Confiance. Croyance spontanée ou acquise en la valeur morale, affective, professionnelle... d'une autre personne, qui fait que l'on est incapable d'imaginer de sa part tromperie, trahison ou incompétence.
Un climat délétère semble s'installer depuis quelques temps en France et en Europe. Votation citoyenne suisse reniant aux musulmans le droit de vivre leur foi à l'égal des autres religions. Criminalisation de l'immigration en Italie et polémique sur le délit de solidarité en France. Montée de l'extrême-droite au Royaume-Uni, où le British National Party (BNP) rejoint la longue liste des partis ultra-réactionnaires et xénophobes européens, aux côtés du Vlaams Belang belge, du NPD allemand ou du Jobbik hongrois. La chasse au bouc-émissaire est de nouveau ouverte, comme à chaque fois que le pacte social est fragilisé par les secousses de notre système économique. Serions-nous prêts à basculer dans une spirale infernale telle celle qui a précipité l'ensemble des sociétés européennes dans le chaos au cœur des années 30 ? Malheureusement, il convient d'être moins optimiste que Christian Estrosi, persuadé que le débat lancé sous l'égide d'Eric Besson nous prémunit contre ces errements coupables. Au contraire, de ceci rien ne bon ne pourra sortir, si nous ne réaffirmons pas unanimement, collégialement notre confiance en l'avenir, un avenir bâti par et pour tous.
La confiance ne se réclame pas. Elle ne s'ordonne pas. L'idée d'un serment d'allégeance, très en vogue, de la droite israélienne à la droite française, soit-disant menée sur le sujet par une prise de l'ouverture, ne peut que faire "froid dans le dos", comme nous le raconte Marietta Karamanli, députée socialiste d'origine grecque, ayant eu à subir les foudres de la dictature des colonels. Cette confiance, nécessaire entre citoyens partageant une communauté de destin, ne s'inculque pas à coup de cravache ou de sermon. Il faut battre en brèche les peurs de chacun. Il faut savoir renouer le lien avec les exclus qui aujourd'hui regardent avec défiance le ballet médiatique et politique, si éloigné de leurs préoccupations quotidiennes faites de discriminations diverses et de stigmatisation permanente, et sombrent parfois dans l'auto-dénigrement. Il faut reconstruire un lien de confiance avec chacun pour rassembler et construire. Cette confiance se mérite, et l'Etat ne peut nous enjoindre de nous associer à ses projets s'ils ne répondent pas à nos aspirations et à nos besoins les plus primaires. Elle s'apprend, s'épanouit, se murit.
La confiance nait à l'école, terrain de la découverte de l'altérité au-delà de l'entre-soi familial, terreau de l'esprit critique qui nous invite à dénoncer les présupposés hérités. Elle se renforce par le gage d'égalité de droits et de devoirs ; les passe-droits, les sauf-conduits, les pistons sont autant de coups portés à l'idéal d'une société équitable. Elle se confirme par un exercice réaffirmé pour toutes et tous de nos libertés d'expression, d'opinion, de manifestation... Cette confiance murit dans une fraternité, une solidarité jamais démenties entre les citoyens, conscients que la machinerie sociale ne fonctionne décemment que lorsqu'elle mobilise la totalité des siens. Cette solidarité, ce sentiment philanthropique, Saint-Simon nous invite à le saisir en retenant une sentence de la morale chrétienne : "Aimez-vous les uns les autres". Au-delà des dogmes religieux, Emile Durkheim, dans sa leçon sur Le Socialisme, déclare que "ce sont des forces sociales, des autorités morales qui doivent exercer cette influence régulatrice sans laquelle les appétits se dérèglent et l'ordre économique se désorganise." A nous de bâtir des institutions suffisamment fortes et reconnues pour qu'elles établissent des normes communes, unanimement reconnues et universellement respectées. A nous de forger un socle de valeurs sur lesquelles s'appuyer au quotidien dans notre aventure collective. A nous de nous montrer dignes, par nos actes, jour après jour, de la confiance de nos concitoyens, et d'en attendre les mêmes marques de respect. Nous pourrons alors déceler dans le regard d'autrui une volonté authentique d'aller plus loin, ensemble.