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Billet de blog 11 janvier 2010

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Impôt. Prélèvement (pécuniaire) obligatoire sur les ressources des personnes physiques ou morales, servant à couvrir les dépenses de l'État ou des collectivités locales. Synon. contribution, droit, imposition, taxe, tribut En voilà un gros mot. Un de ses mots dont on s'effraie facilement, qui ne sont utilisés qu'en dernier recours par les femmes et hommes politiques, une fois toutes les périphrases possibles écoulées, un de ces totems tabous sur la place publique qui pourtant aurait bien du mal à fonctionner sans eux. Car l'impôt, c'est l'argent, le nerf de la guerre. Lorsque des citoyens décident de s'épauler pour affronter l'avenir, inventant cette solidarité organique, institutionnalisée, ils sont nécessairement besoin d'oseille.

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Impôt. Prélèvement (pécuniaire) obligatoire sur les ressources des personnes physiques ou morales, servant à couvrir les dépenses de l'État ou des collectivités locales. Synon. contribution, droit, imposition, taxe, tribut

En voilà un gros mot. Un de ses mots dont on s'effraie facilement, qui ne sont utilisés qu'en dernier recours par les femmes et hommes politiques, une fois toutes les périphrases possibles écoulées, un de ces totems tabous sur la place publique qui pourtant aurait bien du mal à fonctionner sans eux. Car l'impôt, c'est l'argent, le nerf de la guerre. Lorsque des citoyens décident de s'épauler pour affronter l'avenir, inventant cette solidarité organique, institutionnalisée, ils sont nécessairement besoin d'oseille. Plusieurs solutions s'offrent alors à eux. Aller piller les propriétés voisines, au risque de quelques troubles de voisinage. Or depuis l'avènement de la Société des Nations, ou plus simplement de la machette, cette solution a semble-t-il été mise de côté. Oh bien sûr, certains persistent à s'aventurer dans les sables mouvants de l'accaparement des ressources étrangères, au prix d'un jeu risqué dont nul n'est jamais sûr qu'il s'avérera être une entreprise finalement rentable. Voulant pour autant préserver une atmosphère cordiale avec ses concitoyens et ses voisins, il reste envisageable d'emprunter les deniers requis à ces derniers. Mais cette route, d'autres l'ont emprunté, avec le succès que l'on connait aujourd'hui. Il faut alors s'y résoudre : prélever auprès de chacun des siens une quote-part fonction de leur situation propre. Et cette solution ne paraît pas si sotte : si chacun souhaite mettre en œuvre un projet collectif, il doit accepter d'y participer financièrement, à la hauteur de ses possibilités.

Lever l'impôt est donc légitime, dans le cadre d'une démocratie qui garantit la solidarité de ses membres. C'est même avant tout un acte citoyen, par lequel on montre son engagement à l'entreprise commune - même s'il ne faudrait surtout pas réduire cet engagement à un versement pécuniaire. Cette recette, indispensable, ne saurait cependant être prélevée si elle n'est pas mise en regard de la dépense afférente. L'impôt est la preuve quotidienne de la gestion collective de la vie commune, il ne saurait exister si preuve n'est pas faite de sa nécessité pour la société. Transparence du processus d'affectation des recettes, des modalités de leurs prélèvements, de l'efficience de leur utilisation... sont autant de critères obligatoires pour que l'impôt soit librement consenti. La Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen du 26 août 1789 ne dit pas autre chose dans son article 14 : "Tous les Citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs Représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d’en suivre l’emploi et d’en déterminer la quotité, l’assiète, le recouvrement et la durée". Son acceptation ne sera totale que si l'on met en regard recette et dépense : les plus critiques de ce qu'il est de bon ton d'appeler la "confiscation étatique" sont aussi parfois ceux qui sont le plus dépendants du soutien de la collectivité. Il existe donc une pédagogie de l'impôt, comme il existe une pédagogie judiciaire ou une pédagogie scolaire.

Prenons l'exemple de la taxe carbone, ou contribution climat énergie, ou taxe pigouvienne (encore une fois la mystique qui se cache derrière certains vocables...). La présenter comme une charge supplémentaire, inerte, confiscatoire pour les ménages les plus défavorisées qui n'ont d'autre choix que de l'acquitter, c'est à coup sûr l'échec à l'arrivée. Mais en faire un outil dynamique de redistribution basée sur la consommation énergétique, afin de soutenir les efforts des plus démunis afin que la transition écologique ne soit pas un motif supplémentaire de discrimination sociale et qu'ils puissent se convertir au même rythme que les plus aisés à la voiture électrique, à l'isolation thermique et aux panneaux solaires, et c'est tout de suite plus facile à avaler. L'impôt est, au-delà même de l'aspect purement pragmatique qui en fait une source de revenus pour concrétiser le projet commun, un moyen dynamique d'impliquer chacun dans cette entreprise collective. Sa progressivité est la garante de la solidarité sur laquelle il appuie sa légitimité. Sa transparence, sa lisibilité est le gage de son acceptation. Pensé ainsi, il devient réellement un des premiers actes citoyens par lequel chacun s'engage dans un processus collectif, menant en partage sa richesse, son travail, son devenir, pour le bien-être de tous. Loin d'être une confiscation, une perte nette, un poids mort, il est un investissement sur l'avenir, sur notre avenir. Alors, vive l'impôt !

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