« La guerre ! s'écrient la cour et le ministère, et leurs innombrables partisans. La guerre ! répète un grand nombre de bons citoyens, mus par un sentiment généreux, plus susceptibles de se livrer à l'enthousiasme du patriotisme, qu'exercés à méditer sur les ressorts des révolutions et sur les intrigues des cours. Qui osera contredire ce cri imposant ? »
Robespierre (Discours sur la guerre, 2 janvier 1792)
Les derniers échanges et réactions à mes billets montrent assez que ces derniers, malgré leur virulence, ont fait progresser le débat. Néanmoins, certains malentendus semblent avoir du mal à se dissiper. Peut-être mes billets étaient-ils encore trop polis ? Aussi me faut-il dire plus directement ce que je pense, non pas de la prétendue scientificité des historiens « vigilants » (on aura compris ce que j’en pense), mais bien plutôt de la ligne politique qui se dégage systématiquement de leurs interventions « publiques ».
Le problème de toutes ces belles sorties « publiques », c'est qu'elles sont toujours une manière de crier avec les loups unanimes de la gauche réunie : qui à gauche pourrait être totalement en désaccord avec une tribune sur la « vague brune » ? avec une tribune sur le genre ? La prochaine fois, la gauche universitaire pourrait aussi publier une vibrante dénonciation du FN en y mettant tous les badges possibles et imaginables, du NPA au PS (et jusqu'à Bayrou peut-être) en passant par « touche pas à mon pote ! » (et « touche pas à ma science sociale ! »).
Tous ces beaux engagements me font penser mutatis mutandis à d’autres magnifiques envolées du passé, celles des belles âmes du parti de Brissot qui, en décembre 1791, criaient avec les loups de la « guerre patriotique » mais ne voulaient pas voir la corruption du camp de la guerre (eh oui je fais des analogies historiques et je pioche mes arguments dans l'histoire, je vais recevoir un coup de fouet des historiens « vigilants »). Quand je parle de « corruption » dans « notre camp », je parle, vous l'imaginez bien, de la corruption des socialistes qui se vautrent dans le présidentialisme et embrassent comme jamais l'idéologie néo-libérale. Mais enfin, les agitations sur le genre et Dieudonné sont-elles bien à la hauteur des catastrophes à venir ?
Avec une certaine inconséquence, les intellectuels de gauche choisissent toujours de crier avec les socialistes « au fascisme ! » comme pour mieux faire oublier les compromissions et les trahisons du PS. C'était le sens essentiel, politique de ma critique du concept de « vague brune » : ce n'est pas une « vague brune » qui s'abat sur l'école et l'histoire, mais une vague gaulliste, ce raz-de-marée gaulliste qui a depuis longtemps submergé les socialistes. Voyez Ségolène Royal qui criait en 2007 au stade Charléty « vive de Gaulle ! »...
Si enfin les stupidités douteuses de Lorant Deutsch se vendent comme des petits pains, ce n'est ni à cause de la stupidité des foules (qu'il faudrait éclairer de notre beau savoir), ni à cause d'une résurgence « brune », c'est parce que la gauche a déserté depuis longtemps la bataille politique de la gauche sociale et démocratique.
Il faut enfin ouvrir les yeux !