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Billet de blog 13 février 2014

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La gauche qui fait genre

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

"En un mot : ce n'est point par ses conquêtes tragi-comiques directes que le progrès révolutionnaire s'est frayé la voie ; au contraire, c'est seulement en faisant surgir une contre-révolution compacte, puissante, en se créant un adversaire et en le combattant que le parti de la subversion a pu enfin devenir un parti vraiment révolutionnaire" 

(K. Marx, Les luttes de classes en France).

A marcher sur la seule jambe du "sociétal", la gauche, oublieuse de la question sociale, s'enferme dans des débats caricaturaux et finira par s'effondrer, tel le dahu, animal à la stabilité illusoire.

Peut-être un jour les intellectuels de gauche dans ce pays retrouveront le sens du combat politique, c’est-à-dire l’inverse de ces tribunes d' "associations professionnelles" qui s’acharnent à dénoncer les imbéciles que le gouvernement leur désigne comme cible. On peut rêver. Ce soir, dans Le Monde, une tribune sur la « théorie du genre » vient ajouter sa voix au grand ramdam médiatique qui donne chaque jour une nouvelle jeunesse à l'extrême-droite : une de plus, dirons-nous, qui s’ajoute aux dizaines déjà publiées dans Le Monde, dans Libé et sur le Huffington Post. Dans ce grand spectacle, Le Figaro et Le Point nous gratifieront d’une dizaine d'articles aux opinions inverses.

Encore une fois, les associations de scientifiques spécialisés (science économique, science politique, sciences sociales et science historique sont au rendez-vous) ne conçoivent le débat politique que comme un grand cri unanime et scandalisé. Pour ceux qui n’auraient pas encore compris, cette énième pétition des agrégats professionnels de gauche nous apprend, dans un immense effort d’intelligence collective, que les imbéciles sont décidément des imbéciles[1].

Pendant ce temps-là, Moscovici, face à Marine Le Pen, nous dit que la gauche pense décidément à droite ; mais sur ces trahisons-là vous n’entendrez rien des consciences "professionnelles". Petit florilège de la bonne parole de Moscovici :

  1. Moscovici (répondant à Le Pen) : « Vous vous êtes fait il y a quelques secondes le porte-parole des entreprises après vous être fait le porte-parole du peuple. Je ne sais pas où vous rencontrez des chefs d’entreprise, moi je le fais sans arrêt ». (Sous-entendu : vous ne pouvez pas sans contradiction être le porte-parole des « chefs d’entreprise » et du « peuple ». Moi, Moscovici, je suis cohérent, je suis le porte-parole des entreprises.).
  2.  Moscovici« Et puisque vous parliez fiscalité des entreprises, je vais être extrêmement simple avec vous, moi je souhaite une fiscalité d'entreprises plus légère. J'évoquais le taux d'impôt des sociétés, je souhaite qu'il soit plus bas »Le Pen« pour les grandes entreprises ? »  Moscovici« oui bien sûr pour les grandes entreprises ». (57 m 10 s)
  3. Moscovici« Vous évoquiez les cotisations familiales qui aujourd'hui pèsent sur le facteur travail et ça n'est pas une bonne chose pour la compétitivité de l'économie française, et c'est demandé depuis longtemps ». (58 m 10 s)
  4. Moscovici : Jacques Sapir est « vraiment d'extrême-droite, en tout cas il est proche de vos idées [celles de Marine Le Pen] ». (1 h 04 m 7 s)

Une fois que Moscovici s’est fait massacrer pendant 70 minutes sur son bilan économique, Marine Le Pen peut tranquillement nous vendre sa sale camelote contre les immigrés et les homosexuels. Pour répondre, Moscovici prend alors le même air digne qu’il avait en nous parlant de la « compétitivité » et de la « solidarité européenne » avec la Grèce, mais déjà plus personne ne l’écoute…

Lire ici la réponse de Jacques Sapir aux attaques très calculées de Moscovici. 

Nota Bene pour les myopes ou les imbéciles qui voudraient commenter trop vite mon article : je suis pour le mariage homosexuel ; je pense aussi que les hommes peuvent porter des jupes (je m'en ferai tailler une bientôt) ; je pense qu'il faudrait multiplier au moins par trois les entrées d'immigrés pour renouveler notre pays qui devient vieux, bête et conservateur. L'ennemi, ce n'est pas l'immigré, c'est le patronat qui entretient la misère dans ce pays. A bon entendeur.


[1] « Non à la manipulation des sciences sociales ! », Le Monde, 12.02.2014

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