citoyennes et citoyens vont désigner leurs conseillères et conseillers municipaux ainsi que leurs conseillers communautaires. Si les questions se posent probablement d'une autre façon dans les grandes villes, l'engagement citoyen dans les petites communes peut contribuer à renouveler les pratiques démocratiques.

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Les municipales 2026 approchent.

Dans un an et demi les citoyennes et citoyens de 35 000 communes françaises vont désigner leurs conseillères et conseillers municipaux ainsi que leurs conseillers communautaires.

Et si les candidats, c’était vous ?

Élu-es au conseil municipal en 2020 et issu-es d'une liste minoritaire (commune de 2500 habitants), nous partageons, à travers ce texte, quelques réflexions en vue de faire bouger les pratiques liées au mandat d’élu local en nous appuyant sur notre expérience de conseillers municipaux. Quelques pistes sont issues de ce que notre équipe proposait de mettre en place si nous avions été élus, d'autres sont issues d'échanges avec des élus d'autres communes ou de pratiques déjà mises en place ici où là.

Nous espérons que ces lignes suscitent des échanges, permettent de partager des pratiques démocratiques innovantes, et, pourquoi pas, donnent envie à des habitantes et des habitants de s’engager pour leur commune.

Les limites de notre modèle démocratique ne sont-elles pas atteintes ?

La démocratie française est à bout de souffle : l'abstention reste, élection après élection, trop élevée. Personne ne montre de réelle volonté pour lutter contre cela. Nombreux sont celles et ceux qui désespèrent en constatant que leurs votes ne sont pas ou plus pris en compte, que leurs voix ne sont pas ou plus entendues. Sans doute n'ont-ils pas tout à fait tort...

Le mauvais feuilleton imposé par Emmanuel Macron lorsqu’il tarde à nommer une ou un 1er ministre et l’issue imposée leur donne raison.

A l’échelle nationale, lorsque des conventions citoyennes sont convoquées, il arrive trop souvent que leurs conclusions soient effacées devant les injonctions de cabinets conseils privés ou d’"experts", "en haut", loin du quotidien des français. Ces « experts » seraient plus à même de savoir ce qui est "bon" pour la France : bien curieuse conception de la démocratie.

D’année en année, nous le constatons, le débat d’idées s’efface devant des « batailles de com » savamment orchestrées dans les médias par des éditorialistes qui n’ont jamais eu la volonté de développer les débats. Au contraire, certains semblent n’être là que pour défendre des intérêts financiers qui sont bien souvent aussi, les leurs. Il y a une confusion des genres, entre le journaliste qui devrait être médiateur ou modérateur dans le débat et le chroniqueur qui est à la recherche du « buzz ». Cette confusion contribue à éteindre petit à petit toutes formes de débats et étouffe ainsi la démocratie.

Récemment, à l'initiative du sénateur centriste François Bonneau, pour faire face à la crise de l'engagement local, une proposition de loi visant à réduire le nombre de conseillers municipaux dans les petites communes a été présentée au Sénat. Voilà une bien curieuse réponse à une mauvaise question : il ne s'agit pas de s'accommoder de cette crise mais de s'interroger sur les causes et de faire en sorte que l'engagement local soit plus attractif.

S’appuyer sur l'échelon communal ne serait-il pas un moyen efficace pour renouveler la démocratie ?

Il est temps de redonner de l’oxygène à la démocratie pour la faire renaître, en commençant sans doute par souffler sur les « petites brindilles », c’est-à-dire agir à l’échelle d’une commune. Faire en sorte que chacun soit assuré que sa parole compte et soit écoutée, que chacun soit convaincu que son expérience n’a pas moins de valeur que les expériences des autres et que chacun puisse se sentir autorisé à jouer un rôle dans l’espace politique.

C’est à cette échelle, l’échelon communal, que le débat politique retrouvera du sens, c’est localement que pourront être organisés des échanges où, lorsqu’il y aura des décisions à prendre, les enjeux seront exposés, les arguments des uns et des autres seront expliqués sans caricatures. Et, progressivement, il faudra rendre plus lisibles les liens entre les politiques intercommunales, départementales, régionales et nationales en montrant leurs conséquences à l’échelon local. Il faudra rendre cohérentes les politiques nationales et les politiques locales. Un exemple : comment peuvent-être crédibles des élus qui se mobilisent contre des suppressions de services ou des fermetures de classes dans leur village alors que ces mêmes élus appellent parfois à voter, à un autre échelon, pour des candidats qui annoncent vouloir réduire les services publics ? Ce genre d’incohérence détruit des boussoles politiques et cela contribue à désintéresser de plus en plus de monde.

C’est à l’échelle d’une commune que nous pourrions mener des débats sur la fiscalité par exemple. Il est impératif de sortir d’une approche caricaturale qui n’aborde la fiscalité qu’en termes de « pression fiscale insupportable ». Cette bataille idéologique à mener devrait faire émerger l’idée de « commun » : quels services souhaitons-nous pour nos communes ou nos régions ? pour la France ? pour ensuite poser ce que cela implique en termes de moyens.

Qu’est-ce que la redistribution et comment l’organiser ? quelle contribution pour chacun ?

Ce n’est qu’en revenant collectivement sur le « pourquoi » de la fiscalité qu’il sera possible d’en présenter une image moins négative. De tels débats peuvent être organisés localement, en milieu associatif ou encadrés par les élus locaux dès lors que les participants aux échanges sont représentatifs de la population concernée et porteurs de la diversité des points de vue.

Nombreux sont les sujets susceptibles d’être abordés (autonomie alimentaire, commerces et entreprises, accueil des migrants…) à condition de s’assurer de ne pas favoriser l’entre-soi (les « habitués du participatif ») au détriment d’une représentativité de la population qui peut se faire éventuellement par tirage au sort ou autre mode de participation à inventer…

Un cadre doit être trouvé pour garantir la diversité des participants, ceci impose aussi un respect absolu de l’expression de chacun et sa prise en compte. Les élus locaux sont légitimes pour s’adresser à tous afin d’organiser cela.

(Re)faire vivre et renouveler la démocratie par l’action des conseillers municipaux, OUI. Encore faut-il des candidats ; comment rendre plus attractive la fonction d’élu ?

Dans certaines communes, il est parfois difficile de trouver des volontaires prêts à s’engager dans une aventure municipale. L’aspect chronophage de la fonction, le sentiment d’impuissance, la crainte de ne pas être à la hauteur, de ne pas se sentir légitime aussi…

Une étude récente, menée par l’université de Montpellier en lien avec l’association des maires ruraux de France (AMRF) mentionne que près d’un tiers des maires disent éprouver de l’épuisement. Le burn-out n’est pas loin pour certains d’entre eux. L’image renvoyée par certains maires peut effrayer ; cela peut être le cas lorsque tout est centralisé sur une personne, tout est organisé autour du maire. L’omniprésence sur le terrain du 1er magistrat agit sans doute comme un épouvantail, cela ne donne pas envie d’être candidat. Cette omniprésence est-elle vraiment utile ? est-elle souhaitable ?

Pour être au plus proche des besoins des habitants, les élus doivent « vivre » pleinement en société, les élus doivent avoir les mêmes préoccupations que les habitants, les mêmes temps de vie, leur engagement devrait donc les déconnecter le moins possible d’une vie « ordinaire ».

Il est urgent de repenser l’engagement politique local afin que chacun puisse se projeter en tant qu’élu sans que cela n’éveille en lui, la crainte d’un bouleversement total. Les exigences liées à une fonction d’élu devraient s’adapter aux contraintes de vie de chacun et non le contraire comme c’est souvent le cas. Certes, les temps collectifs sont contraints par les emplois du temps de chacun mais il faut sans doute davantage s’appuyer sur le statut de l’élu qui autorise un élu à s’absenter pour une réunion sur son temps de travail. Les indemnités sont aussi faites pour compenser cela.

Il doit y avoir une continuité sociale entre les élus et les habitants en faisant en sorte de retrouver la diversité des habitants au sein d’un conseil municipal. Il faut pour cela que le mandat soir attractif pour tous ceux qui pensent que la fonction n’est pas « faite pour eux ».

Dans les grandes villes les réponses seraient probablement différentes mais pour les communes dont la population ne dépasse pas quelques milliers d’habitants, des pistes pourraient être approfondies. Tout d’abord, évidemment, il convient de travailler collectivement, entre habitants, sur un programme séduisant pour la commune, un projet audacieux qui répond aux attentes et qui fait évoluer la commune en cohérence avec les exigences sociales, économiques et écologiques. On le dit souvent, il s’agit de trouver un récit dans lequel chacun trouve sa place au sein d’un collectif. Sans projet il sera difficile de trouver des candidats prêts à s’impliquer. Au contraire, de voir des candidats alors que le projet n’est pas encore écrit peut soulever des interrogations sur leurs motivations.

Mais un projet séduisant ne suffit pas. Il faut aussi innover dans la façon de s’engager. Un équilibre entre la vie privée, la vie professionnelle et l’engagement politique doit être trouvé. Le temps donné à l’engagement politique doit être pris au moins autant sur le temps professionnel que sur la vie privée de chacun, et cela doit être garanti. Cela implique, en amont, une planification raisonnable de l’engagement. Par exemple, chacun peut estimer le nombre d’heures, de demi-journées ou journées qu’il est prêt à consacrer à la commune. Les indemnités doivent être réparties entre tous les élus en fonction de cela. Il est envisageable que le temps disponible varie au cours d’un mandat, un conseiller peut annoncer qu’il souhaite s’investir particulièrement sur la période qui concerne tel ou tel projet et un peu moins sur d’autres. Les indemnités peuvent être ajustées par période en fonction de cela.

Quelle place pour les élus issus de listes minoritaires ?

Parfois, la parole des élus minoritaires est écoutée avec un a priori négatif ou caricaturée. Le débat est souvent limité sur des sujets déjà tranchés en interne et en amont par la majorité qui souhaite alors montrer un visage uni. La minorité n’a généralement que très peu de retours sur les éventuelles différences de points de vue entre les élus de la majorité et cela contribue à faire croire que les désaccords ne sont pas constructifs. Au contraire, c’est souvent par la confrontation et la prise en compte des différents points de vue que l’on avance.

La place des élus issus de listes minoritaires doit être repensée afin qu’ils puissent participer activement à l’histoire collective. Il devrait leur être proposé d’intégrer le même système de répartition des indemnités en fonction de leurs missions. Leur rôle est primordial pour garantir le débat démocratique : pourquoi pas en proposant une fonction de conseiller ou adjoint délégué à la démocratie ; il serait le garant du respect de la parole de chacun. Il aurait la charge, par exemple, d’animer des débats dans lesquels les différentes approches seraient expliquées sans caricature. Il est dommage de se priver de quelques personnes prêtes à s’investir. Mais Il est bien entendu compréhensible aussi qu’un élu issu d’une liste minoritaire ne se reconnaisse pas dans les projets et ne souhaite donc pas s’investir davantage. Au moins, peut-on le proposer.

Ne doit-on pas améliorer et donner plus de visibilité aux liens entre une commune et l’intercommunalité ?

Si lors des élections municipales, il est clairement précisé qu’il s’agit aussi des élections des délégués communautaires, il y a en revanche très peu de personnes qui semblent y prêter une réelle attention et qui en perçoivent les enjeux.

Le travail d'une intercommunalité est important. Il peut donner, sur certains sujets comme l’urbanisme, les mobilités ou autres, la tonalité de choix politiques.

Pour un ou une élue, s'investir dans le travail d'une intercommunalité peut être extrêmement chronophage. Les élus y passent du temps et les sujets sont parfois complexes. Outre les conseils réguliers, il y a également de nombreuses commissions sur des sujets différents. Il n'est pas possible d'être partout, pourtant le conseiller communautaire est appelé à s'exprimer par un vote sur l'ensemble des délibérations.

A la lecture de l’ordre du jour d’un conseil communautaire, il n’est pas toujours facile de cerner les délibérations porteuses d’enjeux politiques susceptibles d’être vraiment discutés. Tout le monde ne peut pas maîtriser tous les enjeux, et sur tous les sujets abordés.

Il y a donc un travail commun à imaginer entre les élus ou en amont, les candidats des différentes communes, particulièrement entre les candidats qui partagent les mêmes sensibilités. Ainsi, en début de mandat, les élus communautaires de villes voisines pourraient s’accorder pour se répartir les commissions dans lesquelles ils siègeront, et ainsi, chacun aurait la charge de partager ce qu’il se passe dans la ou les commissions qui le concernent, d’en présenter brièvement les enjeux, de reformuler les différents points de vue. Les élus sont alors déchargés de certains des sujets intercommunautaires mais ils bénéficient d’un apport suffisamment éclairé pour se faire une opinion et voter ou non les délibérations. Ce travail doit permettre de faire émerger les enjeux des délibérations qui portent sur des choix politiques.

Les élus communautaires ne devraient pas avoir d’autres missions dans leur ville que celles en lien avec l’intercommunalité. Ils devraient alors présenter systématiquement lors d’un conseil municipal ce qui est décidé au sein de la communauté de commune, en présenter les enjeux et expliquer ses votes. Une vulgarisation destinée aux habitants est également nécessaire.

Ne faut-il pas repenser les missions du maire ? Et pourquoi pas un fonctionnement en binôme ?

Si beaucoup de maires en exercice disent de leur mandat qu’il est éprouvant, si quelques-uns ne souhaitent pas rempiler, ils sont tout de même relativement nombreux, généralement, à accepter de poursuivre pour un mandat supplémentaire. En revanche, les nouveaux candidats à cette fonction semblent être moins nombreux.

La place du maire devrait être définie en équipe lors de la construction d’un projet politique. Certes, il y a un cadre réglementaire, mais rien n’oblige à la forte centralisation habituelle de la gestion d’une commune autour de la personne du maire. Une équipe pourrait collectivement se répartir les tâches. Y compris lorsqu’il s’agit d’être présent aux évènements organisés par la commune. Certains candidats ont déjà eu l’idée de se présenter en binôme afin de décentraliser, d’une part, les missions mais aussi de changer l’image de ce que doit-être un maire. L’idée de binôme est à approfondir car elle est non seulement une piste pour permettre de lever quelques craintes liées à la fonction mais aussi une façon d’aller vers davantage de parité.

Bien entendu, si un tel bouleversement est envisagé, il doit être clairement présenté et expliqué aux habitants avant les élections.

Une relation de confiance entre le personnel municipal, les élus et les habitants n’est-elle pas indispensable à un bon fonctionnement ?

Les élus ne travaillent pas seuls. Il est nécessaire de s’appuyer sur les compétences des habitants, des associations et du personnel municipal en organisant la place et le rôle de chacun.

D’abord, il convient de trouver une bonne articulation entre le personnel municipal et les élus afin que chacun y trouve son compte, que les compétences de chacun puissent s’exprimer de la façon la plus efficace pour la commune. Une forme de « lâcher prise » des uns est nécessaire lorsqu’il s’agit d’un travail qui fait clairement appel aux compétences des autres. Cela n'exclut évidemment pas les temps de restitution mais une véritable relation de confiance est nécessaire entre les élus et le personnel municipal afin que chacun reste à sa place et assume ses missions en cohérence. Les burn-out sont fréquents aussi au sein du personnel municipal, il est du devoir de l’équipe municipale de veiller au bien-être de l’ensemble du personnel. La première mission d’une équipe nouvellement élue est sans doute de définir un cadre clair entre les élus et le personnel.

Ensuite, les dispositifs démocratiques peuvent être mis en place pour travailler des projets avec des habitants en s’appuyant sur leurs compétences, les habitants sont bien souvent les garants du long terme et de l’intérêt du bien commun face à des élus qui, parfois, ont une vision court-termiste des enjeux, sans doute trop attachés à leur place.

Les expériences montrent que lorsque l’on fait appel à l’intelligence collective, le travail qui en ressort est plus abouti, plus transversal et les résultats mieux acceptés que lorsqu’il est pensé par quelques personnes sur un bout de table. Les résultats peuvent même aller au-delà des espérances attendues. Dans son ouvrage “Contre les élections”, David Van Reybrouck parle des travaux de James Fischkin (p. 129). “Les travaux de James Fischkin ont marqué un vrai tournant délibératif dans les sciences politiques… À plusieurs reprises, le Texas, l’Etat ou il travaille, a tiré au sort des citoyens pour qu’ils viennent délibérer sur l’énergie propre, un thème qui n’a rien d’évident pour cet État producteur de pétrole. Ces délibérations entre citoyens tirés au sort ont fait grimper de 52 à 84 le pourcentage de personnes se déclarant prêtes à débourser davantage pour pouvoir utiliser de l’énergie éolienne ou solaire ! Ce soutien accru a permis au Texas de devenir en 2007 l’Etat américain doté du plus grand nombre d’éoliennes ; dix ans auparavant, il était en queue de peloton.”

Enfin, l’ensemble des associations qui font vivre la commune sont bien placées pour identifier des besoins, pour faire émerger des compétences et pouvoir ainsi les mettre en commun.

Et si vous passiez à l'acte ? en vous impliquant maintenant dans l’écriture d’un projet qui fait envie ?

En commençant par rêver la commune, sans limite, par imaginer les conditions de votre engagement, inventer le fonctionnement de votre équipe !

Se mettre à table, écrire, imaginer. Comment sera la commune dans 20 ans ? dans 5 ans ? Est-ce que la commune est prête à évoluer avec les exigences climatiques et sociales des années à venir ? Quelles évolutions pour tisser des liens entre les habitants, entre les générations ? Des envies de tiers-lieux collaboratifs ?

Il faut sans doute un brin d'utopie au départ, mais ensuite, d'aller voir ce qu'il se fait ici et là, dans d'autres communes, peut donner de nouvelles idées et aider à étudier la faisabilité de certains projets afin de les mettre en place ensuite.

La démocratie ne peut vivre que collectivement.

Marie-Christine Couic

Guillaume Cornu

Elu-es au conseil municipal de Goncelin (38)

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